Critiques Cinéma

PARTIR UN JOUR (Critique)

SYNOPSIS : Alors que Cécile s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique, elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l’infarctus de son père. Loin de l’agitation parisienne, elle recroise son amour de jeunesse. Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent…

Partir un jour, qui à la surprise générale il faut bien le reconnaître a été choisi comme film d’ouverture de la 78ème édition du Festival de Cannes, est ce choix audacieux et plein de fraîcheur. Le long métrage d’Amélie Bonnin, son premier, entre directement dans la cour des grands, et c’est un plaisir, tant le film nous transmet l’énergie qu’il dégage. Rien de bien étonnant au regard de l’excellent court métrage éponyme récompensé du César du meilleur court-métrage de fiction en 2023, duquel il s’adapte. Par rapport à son petit frère, le long ici inverse les rôles en féminisant finalement son récit avec ce rôle de femme forte, qui plus est confié à Juliette Armanet. A ce sujet, la réalisatrice elle-même a reconnu une forme d’influence très indirecte du patriarcat, confiant initialement le rôle fort à un homme. Elle rétablit donc les affaires avec le long métrage !!

A propos de la forme très musicale, presque comme un mantra, Amélie Bonnin a martelé que ce n’était pas une comédie musicale, mais un film musical ! Nuance d’importance pour celle qui s’est nourrit notamment du fabuleux On connaît la chanson (1997) d’Alain Resnais et qui voit la musique comme un socle quotidien qui tisse les liens entre les individus. Avec cette appétence pour de la musique populaire. Et si tout le monde n’est pas Resnais, ici la revisite de certains classiques quand même un peu kitchs du répertoire hexagonal, s’inscrit comme pour son illustre prédécesseur dans un dialogue, quasi jamais chorégraphié ou trop mis en scène, qui vient presque comme naturellement dans un échange entre deux personnages. Et c’est parfois somme toute assez spectaculaire cette transformation ce certains tubes, initialement clairement insupportables comme Partir un jour des 2 Be 3, qui devient ici doux, lancinant et dont on ne saurait même se passer !!! Partir un jour version longue ne manque donc pas de charme, c’est évident. Il nous compte avec une forme de mélancolie mais jamais désespérée ou morne, une France des champs, à minima péri-urbaine en insistant notamment sur cette fixité de celles et ceux qui n’ont pas eu l’opportunité ou tout simplement l’envie de partir. Sur cette idée du refus du déracinement, mais aussi d’une forme de fatalité de la reproduction sociale, le film ne juge jamais, il prend acte.

Et ainsi montré le poids des souvenirs, des regrets, ce qu’on aurait dû, pu, pas osé… Et si on recommençait, si on sortait d’une forme d’assignation, c’est tout que vient questionner Partir un jour avec sa singularité en propre, toujours avec une forme de douceur. Quand Cécile et Raphaël se retrouvent, est-ce possible, faisable souhaitable de faire confiance aux passions balbutiantes d’une autre époque ou est-ce juste le charme de nos chères éphémères parenthèses ? C’est en tout cas propice à nombre de jolis moments, très empathiques dans une petite poésie du quotidien très plaisante, qui est une véritable littérature et empreinte du film. Un léger bémol cependant, avec une forme de constance dans cette oscillation permanente entre le conformisme et l’envolée. C’est par moment, et même assez souvent échevelé, mais redevient finalement assez sage. Un choix d’une non radicalité sans doute voulu pour ne pas venir casser une narration, qui, s’il ne gâche aucun plaisir au visionnage aurait pourtant pu nous en donner plus encore, tant on a envie de partir un jour oui, mais encore plus loin dans cette histoire auquel on s’attache, et oui, presque on en voudrait plus !!

Le casting est d’abord ici un véritable duo. Celui d’une parfaite alchimie entre Juliette Armanet et Bastien Bouillon. Un duo qui vient donner du crédit à cette histoire et les rend très électriques dès qu’ils sont dans la même pièce. Leur jeu de regard est une petite chorégraphie parfaite de tout ce que la tyrannie amoureuse offre comme non-dits et autres frustrations. Un duo très fort, mais bien sûr de remarquables performances individuelles. Bastien Bouillon campe comme l’indécrottabilité d’un personnage qui véritablement s’est laissé assigné, non pas dans une médiocrité mais pour sûr une facilité. Tout y est : la reprise de l’affaire familiale, un mariage avec celle de Je suis de celles très beau texte de Bénabar : Celle qui n’était pas la plus belle, mais sa copine, celle qu’on voit à peine et qu’on appelle machine. Il aura aussi gardé les mêmes potes et les mêmes délires. Il joue l’enracinement doux avec toujours le naturel qu’on lui connaît. Bastien Bouillon, c’est toujours un kiff !! Et bien sûr, Juliette Armanet, c’est l’ouverture, et sans doute même l’éclosion pour celle qui avant de devenir la chanteuse populaire que l’on sait, a fait des études de lettres et de théâtre. C’est pour autant ici son premier vrai rôle principal et elle y brille de mille feux. Elle pose dans son jeu toutes les contradictions et questionnements que son personnage porte si fort en elle. Une femme forte qui joue une femme forte, mais qui à un moment se met à douter. Cette palette d’émotions là, l’actrice en joue à merveille. Incontestablement, toutes les portes s’ouvrent à Juliette Armanet. Et puis, un vrai plaisir que de voir et revoir Dominique Blanc et François Rollin, dans des rôles qui leur vont comme un gant, à savoir infiniment tendres. Au final, Partir un jour est un vrai petit plaisir de cinéma qui s’apprécie tout en douceur, et dont l’insouciance promet un vrai moment de réjouissance !

Titre Original: PARTIR UN JOUR

Réalisé par: Amélie Bonnin

Casting : Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin…

Genre: Comédie dramatique

Sortie le: 13 mai 2025

Distribué par: Pathé Films

 TRÈS BIEN

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