Critiques Cinéma

LIFE OF CHUCK (Critique)

SYNOPSIS : La vie extraordinaire d’un homme ordinaire racontée en trois chapitres. Merci Chuck ! 

Avec The Life of Chuck, Mike Flanagan continue d’élargir la portée philosophique de son œuvre, et nous emmène à nouveau dans un morceau de bizarrerie bouleversant comme il a su nous en livrer pléthore ces dernières années. Mais cette nouvelle pierre à sa filmographique semble pourtant dénoter : on connaissait Flanagan maître montant de l’horreur sur les petits et grands écrans (The Haunting of Hill House, Oculus, Sermons de Minuit, Ouija Les Origines, La Chute de la Maison Usher et tant d’autres), comme on le savait déjà amateur des écrits d’un certain Stephen King (on lui doit Jessie, Doctor Sleep au cinéma, avant de réinventer Carrie en série pour Prime Vidéo et une adaptation de La Tour Sombre toujours en discussion), ce Life of Chuck saisit ici l’essentiel de ce passif. Adaptation d’une nouvelle de King (issue du recueil Si ça saigne), pointant les ambitions thématiques que l’on assimile déjà à l’œuvre globale de Flanagan (la fin d’un monde, la persistance des souvenirs, la présence de fantômes du passé et du futur et un certain sens de la révélation), The Life of Chuck s’avère être une proposition en parallèle du travail de son réalisateur : une odyssée retournée et bouleversante qui envoie Flanagan dans le pendant lumineux de sa filmographie.


The Life of Chuck démarre avec Marty, un professeur de lycée qui se retrouve témoin d’une série de bouleversements dans le monde, alors qu’il tente de reprendre contact avec son ex-femme Felicia. Internet n’est plus accessible et des catastrophes naturelles balaient de nombreux pays de manière inexplicables, et c’est alors que d’étranges panneaux publicitaires semblent prendre d’assaut la ville et ses environs : un visage, celui d’un certain « Chuck » (Tom Hiddleston), à côté duquel quelques mots sont écrits pour le remercier de « 39 ans formidables »… A travers la structure de son film, récupérant la narration à l’envers de la nouvelle de base, Flanagan découpe la Vie de Chuck en 3 actes. Si le premier met Marty et Felicia au centre de l’équation – ce « Chuck«  censé être notre protagoniste n’apparaît que par panneaux publicitaires volontairement très intrusifs et donc particulièrement comiques – le point de vue du long-métrage change dès le deuxième acte, lequel remonte dans le temps pour récupérer ce fameux Charles « Chuck » Krantz à un tournant de sa vie : alors qu’il sort de son travail de banquier, Chuck tombe sur une batteuse de rue qui semble s’ennuyer devant son instrument et le mépris des passants. A l’aube du troisième acte du film, Flanagan remonte encore plus le temps, racontant l’enfance de Chuck, éclaircissant au passage les quelques mystères-clés de cette bizarre introduction désarticulée en 2 actes. La magie opère dans ce dernier segment, raccrochant la mythologie du monde étrange qu’il crée à la douceur des souvenirs d’enfance, à l’imagination débordante d’un ado rêveur, aux discours émouvants d’un grand-père face à la complexité du monde, à l’envie spontanée de se mettre à danser en plein milieu d’une foule, ou à la nécessité d’accepter la finitude d’un monde qui devra, quoi qu’il se passe, s’éteindre un jour. Ce n’est pas la première fois que Flanagan nous tire les larmes, on le savait savant assassin émotionnel après – exemples non exhaustifs – l’épisode de « La Dame au Cou tordu » dans Hill House ou le final de l’épisode 5 de Sermons de Minuit (on en a encore des frissons), mais cette fois est toute autre. L’horreur dévastatrice d’autrefois est aujourd’hui transformée en une bienveillance précieuse, une ode formidable à la vie, à l’amour et à la danse, une anti-histoire de fantôme parfaitement logique au sein de la carrière de Mike Flanagan, comme une pierre idéalement placée entre deux peintures de l’angoisse existentielle existant en chacun de nous. Le film est emporté par la très belle photographie d’Eben Bolter, à l’onirisme délicat savamment symbolique, et la sensationnelle composition musicale signée par les Newton Brothers qui accompagne les révélations émotionnelles de son récit.


En chargeant à ras-bord une certaine approche du « pathos », Flanagan flirte pourtant souvent avec une iconographie un peu trop mielleuse et faussement complexe qui aurait vite pu faire sombrer le navire, mais s’en sort parfaitement grâce à l’empathie formelle impeccable qu’il dessine dans ses trouvailles de mise en scène et dans les embouchures de son montage à rebours. Niveau casting, le réalisateur est à la maison, retrouvant la majorité de ses acteurs récurrents (il est de ces cinéastes qui s’entourent d’une « troupe » pour chaque nouveau projet, offrant une connexion familière avec son public qui a le plaisir de retrouver des visages connus) à commencer par Karen Gillan (Oculus), Mark Hamill (La Chute de la Maison Usher), Kate Siegel (sa compagne dans la vie, actrice présente dans quasi toutes ses œuvres), Rahul Kohli (Bly Manor, Sermons de Minuit), Jacob Tremblay (Doctor Sleep) ou encore Samantha Sloyan (Sermons de Minuit et bientôt Carrie), avec quelques nouveaux qui débarquent dans le Flanagan-Universe par la grande porte, comme Tom Hiddleston, Chiwetel Ejiofor et Matthew Lillard.


Chacune des pièces de cette très dense peinture universelle s’incarne parfaitement au sein d’une histoire redoutablement simple dans ses embouchures ou dans son message final, mais offrant au global une émotion diffuse qui raconte la beauté de la nature éphémère du monde et de la vie, cachant sa vérité dans les non-dits dévastateurs, racontant encore plus l’efficacité sentimentale impressionnante de son auteur-réalisateur et la façon bien à lui qu’il a de communiquer avec les écrits de Stephen King. « Je suis vaste, je contiens des multitudes« , disait Walt Whitman. Cette phrase est reprise ici en harmonie par Stephen King, Charles « Chuck » Krantz et Mike Flanagan lui-même – des artistes de toutes générations et de tous univers qui se répondent dans les silences entre les mots.

Titre Original: THE LIFE OF CHUCK

Réalisé par : Mike Flanagan

Casting Tom Hiddleston, Mark Hamill, Chiwetel Ejiofor …

Genre: Drame

Sortie le: 11 Juin 2025

Distribué par: Nour Films

EXCELLENT

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