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DOSSIER 137 (Critique)


SYNOPSIS : Le dossier 137 est en apparence une affaire de plus pour Stéphanie, enquêtrice à l’IGPN, la police des polices. Une manifestation tendue, un jeune homme blessé par un tir de LBD, des circonstances à éclaircir pour établir une responsabilité… Mais un élément inattendu va troubler Stéphanie, pour qui le dossier 137 devient autre chose qu’un simple numéro.

Ce n’est rien de dire que l’attente est folle autour de Dossier 137. Tant le dernier long-métrage de Dominik Moll, La nuit du 12 fut cette claque qui a emporté toute la Croisette au printemps 2022 puis rien de moins que les Césars en 2023 en étant récompensé logiquement comme le meilleur film.  Dominik Moll vient de nouveau croiser ici différentes thématiques, entre l’intime et la dimension politique. Si dans La nuit du 12, on combat le mal avec une photocopieuse qui ne marche pas, ici il va être question notamment pour Stéphanie de faire face à de véritables dilemmes moraux devant les dérives de son institution, faites d’injonctions paradoxales et de pressions hiérarchiques en tout genre.

Ce qui est sûr et particulièrement impressionnant dans le cinéma de Dominik Moll, c’est l’infinie justesse de sa caméra. Toujours à la donne distance de son histoire, c’est hyper précis et méticuleux tout en s’imposant comme un cinéma de nuances, et en cet endroit, Dossier 137 est passionnant de vérité. Jamais simpliste ou manichéen, et « en ces temps de tromperie universelle, dire la vérité est acte révolutionnaire » disait Georges Orwell. On est ici pile dans le sujet. On ne va pas se mentir, certains flics prennent cher dans son film, mais c’est justement car on sent tout l’engagement du cinéaste pour un service public de qualité et à qui on doit en donner les moyens, que Dominik Moll parle de « certains flics » qui ne sont pas « tous les flics ». Et car précisément, Stéphanie en est une, et elle est tourbillonnante et virtuose dans sa façon de mener son enquête. Malgré les lourdeurs administratives et les procédures qui s’enchevêtrent dans la dictature infernale du papier.

A nouveau, le cinéaste vient convoquer une intense et lancinante réflexion sur ce qui ne fonctionne pas entre nous, et toujours en lien avec le choix ultime de la violence. Hier dans La nuit du 12, c’était entre les femmes et les hommes, aujourd’hui dans Dossier 137, c’était entre la police et les gilets jaunes, mais c’est en fait une parabole, une métaphore, de ce qui ne fonctionne pas entre le citoyen et l’institution, et donc sur comment on fait encore société. C’est un véritable projet de vivre ensemble que questionne l’air de rien le film, et le cinéaste le fait avec un talent sobre et redoutablement efficace de mise en scène. Car Dossier 137, c’est une enquête policière, c’est l’autopsie de l’affaire que Stéphanie va traiter dans un souci constant d’une quête absolue de vérité, avec chevillée au corps sa mission de service public et d’intérêt général. Pour se faire, elle ira dans chaque recoin d’un micro atome de poussière pour venir établir les faits et permettre une justice. Sauf que comme c’est celle des hommes, rien ne sera moins sûr pour la suite. Et même, ce qui est aussi particulièrement saillant dans Dossier 137, c’est la propre injustice à laquelle elle s’expose. Car elle porte les valeurs de l’institution, et c’est cette dernière qui pourrait le lui reprocher ! Elle prend le risque, sans jouer les chevaliers blancs, mais juste en faisant son travail de se mettre à dos les collègues, la hiérarchie, et même aussi un peu à la maison avec le fiston. C’est surtout à travers elle le sacrificiel dévouement de nombre d’agents qui viennent assurer une paix sociale à bon compte pour des élites souvent bien déconnectées et méprisantes. Pour autant, Dossier 137 n’appelle pas non plus à l’insurrection, ne tombe jamais dans le poujadisme ou la facilité, mais il dit juste la vérité du quotidien. Dieu que ce film est intelligent !! Et en plus on se marre !!! Sans en dire trop, certaines réponses décalées voir délirantes des flics mis en cause pour se dérober, qu’ils récitent pourtant très sérieusement, offrent des moments de contraste que les maîtres du burlesque ne renieraient pas !

Au casting évidemment Léa Drucker. Elle est renversante de vérité. Une femme, une flic, une femme flic, elles est complètement habitée et donne vie au personnage de Stéphanie. Sa simplicité, l’épure de son jeu, lui permet d’aller chercher les aspérités de Stéphanie. On la sent engagée et pleinement dans la défense du rôle. Une prestation hautement récompensable par bien des trophées !! Dossier 137, c’est aussi toujours une affaire de chorale, de sens du collectif. Dans un monde où il n’y pas de héros ou autre sauveur suprême, il faut bien faire équipe. Et dans ce groupe, l’envie d’en ressortir Jonathan Turnbull dans le rôle de Benoit. Il est aussi très impressionnant de justesse, et à chaque fois qu’on le voit quelque part c’est la même chose, un régal !!  Au final, Dossier 137 est courageux, audacieux et peut très vite vous devenir complètement indispensable !! Du grand, du très bon, on en veut encore et toujours !!

Titre Original: DOSSIER 137

Réalisé par: Dominik Moll

Casting:  Léa Drucker, Guslagie Malanda, Dorothée Martinet …

Genre: Policier

Sortie le: 19 novembre 2025

Distribué par: Haut et Court

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