EDDINGTON (Critique)

Par JM Aubert le Mai 19, 2025 • ( 1 commentaire )

SYNOPSIS : Mai 2020 à Eddington, petite ville du Nouveau Mexique, la confrontation entre le shérif et le maire met le feu aux poudres en montant les habitants les uns contre les autres.

Eddington de Ari Aster nous est présenté comme un western politique et horrifique avec un teaser en particulier complètement dingue, qui donne une immense envie de cinéma. Avec notamment Hérédité en 2018, Midsommar en 2019 ou encore Beau is afraid en 2023, le cinéaste s’est en quelque sorte imposé comme le roi du malaise, et Eddington sur le papier semble culminer bien haut dans ce registre alléchant. C’est typiquement le cinéma où on se marre aussi parce qu’on a peur, et ce mix émotionnel est toujours un kiff de cinéma ! Ari Aster, c’est aussi souvent un casting fou, et le moins que l’on puisse dire est qu’Eddington ne va pas déroger à la règle avec rien de moins que Joaquin Phoenix, Pedro Pascal ou encore Emma Stone !

Ce qui surprend finalement le plus dans Eddington est son approche politique car croisant évidemment plusieurs genres, on a un peu le sentiment que le western, le comique (très présent), l’horreur (pas tant que ça) sont des outils de divertissement au service d’une véritable satire sur les gravissimes névroses et angoisses d’une Amérique tellement polarisée, et qui plus est pendant le COVID, là où se passe la narration. Ajoutez-y le meurtre de George Floyd et les manifestations Black Lives Matter qui s’invitent dans bourgade d’Eddington, et les antagonismes déjà existants deviennent alors explosifs ! Et ce n’est pas un vain mot au regard d’un épilogue particulièrement jouissif !!! Et pendant que les drames se jouent dans la vie réelle, l’exploitation sur les réseaux les amplifient, tout le monde filme tout le monde, ce qui permet de ne même plus se parler réellement et donc d’augmenter l’angoisse là où est censés se protéger. Des moments pas novateurs mais toujours instructifs et qui s’incrustent bien dans l’ensemble quand même assez anxiogène.

Mais la démonstration pour en arriver là traine quand même beaucoup en longueur. C’est un peu le désagréable sentiment que l’on nous rabâche des scènes de multiples conflits à Eddington, sur le port du masque, sur l’élection municipale, sur tout et son contraire, qui sont très inégales entre elles, et certaines même parfaitement inutiles. La question des choix au montage se pose, car c’est comme si vraiment on avait peur que le spectateur ne comprenne pas, sauf qu’à force c’est l’effet inverse dans la mesure où on se perd légèrement pour reprendre au final l’intrigue principale de la confrontation entre le maire et le shérif. Et c’est dommage, car pour le coup, celle-là, elle est vraiment fun ! C’est aussi l’histoire très interpersonnelle de deux hommes, de deux conceptions et forcément de deux Amériques. Il existe une véritable juxtaposition de genres, et c’est même un savant bordel car tous les sujets hyper clivants de l’Amérique y passent ! Mais au final Eddington n’est pas à proprement parlé horrifique. Il déploie un climat un peu flippant, une atmosphère un tantinet malaisante c’est vrai, mais on retiendra d’avantage le western dans de duel fratricide entre les deux et le comique autant de situation que de vannes, car clairement devant Eddington, on se marre quand même beaucoup et avec une dernière demi-heure complètement dingue ça c’est incontestable !

Au casting un grand numéro et une petite déception. Commençons par la mauvaise nouvelle. Pedro Pascal paraît comme sous utilisé. Son personnage n’est pas le principal des deux c’est vrai, mais c’est surtout que l’écriture de celui-ci en fait un personnage assez terne et avec peu d’envergure. L’acteur ne pouvait pas en effet de toute façon réaliser une performance inoubliable. Le personnage joué par Emma Stone, c’est un peu la même chose, donc difficile d’y voir une délicieuse performance. Par contre, toutes les palmes (et pas impossible que ça soit dans tous les sens du terme) sont à chercher du côté de Joaquin Phoenix, complètement survolté !! Le rôle lui offre en effet des possibilités inouïes et il s’en saisit avec tout le talent qu’on lui connait, pour faire un grand numéro déjanté dans lequel il porte avec lui beaucoup d’Eddington. Un vrai régal ! Au final, Eddington est un bon film de festival, mais ne laisse pas une impression définitive ou le bonheur de se dire » j’y étais« . Rien de bien nouveau, si ce n’est qu’on se marre vraiment bien dans une atmosphère parfois un peu étouffante, bref des émotions de cinéma !