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QUERER (Critique Mini-Série) Une approche trop didactique. …

SYNOPSIS : Après 30 ans de mariage et deux enfants, Miren quitte son domicile et porte plainte contre son mari, à la surprise générale de leur famille et entourage. Ses accusations graves obligent ses fils désormais adultes à choisir entre croire leur mère et soutenir leur père qui clame son innocence. 

Séries Mania est toujours l’occasion de mettre en avant quelques curiosités ; c’est le cas de la mini-série espagnole Querer qui sera prochainement diffusée sur ARTE et arte.tv. Créée et écrite par Alauda Ruiz de Azúa, Eduard Sola et Júlia de Paz, cette histoire en quatre épisodes d’une durée oscillant entre une cinquantaine de minutes et une heure nous plonge dans la vie de Miren (Nagore Aranburu), 53 ans, qui décide de quitter son mari Iñigo (Pedro Casablanc) du jour au lendemain puis de déposer plainte contre lui dans la foulée. Les faits sont graves puisque Miren l’accuse de violences sexuelles qui se seraient produites durant toute la durée de leur relation, soit plus d’une trentaine d’années. Les deux fils du couple, Aitor (Miguel Bernardeau), 31 ans, et Jon (Iván Pellicer), 20 ans, accueillent la nouvelle dans l’incompréhension, mais ne prennent pas parti du même côté. Vient alors l’heure de démêler tout cela et d’étudier si les accusations sont fondées alors que le mari de Miren nie tout ce qui lui est reproché, semblant lui aussi tomber des nues. Au départ prometteuse avec son intrigue qui pique la curiosité et ses enjeux moraux forts, la série ne confirme pas sur la durée les espoirs misés en elle car des défauts structurels et narratifs viennent entacher l’expérience de visionnage, en particulier pour celles et ceux qui rechercheraient un récit plus nuancé et vivant.

Le départ de Miren, plutôt haletant dans la façon dont il est mis en scène, et la procédure judiciaire qui en découlera sont les points de départ de la série. C’est ce qui va mettre à jour les tensions cachées, les secrets de famille et les contradictions en termes de perception et de ressenti. Une famille peut-elle d’ailleurs survivre à de telles épreuves lorsque personne ne semble d’accord vis-à-vis de faits pourtant extrêmement graves ? Querer semble ainsi vouloir explorer l’impact des choix individuels sur le collectif et challenger la notion de justice dans des situations émotionnellement complexes. En cela, elle pose de bonnes questions mais s’empêtre dans des choix narratifs qui réduisent l’impact de ses enjeux. Une fois passé le premier épisode, Miren suscite un certain malaise. Si l’actrice qui l’interprète joue son rôle avec sérieux, c’est peut-être précisément cette performance qui, paradoxalement, nuit au personnage. Le côté froid et rigide qu’elle dégage, à la limite de l’antipathie est palpable à tel point qu’il devient parfois difficile de compatir face au flou de tout cela. Cela peut être perçu comme un choix narratif pour maintenir le suspense et éviter de prendre parti (en tant que spectateur) trop tôt, toutefois si jamais l’objectif était bien celui-ci, il aurait été intéressant que cela soit mis en avant de manière plus subtile car cette froideur ne sert finalement pas l’intérêt de la série. Loin de créer un conflit intérieur chez le spectateur que nous fûmes, elle a fait naître un éloignement, un sentiment d’incompréhension, et réduit l’impact émotionnel de l’histoire.

L’un des principaux reproches que l’on peut aussi faire à Querer est son approche trop didactique. Chaque épisode semble suivre une structure rigide où une étape de la procédure judiciaire ou un développement thématique pour les personnages est mis en avant. Cette approche linéaire et compartimentée donne un côté standardisé au show, où chaque moment de l’histoire semble être destiné à illustrer un point attendu. Cette structuration est au départ séduisante, car elle permet de suivre l’évolution des protagonistes et de comprendre le cheminement de la procédure, mais rapidement, elle devient un handicap. La série donne l’impression de « montrer » plus qu’elle ne vit, chaque élément de l’intrigue étant en quelque sorte prédestiné à illustrer quelque chose de précis comme dans un exposé. Par exemple, des événements (la conduite rapide de certains personnages par exemple) sont très vite interprétés comme des indices ou des signaux, ce qui ôte une partie de la surprise ou de la réflexion car on se rend compte que la série ne cherchait finalement pas tant que cela à dissimuler ou nuancer son propos final. Là où la série aurait pu jouer sur des nuances et des zones grises, elle s’engouffre dans un système presque académique où chaque geste a une signification bien définie. Certes on peut parfois douter sur le degré de responsabilité de chacune des personnes du couple face à tout cela mais lorsqu’on arrive en bout de course, on se dit que rien n’était finalement vraiment caché. Les personnages de Querer souffrent également d’un manque de profondeur. Chacun semble être défini par son rôle dans l’intrigue, ce qui les rend peu évolutifs et prévisibles. Une fois l’archétype du personnage établi, il ne change que très peu, exception faite du plus grand fils, le seul des deux d’ailleurs véritablement intéressant. En fin de compte, Querer ressemble plus à une illustration d’un propos qu’à un véritable récit vivant.

Malgré des épisodes qui, bien que sans grande surprise, tenaient relativement bien leur cap, la série perd pied dans le dernier. La fin semble vouloir apporter une résolution, mais celle-ci se fait au détriment de la subtilité qui aurait pu marquer le spectateur. Le traitement de certains événements, comme le harcèlement à l’école ou un accident de voiture, paraît superficiel, précipité et maladroit. Ces éléments auraient pu être des occasions de creuser davantage dans les implications émotionnelles des personnages et de leur évolution, mais ils sont provoqués et évacués de façon si étrange qu’on en vient à ne pas trop comprendre ce que la série souhaite en faire. Reste la « réconciliation » assez touchante de deux personnages, même si on comprend bien que, dans un tel contexte, il faudra des années pour réparer les conséquences du procès sur l’ancien noyau familial. Dans une démarche similaire, nous avions été bien plus convaincus par la mini-série Five Years, qui apparaissait plus nuancée et moins manichéenne. Querer, en comparaison, manque de ce côté intrigant et subtil où les dilemmes moraux sont plus palpables. L’approche plus didactique de la série limite donc l’immersion, et à aucun moment nous n’avons réellement ressenti l’émotion qui aurait pu émerger d’une telle histoire. La série se veut trop scolaire dans sa présentation des événements, et ce manque de spontanéité fait qu’elle peine à incarner la vie de manière authentique

Crédits : Arte

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