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SYNOPSIS : Agnès et Nora voient leur père débarquer après de longues années d’absence. Réalisateur de renom, il propose à Nora, comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais celle-ci refuse avec défiance. Il propose alors le rôle à une jeune star hollywoodienne, ravivant des souvenirs de famille douloureux.
Joachim Trier, c’est définitivement une affaire d’intelligence émotionnelle. Il a ce talent inné de dénicher l’intensité et venir nous toucher en plein cœur. Dans sa filmographie, on pensera bien sûr à Reprise (2006), Oslo, 31 août (2011) ou encore Thelma (2017). Son précédent long-métrage, Julie (en 12 chapitres) (2021), avait vu Renate Reinsve glaner légitimement le prix d’interprétation féminine sur la croisette. Avec Sentimental value, il la retrouve et forcément, on adore l’idée !! Avec son Sentimental Value, Joachim Trier démontre à quel point il est un grand filmeur des émotions contrariées et autres tourments insolubles. Comme quand Nora se refuse à monter sur scène alors que tout est prêt, elle demande des gifles, il faut la ceinturer à plusieurs, et remettre du scotch sur sa robe qu’elle tente de déchirer, avant que finalement elle ne puisse faire face aux spectateurs comme si de rien n’était.

Cependant on ne sort pas forcément tabassé par le long-métrage. La première partie s’apprécie par la justesse de la mise en place et du temps salutaire que le cinéaste propose pour comprendre ses personnages et ce qui va se jouer entre eux. Puis dans un second temps, qui s’étiole un peu, on perçoit en effet que le cinéma a contribué à séparer cette famille avec ce père, qui comme tant d’autres délaissera globalement sa famille. Toute la question est de savoir si le nouveau projet ciné du paternel va accentuer ce gouffre ou créer une proximité que tous recherchent finalement. Avec Sentimental Value, c’est l’intime des traumas familiaux qui est disséqué, et jamais déballé, car le film garde évidemment cette pudeur mais propose même beaucoup de délicatesse et de subtilité dans ces dialogues, ces situations et dans les interactions entre chacun-e-. La différenciation des liens entre chacune des sœurs et leur père, qui entre les sœurs elles-mêmes vient convoquer non pas de la rivalité mais une distance parfois, même si elles font fratrie et corps ensemble. C’est toute cette finesse dans l’analyse familiale qui est passionnante et très empathique dans Sentimental Value. Les contradictions, les regrets, les envies, les besoins, les rêves, qui viennent se heurter au réel de l’autre. Tout y passe, et avec toujours beaucoup d’élégance et de finesse dans le propos.

A l’image de la maison familiale, qui dès les fondations fut traversé par une fêlure majeure. Évidement les métaphores de ce qui lient l’histoire des familles. Avec son lot de vacheries ordinaires lors des moments de rassemblement, comme à table par exemple. On retiendra plus particulièrement une scène lunaire totalement hilarante. Le patriarche Gustav, pour les 9 ans de son petit-fils ne lui offre rien de moins que les DVD de Irréversible de Gaspard Noé et de La leçon de piano !! Selon Gustav, le premier pour Monica Bellucci (rappelons qu’elle se fait quand même violer dans le film) et le second pour : « comprendre comment fonctionnent les femmes !! » Ou tout l’art d’être un sale con par moment !! La mise en scène est au service l’histoire, lumineuse, avec une photographie sobre mais sacrément intense quand même, notamment en termes d’authenticité. C’est assez feutré mais avec un charme d’ensemble indéniable. Un sens de la vérité que le cinéaste a voulu sur Sentimental Value, n’hésitant pas à tirer sur quelques longueurs, créant ainsi comme une torpeur qui est celle de la vie. Tout n’est pas toujours fluide.

Au casting, contrairement à Julie en 12 chapitres, Renate Reinsve joue avec une véritable chorale, et finalement il n’y a pas de réel héros à proprement parlé, car c’est bien la famille le personnage central. Renate Reinsve justement, si elle est moins omniprésente à l’écran, nous communique toujours autant d’émotions, par le naturel et l’épure de son jeu. Comme quelque chose qui nous serait familier. Une proximité qui s’explique par la force du réel dans ses postures. Toujours aussi impressionnante. Stellan Skargard joue un Gustav parfois taciturne, mais avec le rire au coin des yeux. Il a l’ambivalence des vieux messieurs qui ont été longtemps absents, sans filtre parfois et plus intérieur par moments. Toutes ces nuances d’un personnage pris entre plusieurs époques et sentiments, l’acteur les interprète avec grâce et beaucoup d’intelligence. Une mention également à Elle Fanning, l’inoubliable Cléo dans Somewhere (2010) de Sofia Coppola, ici dans le rôle de Rachel, qui est tout en intensité et en émotion. Toujours aussi saisissante. Au final, Sentimental Value est un film très cérébral et sentimental particulièrement abouti. Il va regarder l’intériorité de chacun-e et ce qui les unit. Une petite anthropologie avec beaucoup de douceur de nos éternelles tyrannies familiales. Inépuisable et universel au cinéma.

Titre Original: SENTIMENTAL VALUE
Réalisé par : Joachim Trier
Casting : Renate Reinsve, Inga Ibsdotter Lilleaas, Stellan Skarsgård …
Genre: Comédie, Comédie dramatique, Drame
Sortie le: 20 août 2025
Distribué par: Memento
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Festival de Cannes 2025, Les années 2020








































































































































