Critiques Cinéma

L’AMIE (Critique)

SYNOPSIS : Olga et Ruth n’ont, à première vue, rien en commun. Olga est sûre d’elle, indépendante et appréciée des hommes. Ruth est renfermée et craintive. Dès leur rencontre, une grande amitié se noue entre les deux femmes. La force et la profondeur de cette affection vont perturber leur entourage, en particulier les hommes.

La réalisatrice allemande Margarethe von Trotta est l’une des cinéastes sociopolitiques les plus pénétrantes de ces 25 dernières années. La qualité de ses films est toujours fascinante, ils ne se complaisent pas dans la rhétorique et nous offre une analyse directe et plutôt froide. Elle nous l’a déjà démontré dans un de ces films précédents : son excellent Les Sœurs (1979), elle explore ici le lien étroit entre deux femmes et leurs rapports avec la société. Le film nous raconte l’histoire d’Olga (Hanna Schygulla), une professeure d’université, séparée de son époux, et qui vit avec ses deux fils adolescents. On découvre également Ruth (Angela Winkler), une femme qui exerce la profession de peintre et qui vit avec son époux, Franz (Peter Striebeck), un homme vigilant suite à la tentative de suicide de Ruth. Un triangle explosif éclate lorsque Ruth remplace Franz par Olga comme confidente principale. Pour Franz qui établit un ordre hiérarchique des relations basé sur une domination masculine, la nouvelle amitié de Ruth remet toute sa vie en question, pour lui, les choses ne semblent plus à leur place.

L’une des forces de ce film c’est l’ironie, car c’est bien Franz lui-même qui a convaincu Olga de devenir l’amie de Ruth, il souhaite que sa femme ait une amie à qui elle puisse se confier, pour l’aider à se stabiliser et s’épanouir. Mais c’est une idée profondément ancrée et plus provocatrice de la part de la réalisatrice, car son impulsion attentionnée est là surtout pour alléger son propre fardeau, il semble totalement désintéressé de sa femme, et ne veux plus avoir à gérer ses problèmes. Avec ses échos ironiques, le scénario soigneusement élaboré de Margarethe von Trotta demeure décisif. Sa compréhension de la situation est encore plus profonde. On s’aperçoit que la masculinité toxique de Franz est toujours présente, tout cette manigance n’est ni plus ni moins qu’une manière désespérée de réaffirmer son autorité et son pouvoir. De toute évidence, le sens aigu de la trahison, découle de bien plus qu’une simple amitié entre sa femme et une autre femme, la rationalisation minutieuse révèle les efforts de Franz pour se protéger de toute conscience que son bien-être a toujours dépendu du mal-être de Ruth et de sa dépendance totale à son égard. Le prix de ce comportement aura des conséquences dramatiques.

Le style visuel du film est en grande partie inspiré et lié au personnage de Ruth. Au début du film, cette dernière peint ses œuvres uniquement en noir et blanc, les couleurs atténuées et plus colorés se glissant dans ses rêves, ou plutôt ses sombres fantasmes, parfois effrayants. Le directeur de la photographie Michael Ballhaus en profite pour nous offrir des magnifiques jeux d’ombres et de silence dans cette atmosphère sombre et obscure. Notamment lorsque la caméra recherche Ruth, disparue dans une maison de campagne, cela suggère une reconstitution de la propre fuite de Ruth. En réalité, la caméra filme la quête d’Olga pour retrouver Ruth, ce qui nous montre une attirance spirituelle indéniable entre elles.

Margarethe von Trotta souligne également la réaction excessive de Franz au travers de son incompréhension totale de la situation. A contrario, le film relate patiemment la formation de l’amitié entre Ruth et Olga, un lien et une intimité qui se forment progressivement. Et à ce jeu, Hanna Schygulla et Angela Winkler s’en donnent à cœur joie, livrant deux prestations de très grandes qualités. Elles sont le reflet d’une vision féérique et positive qui vient contrer la toxicité masculine de Peter Striebeck. Celle qui se surpassera (encore) quelques années après, en 1986, avec l’excellent Rosa Luxemburg, nous offre ici une réflexion riche et provocatrice.

Titre Original: HELLER WAHN

Réalisé par: Margarethe von Trotta

Casting :  Hanna Schygulla, Angela Winkler, Peter Striebeck…

Genre: Drame

Sortie le: 1983

Ressortie le : 07 mai 2025

Distribué par: Splendor Films

EXCELLENT

 

 

 

 

 

 

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