Critiques

37 SECONDES (Critique Mini-Série) Une série utile et forte…


SYNOPSIS : Le 15 janvier 2004, le Bugaled Breizh coule brutalement au large des côtes anglaises, provoquant la mort des cinq marins français à son bord. Ce jour-là, des exercices de L’OTAN se préparaient dans cette zone maritime… Le naufrage, aussi soudain qu’inexpliqué, provoque une onde de choc au sein des familles des victimes. Face à une mécanique judiciaire qui leur échappe et au sentiment que les institutions taisent les raisons du naufrage, Marie, la belle-sœur d’une des victimes, va devenir leur porte-parole et engager la communauté des marins dans une longue quête pour la vérité. Sa rencontre avec l’avocat des familles l’entraînera dans les eaux troubles de l’instruction où plane l’ombre récurrente d’un sous-marin et bouleversera sa vie à tout jamais.

La rencontre avec l’affaire du Bugaled Breizh a été profondément marquante pour les créatrices de la mini-série de 6 épisodes d’une durée moyenne de 52 minutes Anne Landois et Sophie Kovess-Brun (déjà connues pour la série Engrenages) : Cette affaire est sidérante ! Les conditions du naufrage, la durée de l’enquête, les multiples pistes d’investigation et la ténacité des familles dans leur quête de vérité…


L’idée de cette fiction est aussi de rendre hommage à la mémoire des disparus, et à celles et ceux qui se sont battus pour faire éclater la vérité. 37 secondes, le chiffre du mal absolu car c’est le temps éclair qu’il aura fallu au chalutier pour couler et plonger ainsi des familles, mais au-delà toute une région et plus encore, dans un profond désarroi, surtout face à l’absence de réponses et la terrifiante impression que la vérité est sciemment dissimulée. C’est comme du chagrin à perpétuité. C’est ici que 37 secondes touche au cœur entre une affaire dramatiquement humaine et possiblement un scandale d’état. Puis c’est aussi la vie âpre des pêcheurs et une atmosphère finistérienne, territoire où tout commence et où les peines comme les joies sont toujours aussi pudiques que sincères. Un territoire aux frontières de sel comme le conte le chanteur breton, qui est apprivoisé par la caméra, jamais en carte postale, mais toujours dans sa complexité et sa singulière saveur.


C’est aussi le pot de fer contre le pot de terre, éternel et universel combat. Et il y a dans 37 secondes cette lutte des classes qui va être tout autant symbolique que concrète dans le mensonge étatique face à la détermination d’une poignée de gens de peu, des vies ordinaires et simples qui vont rencontrer avocats, juges, procureurs et médias. Un brin manichéen peut-être sauf que tout ne sera pas lisse à bâbord comme à tribord. Et puis il y a le au-delà du au-delà avec en fil rouge cette ambigüité entre l’icône de la lutte, Marie et l’avocat Christophe. Quand ils parlent de l’affaire, ils parlent aussi d’eux, de leur lien, et toujours dans les deux cas sous le sceau de l’impossible issue. C’est bien sûr leur engagement sans faille de la cause commune qui va les rapprocher, mais aussi ces différences qu’ils sentent et aiment se faire rencontrer. Leur duo est ainsi plein d’humanité. C’est aussi une affaire comme taillée sur une mesure pour un format sériel, tant elle a connu de rebondissements sur plus d’une quinzaine d’années. Et s’ils sont mis en scène avec une belle authenticité autant historique qu’émotionnelle, on regrettera parfois son esprit presque trop sage que l’on aimerait voir parfois décoller davantage. Mais cette torpeur savamment entretenue et qui correspond à l’humilité et au caractère taiseux de ces terres et mer, nous permet de toujours suivre avec attention la narration principale et les sous-intrigues. C’est bien la force de leur collectif qui nous touche et qui apporte à cette lutte une évidente universalité.


Au casting, la chorale est un bagad ou un cercle, en tout cas un sacré collectif ! Nina Meurisse est éclatante. Son personnage est une femme pour qui rien n’est simple mais qui a décidé de se dresser et de s’engager pour les autres tout en se révélant elle-même. Cette sensibilité se déplie avec force par l’actrice qui transmet énormément d’émotions. Mathieu Demy tout en retenue porte aussi haut le combat, et l’œuvre de compassion qui traverse son personnage est ici pleinement incarné.  On a aussi beaucoup de plaisir à découvrir ou retrouver les frappantes authenticités de Léonie Simaga, Jonathan Turnbull et tous les autres avec eux. Au final, 37 secondes au travers ce terrible fait divers, brosse ici le portrait d’un territoire, de ses habitants et rend un juste et vibrant hommage à toutes celles et ceux qui au début comme à la fin de la terre cherchent la justice et la paix ! Une série utile et forte !

Crédits : Arte

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