SYNOPSIS : En 1975, Vera Brandes, une jeune femme ambitieuse de 18 ans, va défier les conventions, s’opposer à ses parents et prendre tous les risques pour réaliser son rêve : organiser un concert de Keith Jarrett à l’Opéra de Cologne. Son audace et sa détermination vont donner naissance à un des enregistrements mythiques du XXe siècle : The Köln Concert.

Drôle de biopic : pour raconter l’histoire du « Köln Concert » de 1975, improvisation mythique du pianiste Keith Jarrett devenu contre toute attente l’un des disques les plus vendus de l’histoire du jazz, Au Rythme de Vera décide curieusement de ne pas placer le musicien en tête d’affiche. A travers une voix-off introductive – la première d’une longue série – on comprend que notre héroïne sera Vera Brandes, 17 ans au moment des faits, et que le parcours dessiné par Ido Fluk (scénariste et réalisateur du film) tendra à mettre en lumière la personne qui a rendu l’enregistrement de ce « Köln Concert » possible, envers et contre tous. Au Rythme de Vera raccroche alors avec la structure du biopic, navigant à travers les années qui précèdent dans la vie mouvementée de la jeune Vera Brandes, ici impeccablement interprétée par une saisissante Mala Emde dans une performance électrique pleine de vivacité. Fluk raconte l’Allemagne des années 70 et la survie de la scène Jazz, alors que Brandes tente d’échapper aux ambitions traditionnalistes que son père projette sur elle. Etonnamment, pour raconter l’histoire de l’un des enregistrements de jazz les plus mémorables du siècle dernier, Ido Fluk croise les effluves des genres et tire sa narration vers une déconstruction particulièrement jubilatoire. Brisages du quatrième mur en règle, voix-off méta didactique, rythme effréné et peinture explosive de la rébellion d’une adolescente contre son système : Au Rythme de Vera s’avère bien plus punk que prévu, une odyssée aux embouchures classiques qui brille par son envie de se démarquer quitte à être too much ou à tourner à vide.

Mais, à force d’exigence et de grand spectacle, garantissant une plongée passionnante dans le monde de la musique des seventies guidée par l’aura d’un magnétique Keith Jarrett habité par l’excellent John Magaro, Ido Fluk signe une proposition ébouriffante qui nous fait taper du pied en rythme, en prenant le risque de ne jamais jouer une seule note du concert qui donne son âme au film. L’on comprend très vite, dès la scène d’introduction à vrai dire, que le long-métrage va s’intéresser aux coulisses de la représentation, des évènements qui ont bien failli faire en sorte qu’il ne soit jamais joué ni enregistré.

Le personnage de Vera Brandes est dessiné comme une adolescente ambitieuse qui se creuse une place d’organisatrice de tournées malgré son manque d’expérience : son ouverture, sa passion et son ingéniosité sont mis en exergue de cette aventure, un film « sur l’échafaudage » qui a permis à Michel-Ange de peindre le plafond de la Chapelle Sixtine (métaphore servie sur un plateau par l’introduction du film).

C’est donc une belle surprise qui nous attend dans la forme un peu usée du biopic musical, une réinvention bizarrement moderne et aussi groovy qu’électrique, rendant hommage à la passion de sa jeunesse pour défendre un genre musical alors en perte de popularité. Son acte final autour de l’Opéra et de ce piano perdu raconte un suspense très bien dosé dans un chaos généralisé et un humour finement dessiné, bourré d’excellents interprètes et d’une émotion diffuse que l’on appréciera en filigrane. Au Rythme de Vera réussit à marquer par son énergie foutraque et ses brisures du système, servant un biopic moderne et grisant dans les arcanes de la carrière de Keith Jarrett, une odyssée rebelle et affirmée qui séduira à n’en pas douter les amateurs de jazz comme les néophytes.

Titre Original: KÖLN 75

Réalisé par : Ido Fluk

Casting : Mala Emde, John Magaro, Michael Chernus…