REQUIEM FOR A DREAM (Critique 4K UHD-Blu-Ray)

Par Pierre Chamb le avril 9, 2025 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS ; Sara Goldfarb (Ellen Burstyn) vit seule à Coney Island. Mère juive veuve et fantasque, elle vit dans l’espoir obsessionnel d’être un jour invité sur le plateau de son émission de télévision préférée. C’est dans cette perspective qu’elle suit un régime draconien, afin d’entrer dans la robe qu’elle portera, lorsque le grand soir sera venu. Son fils Harry (Jared Lero) est dépendant à la drogue. Avec sa petite amie Marion (Jennifer Connelly) et son copain Tyrone (Marlon Wayans), ils noient leur quotidien dans d’infantiles visions du paradis terrestre. En quête d’une vie meilleure, le quatuor est entraîné dans une spirale infernale qui les enfonce, toujours un peu plus, dans l’angoisse et l’autodestruction…

Darren Aronofsky le réalisateur de l’hallucinatoire Pi (1998), revient ici avec des moyens plus importants pour son deuxième film, et c’est un véritable coup de poing, l’un des récits antidrogues les plus percutants jamais portés sur grand écran. Apportant une nouvelle dimension au film sur la drogue, le réalisateur reproduit à travers sa caméra, ce que ses personnages ressentent, veulent ressentir ou craignent de ressentir. Ici, pas de sermon, juste une description quasi clinique de vies gâchées. Requiem for a dream présente une vision sombre et inimaginable d’une histoire d’espoirs et de rêves brisés par la toxicomanie.

Adapté du roman du même nom écrit par Hubert Selby Jr. le film démarre lentement, présentant chacun des protagonistes tout en établissant leurs relations. Le personnage central est Harry (Jared Leto), un jeune homme qui vit au jour le jour, chaque dollar qu’il gagne ou vole sert à acheter quelque chose qu’il peut s’injecter dans les veines. Son meilleur ami et associé est Tyrone (Marlon Wayans) qui partage nombre de ses aspirations. Sa petite amie est Marion (Jennifer Connelly), qui est également toxicomane. Le quatrième personnage (et non des moindres) c’est la mère de Harry, Sara (Ellen Burstyn), qui mène une retraite modeste tout en étant accro à la télévision et au sucre. C’est une femme douce et naïve qui reçoit un appel téléphonique la laissant croire qu’elle pourrait être invitée dans son émission favorite. Obsédée par sa robe rouge préférée, elle se fait prescrire des pilules amaigrissantes par son médecin pour l’aider à perdre du poids, ce qu’elle parvient à faire mais perd aussi des forces, et surtout elle devient accro aux stimulants et aux calmants qui composent son régime alimentaire. Chaque personnage dans ce film a ses propres rêves. Pour Sara c’est bien évidemment d’apparaître dans son émission préférée. Pour Harry et Tyrone, il s’agit de réussir un gros coup et de se constituer un pécule. Pour Marion, il s’agit de créer sa propre entreprise de vêtements et de vivre avec Harry. Ils ont tous des rêves pleins la tête et ils avaient les moyens de réussir, bien avant que leur besoin animal et déchirant de prendre leurs prochaines doses ne détruise leurs capacités de raisonnement.

Techniquement le film est brillant, Darren Aronofsky, est fascinant et arrive à suggérer la vision de ses personnages. Il nous montre certaines choses tout en refusant d’autres, il utilise également des gros plans pour montrer l’effet des drogues sur ses personnages. On voit d’abord la drogue remplir l’écran, nous montrant que c’est la seule chose à laquelle les personnages pensent, puis l’injection car cela occulte le monde pour finir avec les pupilles qui se dilatent. Le tout réalisé en accéléré avec une exagération sonore aiguë afin de montrer la rapidité avec laquelle les drogues font effet. Ajouté à cela dans chaque scène, la musique écrite par Clint Mansell, qui s’y prête parfaitement, de la lenteur du début au chaos absolu de la fin, en passant par l’utilisation de notes aiguës et d’une musique rythmée. Requiem for a Dream nous prend aux tripes en grande partie grâce à ses prouesses techniques, mais pas que… Il y a aussi le casting, où chacun d’entre eux est montré dans un état de dégradation physique et mentale. Avec en tête d’affiche Ellen Burstyn l’interprète de Sara dans une intrigue qui est peut-être la plus tragique. Son dévouement à un rêve qui s’estompe est bouleversant. Elle passe la majeure partie du film isolée du reste du monde, tout en exprimant son angoisse de ne pas être à la hauteur. Jared Leto incarne avec brio Harry et décrit avec justesse le héros opprimé, dos au mur, implorant une issue pour arranger les choses. Tout comme sa petite amie interprétée par Jennifer Connelly, sa transformation est stupéfiante. L’alchimie entre elle et Jared Leto est palpable. Malgré la drogue, son innocence transparaît, ce qui rend sa chute d’autant plus déchirante. Et pour finir il y a Marlon Wayans dans l’un de ses rares rôles dramatique qui est bouleversant.

Véritable géant du cinéma psychologique qu’il s’agisse de la quête amoureuse pathologique dans The Fountain, de l’amour-propre dans The Whale ou du stress de l’engagement dans Black Swan. Darren Aronofsky arrive à nous faire sortir du film en ayant une profonde réflexion. Requiem for a dream c’est un film sombre aux thèmes profonds, un récit sur un voyage en enfer, c’est l’une de ses œuvres les plus dérangeantes qui soit. Ce n’est certainement pas le premier film à offrir une image déplaisante des conséquences et des effets de la drogue, mais sa quadruple étude des personnages est implacable. Son portrait des effets des drogues sur le corps et l’esprit est sans concession, avec en prime, quinze dernières minutes extrêmement brillantes, un tour de force de mise en scène et de montage. Utilisant des centaines de coupes, le metteur en scène oscille entre ses quatre acteurs, montrant leurs situations de plus en plus difficiles et les laissant dégénérer jusqu’à un dénouement brutal. Le pouvoir destructeur des drogues, insidieux et indéniable, et la spirale de l’addiction dévorante est capturé avec une efficacité déconcertante par un Darren Aronofsky, qui nous offre là un film difficile à oublier.