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SYNOPSIS : C’est le coup de feu dans la cuisine du Grill, restaurant très animé de Manhattan. Pedro, cuisinier rebelle, tente de séduire Julia, l’une des serveuses. Mais quand le patron découvre que l’argent de la caisse a été volé, tout le monde devient suspect et le service dégénère.
Retour dans le chaos d’une cuisine américaine complètement dysfonctionnelle : nous ne sommes pas dans la nouvelle saison de The Bear mais bien dans The Grill (La Cocina en version originale), adaptation cinématographique de la pièce de théâtre The Kitchen écrite par Arnold Wesker. Sous un écrin noir et blanc et un rythme lancinant qui bombarde son casting dans un bien curieux trip en plein branle-bas de combat dans l’arrière-salle, The Grill offre une expérience saisissante, éprouvante et curieusement savoureuse. Le film démarre sur Estela, une immigrée hispanique à peine arrivée à New York. Elle ne parle pas anglais, on l’envoie au restaurant The Grill quand elle se retrouve affectée à la cuisine sans aucune expérience ni formation. L’équipe est bouillante : les serveuses balancent des ragots, les cuisiniers nourrissent des ressentiments les uns envers les autres, le coup de feu du service part alors que les machines dysfonctionnent, et l’on remarque enfin que 823 dollars ont disparu de la caisse. C’est Pedro, cuisinier d’origine mexicaine, qui se retrouve vite soupçonné du vol, alors qu’il tente d’apaiser sa relation tendue avec sa petite-amie blanche Julia – serveuse en salle.

Sous la caméra et le scénario du réalisateur mexicain Alonso Ruizpalacios, The Grill plante son décor dans un équilibre dérangeant. On découvre ce restaurant huppé, planté en plein Manhattan dans un quartier « attrape-touristes », à la salle extrêmement chic où – de l’autre côté des grandes portes – les employés sont entassés dans des vestiaires en sous-sol qui donnent directement sur la rue, une cuisine surchargée où l’on ne s’entend même pas hurler et des couloirs à n’en pas finir. Toute la « joyeuse » troupe qui fait tourner le restaurant est composée majoritairement d’employés immigrés, la direction exploitant des personnes en attente de leurs papiers. Tourné en 4/3, sous une plastique noir & blanc picturale qui laisse échapper quelques couleurs symboliques dans une paire de scènes clés, The Grill semble prendre le sillage des aventures humaines et culinaires de la série The Bear, mais se détache extrêmement vite de cette comparaison lorsque ses véritables intentions se révèlent. Ruizpalacios monte un film troublant, aux frontières du fantastique, créant avec ses situations sous tension et ses conflits inhérents un véritable climat dérangeant qui guette ses personnages pour mieux tenter de faire disparaître l’humanité dans ce sous-sol.

A travers cette mise en lumière des travailleurs immigrés invisibilisés, guidés par un Rêve Américain qui désormais sonne complètement creux, le réalisateur compose un long-métrage saisissant de maîtrise formelle, sous l’image somptueuse de Juan Pablo Ramírez, qui donne à ses comédiens la place d’explorer les nuances de leurs personnages avec brio. Ce sont Raúl Briones et Rooney Mara qui mènent la danse, leur relation étant placée au premier plan par leur script. Lui est remarquable dans la peau de ce cuistot au tempérament enflammé, colérique et déterminé. Elle est excellente sous le tablier de cette femme en plein dilemme, emporté dans le chaos de son travail et de sa relation. Anna Díaz prend le visage d’Estela, que l’on aurait aimé voir encore plus au centre du tableau choral, mais parvient parfaitement à nous faire rentrer dans cet univers où tout semble s’effriter au fur et à mesure des 2h20 qui composent le film.

Heurté par une certaine longueur qui fait tirer quelques instants du long-métrage et par une écriture un brin trop surchargée qui manque parfois d’être parfaitement pertinente sur tous les sujets qu’elle traite, The Grill propose une peinture aiguisée et pleine de désillusions de l’exploitation des travailleurs immigrés, créant une Amérique sur son point de chute à travers les décors délabrés de l’arrière-salle de ce restaurant creusé dans le sol où l’on voit bien peu la lumière du jour. Déchiré par son noir et blanc, raconté par l’effondrement de ses personnages, habillé par une technique impeccable de maîtrise (le centre du film est habité par un plan-séquence sensationnel qui fait naître le chaos pour de bon) et par un dénouement radical qui vient poser toute son énergie dramatique, Ruizpalacios signe avec The Grill un long-métrage singulier et poétique, un tragique ponctué de fugaces instants magiques qui ne peut laisser insensible.

Titre Original: LA COCINA
Réalisé par: Alonso Ruizpalacios
Casting : Raùl Briones, Rooney Mara, Anna Diaz
Genre: Drame
Sortie le: 02 Avril 2025
Distribué par: L’Atelier Distribution
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































