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KABOUL (Critique Mini-Série) Une série assez indispensable et que l’on n’oublie pas !

SYNOPSIS : Kaboul, 15 août 2021. À l’heure du retrait des troupes américaines, les talibans entrent dans Kaboul. La famille Nazany doit se résoudre à quitter le pays, comme de nombreux civils, de peur des représailles. Dans cette situation désespérée et chaotique, sur laquelle plane la menace d’un attentat par l’État islamique, policiers français, diplomates italiens, militaires allemands ou services secrets américains doivent tant bien que mal réussir à se coordonner pour gérer l’afflux de civils. Comment chacun va-t-il réussir à sauver sa vie ? Le compte à rebours est lancé.

Kaboul nous est présenté comme un récit choral et immersif sous haute tension retraçant la prise de Kaboul par les talibans. C’est une prestigieuse coproduction entre 11 pays européens qui impressionne par le déploiement de ses récits croisés. Une série poignante à la hauteur du drame. Série passionnante autant le dire d’emblée. C’est toute cette galerie de personnages qui nous est ici racontée par les créateurs de la série, Thomas Fienkelkraut et Olivier Demangel. Victimes, héros anonymes, civils, militaires, qui vont tous être confrontés au chaos du départ des troupes américaines, laissant libre au pire de ce que l’islamisme peut produire comme prédicateurs de haine : « Chacun des personnages, la procureure, l’intellectuel, le soldat et la jeune interne en médecine incarnent quelque part les 4 cibles principales des talibans. Quand on est soldat de l’armée afghane, quand on est une femme qui travaille dans la médecine, quand on est une femme procureur et quand on est un intellectuel, on est, à leurs yeux, suspect. Nos héros sont donc un condensé de différents personnages, de différents récits qu’on a lus pour essayer d’incarner des personnalités les plus fortes possibles avec des enjeux puissants. »

Mais le pire dans ce récit glaçant, qui se pose comme une véritable ode à la liberté est le symbole de ces visas tendus par les civils. Une image que l’on va retrouver à chaque épisode. Il y a ceux qui ont le papier et ceux qui ne l’ont pas. Et encore parmi ceux qui l’ont, tous n’ont pas le bon. La liberté, donc la vie tient à une feuille et aux mots qui y sont rédigés. La persistance de cette image est un mortifère message du déclin de toutes les civilisations et c’est aussi à cet endroit que Kaboul prend aux tripes. On a tellement envie que tous s’en sortent, plus particulièrement encore Amina et la petite. Sauf qu’à côté d’elle, combien de regards hagards d’enfants l’on croise dans les anonymes, masse qui tente de rejoindre les ambassades. C’est ici que Kaboul touche à son Graal, en nous racontant les petites histoires dans la grande et avec un art de la narration qui ne laisse jamais indifférent et ne nous lâche pas. Une façon certes peu nouvelle mais ici très prenante de déplier les conséquences très concrètes et tellement humaines d’un fait géopolitique, qui vient nourrir le flot d’informations en continu de la civilisation occidentale, noyé dans un trop plein qui finit par générer une chronique indifférence.

Et puis au-delà de cette approche très humaniste, la série brille aussi par ses intrigues plus conventionnelles inhérentes à l’univers sériel. Avec des rappels qui ne sont pas loin de faire penser parfois à l’iconique Bureau des légendes (2015/2020) dans son lot de sous-intrigues jamais labyrinthiques, réalistes autant qu’accessibles. C’est aussi l’habileté de la mise en scène qui permet que l’on passe avec autant de passion d’une histoire à l’autre. Dans Kaboul, l’addiction se fait dès le début !  Une série qui se veut aussi très pédagogique sur les désordres du monde, y compris dans ses ramifications les plus actuelles, comme le confirme Thomas Fienkelkraut : On ne comprend pas le désengagement américain en Ukraine si on ne s’intéresse pas au désengagement américain en Afghanistan. Le traumatisme afghan dans l’opinion américaine préfigure ce qui se passe aujourd’hui. Car l’opinion publique américaine ne veut plus mettre le doigt dans les conflits étrangers à cause du traumatisme afghan.

Au casting, l’engagement de toutes et tous dans cette chorale contribue à la réussite de l’entreprise. A ce jeu-là, Hannah Abdoh dans le rôle de Amina est saisissante d’authenticité, dans cette détermination chevillée au corps. Tout comme Giannmarco Saurino, dans le rôle de Giovanni, bombardé consul d’Italie, qui à chaque plan semble jouer sa vie pour sauver celle des autres. Et enfin et surtout Jonathan Zaccaï, qui en héros anonyme romantique est un plaisir à voir gesticuler dans cet univers, qui lui va aussi bien que sa prestation dans justement Le Bureau Des Légendes. Ici, il est en rôle-titre et il est juste au diapason tant il donne vie au personnage de Gilles. Impressionnante prestation. Au final, Kaboul est aussi prenante que sa promesse l’envisageait. Impossible de s’arrêter une fois que c’est commencé. On est autant touchés que pris par les enjeux. Une série assez indispensable et que l’on n’oublie pas !

Crédits : France 2

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