Critiques Cinéma

THE SHAMELESS (Critique)

SYNOPSIS : Dans la nuit, Nadira fuit Dehli après avoir poignardé un policier. Elle se cache dans une communauté de prostituées du nord de l’Inde où elle rencontre Devika, une jeune fille que sa mère veut marier de force. Ensemble, au péril de leur vie, elles décident de se rebeller contre l’institution religieuse et les traditions archaïques pour conquérir leur liberté.

Le réalisateur bulgare Konstantin Bojanov glisse vers l’Inde pour son nouveau long-métrage, The Shameless aura d’ailleurs permis à Anasuya Sengupta de repartir avec le prix de la Meilleur Actrice de la sélection Un Certain Regard au terme de la dernière cérémonie cannoise. Le film suit la fuite de Renuka, une prostituée recherchée pour meurtre à Dehli, trouvant refuge dans une communauté de travailleuses du sexe à Chhatrapur. Là, elle rencontre Devika, 17 ans, soumise à la pression familiale et promise au même destin.

The Shameless s’avère être une œuvre intrigante et âpre, fixée sur la violence et la froideur de son récit et peinte derrière une esthétique habilement léchée qui entremêle moments de désespoir et beauté formelle de manière très dérangeante. Bojanov y dépeint sans fard la violence systémique, la misogynie ancrée dans tous les pans de la société, et le désir d’émancipation chez celles que l’on réduit à leur corps. Cette plongée sans concession est servie par une mise en scène stylisée, parfois à l’excès : la magnifique photographie de Gabriel Lobos impose une esthétique saturée de bleus tranchants et de rouges anxiogènes, créant une tension permanente entre beauté formelle (tendant vers une mise en scène hyperstylisée) et sordidité du réel (touchée par un scénario brutal qui plonge dans un réalisme glacial). C’est là que le film trébuche essentiellement : dans cette difficulté à faire coïncider la forme avec l’urgence de son propos, l’ensemble à tendance à se déséquilibrer lui-même avant de révéler sa démarche précieuse par ses qualités centrales.

Le tout est porté avec grand talent par Anasuya Sengupta, évidente de charisme et de force émotionnelle, racontant les paradoxes d’une société misogyne qui s’évertue à voir la femme comme objet. The Shameless, à travers ce miroir entre Renuka et Devika, raconte le besoin d’émancipation, le désir de fuite et d’idéalisation de l’ailleurs alors que le monde s’effondre dans les appartements insalubres où Renuka fait ses passes contre des clopinettes. Bien que dévié par un manque de rythme et par un scénario souvent lisible à l’avance, The Shameless montre sa pertinence par le parcours de ses deux personnages, Sengupta coopérant dans le cadre en duo avec l’épatante Omara, le cœur du film au centre de ses émotions les plus flagrantes. Son interprétation, clairsemée d’une sensibilité très bien gérée, raconte la place de celles qui n’ont pas de contrôle et qui sont condamnées par leurs cellules familiales à suivre une voie déjà tracée d’avance.

Au bout du compte, Bojanov signe un long-métrage volontairement âpre, sans concession et nécessairement dérangeant, une tragédie à échelle de deux femmes qui tentent d’échapper à leurs destins, pour raconter le récit de ces deux femmes coincées dans leurs conditions respectives et aspirants à une vie meilleure autre part. Jouant la carte risquée du paradoxe, narré entre la poésie et la violence, entre la grâce et la réalité, entre l’innocence et le sang, The Shameless est un drame aux portes du thriller, qui permet à un impeccable duo Anasuya Sengupta/Omara de construire deux personnages précieux et plein de désillusions, dans un cinéma aussi clinique qu’intransigeant, une expérience sensorielle désarçonnante et parfois maladroite qui ne peut pas laisser insensible.

Titre Original: THE SHAMELESS

Réalisé par: Konstantin Bojanov

Casting : Mita Vashisht, Auroshikha Dey, Tanmay Dhanania…

Genre: Policier, Drame, Thriller

Sortie le: 14 mais 2025

Distribué par: L’Atelier Distribution

 TRÈS BIEN

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