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SYNOPSIS : Coach de tennis dans un complexe hôtelier, Tom mène une vie sans attaches au rythme de virées nocturnes alcoolisées et de cours monotones sous le soleil de Fuerteventura. Un jour, parmi le flot incessant des vacanciers, débarque sur l’île Anne, accompagnée de son fils et de son mari. Tom accepte de jouer le guide touristique pour la famille et très vite d’étranges liens commencent à se nouer entre eux.
Avec Islands, Jan-Ole Gerster (Oh Boy, Lara Jenkins) poursuit son exploration de personnages à la dérive, mais cette fois sous un ciel éclatant, au cœur d’un décor de carte postale. Un contraste fort et déroutant, qui donne tout son sens à ce drame intime, rongé de l’intérieur. Tom (Sam Riley), le personnage principal, vit à Fuerteventura, dans les îles Canaries. Il y est arrivé un jour, sans doute pour fuir quelque chose, pour se réinventer, on ne saura jamais exactement pourquoi, mais ce qui l’a attiré vers cet endroit sauvage, baigné de soleil et de sable, s’est transformé avec le temps en piège mortel. Il n’est plus qu’un fantôme parmi les vivants, prisonnier de ses excès, de ses habitudes toxiques, de ses dérives nocturnes entre alcool, drogues, et réveils sans mémoire dans des endroits improbables. Un paradis qui n’est plus qu’une prison dorée à ciel ouvert.

Le film prend d’abord son temps pour dépeindre le quotidien morne et flou de Tom : il ne va plus sur les magnifiques plages, sort toujours dans le même bar foireux, ne parle plus qu’aux mêmes têtes, souvent à moitié lucide. Même au sein de son île, il ne se déplace plus vraiment, il stagne, il survit. La caméra de Gerster épouse ce rythme léthargique, entre plans figés et longues séquences contemplatives. La lumière crue de l’île, omniprésente, n’éclaire rien d’autre que le vide de l’existence de Tom : tout est lent, désabusé, suspendu dans un état de dégradation douce mais irréversible. Ce n’est pas un drame de la grande chute spectaculaire, mais celui d’une lente agonie. Et c’est là où Islands est particulièrement réussi : dans cette manière de montrer l’érosion de l’âme d’un homme, rongé par une routine et une solitude qui ne dit pas son nom. L’île devient une métaphore limpide de son enfermement. Mais tout bascule, ou semble sur le point de basculer, avec l’arrivée d’un couple en crise. Un duo venu s’échouer à son tour dans ce lieu ensoleillé, espérant sans doute sauver quelque chose en changeant de décor, tout en donnant à leur progéniture l’illusion que tout va bien. C’est une ironie douce-amère : alors que Tom cherche inconsciemment une sortie, ce couple représente sa nouvelle entrée dans une impasse plus vaste encore. Pourtant, c’est dans ce chaos affectif, dans ce bourbier humain, qu’il voit une possibilité, une illusion de lumière, incarnée par Anne (Stacy Martin), séduisante, fragile, paumée comme lui, mais différemment.

La réussite d’Islands, c’est avant tout son atmosphère, tendue, parfois moite malgré la beauté des paysages. Les dialogues, souvent secs ou suspendus, disent plus par leur creux que par ce qui est explicitement formulé. On sent constamment la gêne, le désir, le malaise, et Gerster excelle à capter ces micro-tensions dans les regards, les silences et les demi-mots. L’arrivée d’Anne dans la vie de Tom réveille chez lui un espoir presque naïf. Elle est belle, mystérieuse, et suffisamment instable pour sembler à sa portée. Le film joue avec cette illusion de rapprochement, avec ce fantasme de sauvetage réciproque, mais n’en fait jamais un conte romantique. Anne n’est pas un remède, elle est une autre faille, une autre impasse, une autre perte de repère. Ce qui est amusant c’est la manière dont l’île réagit à cette intrusion. On observe les comportements des autorités locales, avec une distance intrigante car ce qui arrive à Tom n’est pas banal, mais l’île a l’air d’avoir perdu l’habitude de s’émouvoir du sort des touristes. C’est une société en vase clos, presque indifférente, où l’exceptionnel n’émeut plus. On s’identifie à Tom, malgré tout. À sa dérive, à sa lassitude, mais aussi à son infime espoir. Même s’il sait qu’il s’accroche à du vide, on comprend son besoin d’y croire. L’inattendu, pour lui, prend la forme d’un possible miracle.

Islands est un film de contrastes. La lumière y est éblouissante, mais les âmes sont ternes. Le décor est superbe, mais l’enfermement y est total. Jan-Ole Gerster réussit à faire cohabiter dans un même espace la beauté, le vide, et le désespoir. Il dresse le portrait d’un homme usé par ses propres choix, prisonnier d’un décor qui ne lui appartient plus, et qui croit à tort que l’arrivée de l’autre pourrait être sa planche de salut. Le film évite le misérabilisme, reste pudique, mais ne cache pas non plus la brutalité de certaines désillusions. Gerster ne fait pas de Tom un héros, ni même une victime : il en fait juste un homme, seul, sur son île, comme tant d’autres, où les petites victoires (la superbe scène du pari alcoolisé sur le terrain de tennis) sont des prouesses. Au final, Islands laisse flotter ses personnages entre deux états, perdus, mais encore vivants. Et c’est peut-être cette incertitude, ce refus du spectaculaire comme du symbolique forcé, qui donne au film sa puissance. Un film sur l’abandon, pas celui des autres, mais celui qu’on finit par infliger à soi-même, à charge de trouver l’impulsion pour redresser la tête.

Titre Original: ISLANDS
Réalisé par: Jan-Ole Gerster
Casting : Sam Riley, Stacy Martin, Jack Farthing
Genre: Comédie, Drame, Thriller
Sortie le: 02 juillet 2025
Distribué par: Jour2fête
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































