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SYNOPSIS : Damien, étudiant à la dérive, accepte un emploi dans un relais de chasse tenu par deux malfrats locaux. Ces derniers utilisent leur domaine pour couvrir des activités illégales où jeux d’argent et prostitution se mêlent. Suite à la disparition d’une escort, Damien s’engouffre dans une spirale de règlements de comptes.
Nous avons eu la chance de voir Le Domaine, réalisé par Giovanni Aloi, à deux reprises, dont une fois dans un cadre particulièrement important pour le film : lors de la soirée d’ouverture du Festival International Jeunes Acteurs et Actrices (FIJA), où il concourait. La première fois, nous ignorions encore un détail qui allait nous réserver une petite surprise aussi inattendue que réjouissante : Le Domaine a été tourné à Saint-Nazaire, dont nous sommes originaires. Cet aspect a ajouté une dimension supplémentaire à notre expérience du film, en renforçant le sentiment d’immersion et en créant un lien affectif immédiat avec le décor. Nous étions également très heureux de retrouver à l’écran Félix Lefebvre, un acteur que nous avions découvert et beaucoup apprécié dans le superbe Été 85 de François Ozon. Sa présence dans Le Domaine n’a d’ailleurs fait que confirmer l’étendue de son talent, tant son jeu y est juste, nuancé et profondément humain. Nous pouvons mentionner (même si cela n’a pas forcément un grand intérêt, le réalisateur s’en étant éloigné) que le film s’inspire, de manière très libre, d’un fait divers survenu dans une autre région de France, la Tuerie de Belhade en 1985. Giovanni Aloi s’en empare non pour en faire un récit sensationnaliste, mais davantage comme prétexte pour explorer des tensions humaines dans une petite ville de province pouvant mener à une dégringolade, à la frontière du drame intime et du thriller.

Ce qui marque le plus dans Le Domaine, dès les premières minutes, c’est l’atmosphère. Le film possède une identité sensorielle forte, presque palpable, qui nous enveloppe tout du long. Giovanni Aloi parvient à créer un univers cohérent où chaque élément, qu’il s’agisse de la lumière, du cadre, des décors ou du rythme, semble minutieusement travaillé pour participer à la fondation d’une ambiance caractéristique. Rien n’est laissé au hasard, le réalisateur ayant jeté son dévolu sur beaucoup de travellings sur rail. Giovanni Aloi sait d’ailleurs tirer parti du décor naturel, et filme certains endroits de Saint-Nazaire de façon à ce que la ville apporte vraiment quelque chose. Nous avons particulièrement apprécié retrouver des lieux familiers tel que le Burger House, qui sert de QG aux personnages, une enseigne que les habitants de Saint-Nazaire reconnaîtront immédiatement. Ce lieu, d’apparence anodine, devient une sorte de point de ralliement pour les protagonistes et un espace où se jouent plusieurs moments cruciaux du film. Le film met également en valeur la base sous-marine, avec un joli éclairage rose qui accentue son côté imposant et mystérieux, donnant à cet espace à l’allure industrielle une atmosphère idéale pour une scène de danse très particulière (décidément Félix Lefebvre est abonné à ce genre de passages depuis Été 85). Enfin, le pont de Saint-Nazaire, avec sa silhouette imposante, offre un arrière-plan idéal pour certaines scènes extérieures. Ce lieu majestueux se prête parfaitement à la mise en scène, et sa présence à l’écran renforce l’impression que les personnages évoluent dans un cadre à la fois vaste et clos, en totale interaction avec leur environnement.

Mais au-delà de ces lieux, il y a aussi le fameux Domaine qui n’est autre que le château de Coislin à Campbon, situé non-loin de Saint-Nazaire. Comme le titre du film l’indique c’est aussi dans ce lieu qu’une partie des mésaventures et drames vont se jouer. C’est ici que la transition débutée dans le Burger House va s’achever, permettant aux personnages réfugiés derrière la perspective d’argent facile, d’obéir servilement aux ordres d’un petit malfrat qu’ils perçoivent comme un caïd. Le Domaine est contextualisé de façon assez amusante, le spectateur comprenant rapidement que les personnages ayant investis dedans à perte, n’ont plus d’autres choix que de trouver des activités de plus en plus farfelues et dégradantes pour faire venir du gratin dans les lieux. Ici encore il y a une vraie ambiance et on arrive parfaitement à saisir l’état d’esprit des personnages lorsque le piège se referme peu à peu. Le réalisateur s’amuse avec les couleurs, n’hésitant pas à s’affranchir d’une lumière purement réaliste pour aller expérimenter des teintes permettant de faire un lien avec le mental des personnages, à la frontière du rêve et de la réalité.

Un autre point fort du film réside indéniablement dans la qualité de ses interprètes. Le Domaine est porté par un casting de haut vol, qui apporte une véritable profondeur et un cachet supplémentaire à l’ensemble. Félix Lefebvre, déjà apprécié dans Été 85, nous livre ici une prestation émotive et discrète, qui sert parfaitement l’atmosphère du film. Cependant, c’est Patrick d’Assumçao qui vole véritablement la vedette, en régalant tout au long du film par son jeu puissant et subtil. Il incarne un personnage complexe, à la fois mystérieux, violent et drôle, qui s’impose comme un véritable pilier du récit. On retrouve chez lui cette capacité unique à passer de la rigolade à la menace, tout en restant d’une grande retenue. Son jeu n’est jamais excessif, il est toujours juste, c’est ainsi un réel plaisir de le retrouver. Profitons-en pour mentionner Cheyenne et Lola, une série méconnue dans laquelle Patrick d’Assumçao incarnait un personnage tout aussi fascinant. Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de la découvrir, nous vous invitons vivement à la rattraper. Elle regorge de subtilités et permet d’apprécier l’étendue du talent de plusieurs actrices et acteurs, une approche de dynamique collective profonde. La mise en scène de Giovanni Aloi s’appuie aussi sur une qualité d’interprétation collective restreinte pour renforcer la tension dramatique du film. Les relations entre les personnages, qui se dévoilent lentement, gagnent en crédibilité et en émotion.

Au final, Le Domaine de Giovanni Aloi s’impose comme une agréable surprise que nous n’attendions pas. C’est un film épuré mais exigeant qui prend son temps sans jamais ennuyer, et qui permet au sein de ce fameux Domaine d’exploiter des idées intéressantes comme la chasse sans animaux ou les parties de paintball sur des étudiantes. La force du film c’est aussi sa capacité à aller jusqu’au bout de son idée. Il ne se contente pas de raconter une histoire, il en explore les répercussions sur le long terme, en offrant un épilogue qui se déroule plusieurs années après les événements principaux. Ce choix narratif permet au spectateur de mesurer l’impact des drames sur les personnages, tout en surfant sur la voix off de Félix Lefebvre qui contextualise bien avec recul et sobriété comment il a pu sombrer dans une telle descente aux enfers. À travers une mise en scène délicate, des interprétations justes et une atmosphère sonore et visuelle parfaitement maîtrisée, Giovanni Aloi réussit à faire de son Domaine une œuvre qui mérite le détour.

Titre Original: LE DOMAINE
Réalisé par: Giovanni Aloi
Casting : Félix Lefebvre, Patrick d’Assumçao, Raphaël Thiéry…
Genre: Thriller
Sortie le: 14 mai 2025
Distribué par: Capricci Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma








































































































































