Critiques Cinéma

THE ELECTRIC STATE (Critique)

SYNOPSIS : Une adolescente réalise que son nouvel ami robot, doux mais étrange, lui a en fait été envoyé par son frère disparu. Elle et le robot partent à la recherche du garçon, découvrant ainsi une vaste conspiration…

The Electric State, disponible depuis le 14 mars sur Netflix, est une adaptation du travail de Simon Stålenhag, un auteur et illustrateur suédois dont l’univers atypique mêle science-fiction et cadre rétro-futuriste. Pour celles et ceux qui connaissent ses œuvres, Simon Stålenhag a le don de créer des mondes où des paysages jadis idylliques se mêlent à des éléments technologiques à la fois fascinants, perturbants, poétiques et mélancoliques. Grand fan de son univers, nous avons fait une incartade à l’un de nos principes (afin de découvrir cette adaptation) qui était : ne plus jamais regarder une œuvre où Millie Bobby Brown est présente. Et il faut bien admettre que sans surprise (les avis catastrophiques sur le film avaient précédé notre visionnage) cet Electric State ne réussit clairement pas à retranscrire l’atmosphère unique de l’auteur originel et ce malgré un budget colossal, voire indécent, pourtant placé entre les mains des fameux frères Russo qui ont fait certaines des plus belles heures du MCU. Souvenez-vous, en 2020, nous avions été particulièrement enthousiasmés par l’adaptation de Tales from the Loop sur Prime Video. Cette série parvenait à capter l’essence de l’univers de Stålenhag en mettant en avant la beauté et la tristesse de l’inconnu ainsi que la fragilité de l’être humain face à des technologies qu’il ne comprend pas toujours. Chaque épisode était un petit bijou de narration, avec des personnages attachants et une exploration du mystère scientifique magnifiquement réalisée. Il semblait alors que la magie de cet univers, si riche et si puissant, avait trouvé sa place à l’écran. Tout le contraire de The Electric State.


Cela faisait longtemps que nous n’avions pas pris le risque de regarder un long métrage estampillé Netflix, on s’est vite rappelés pourquoi. L’un des rares points positifs du film réside dans ses effets spéciaux. Les robots et les machines, qui sont au cœur de l’histoire, sont magnifiquement conçus. Leur design, qui puise dans l’esthétique rétro-futuriste si caractéristique de Stålenhag, est très réussi avec plein de détails soignés à l’écran. Ces éléments visuels sont probablement les plus aboutis du film, et l’on peut presque dire qu’ils sont le seul véritable argument de vente non mensonger de ce The Electric State. Contrairement à d’autres productions de grande envergure, comme celles des studios Disney, où les effets spéciaux peuvent parfois sembler artificiels ou mal finalisés (on n’a pas encore vu le revival de Daredevil mais il semblerait au vu de plusieurs avis que le premier épisode n’ait pas échappé à quelques CGI bancals, par contre on a vu l’aspect des nains du futur Blanche-Neige…), ici, tout est assez fluide et le travail sur les textures est qualitatif. Tout cela est malheureusement immédiatement noyé dans un flot de clichés et un scénario trop faible pour soutenir de telles « prouesses » techniques.


L’une des raisons pour lesquelles le film échoue à capturer l’esprit de Stålenhag est qu’il ne parvient pas à offrir une narration digne de ce nom. The Electric State est un film prévisible, sans aucune originalité, qui repose sur une structure narrative classique, déjà vue mille fois dans des films de science-fiction. Il nous plonge dans un futur/passé dystopique où une jeune femme, incarnée par la crispante Millie Bobby Brown, part en quête de son frère disparu, aidée du robot qui contient sa conscience. Le personnage joué par Millie Bobby Brown, un rôle qu’elle reprend ici en tant qu’adolescente rebelle et presque omnisciente, devient rapidement irritant. Il s’agit d’une sorte de désagréable « madame-je-sais-tout » qui tire la gueule en permanence et ne cesse de revendiquer sa supériorité. Cette attitude agaçante (ça c’est sûr que l’actrice l’incarne parfaitement mais on aurait justement aimé une interprétation différente) décourage au point de rendre son personnage complètement antipathique. Elle reste ainsi fidèle à ce stéréotype de l’adolescente qui se croit supérieure à tout le monde et qui se trouve constamment dans la posture du sauveur, quand il ne s’agit pas simplement des scénaristes qui utilisent le deus ex machina à tort et à travers. Ce type de personnage, qui fonctionne dans des films où la naïveté peut amener une forme d’humour, n’a ici aucune vraie profondeur, et on finit par se lasser très rapidement de ses comportements puérils et de ses répliques pontifiantes. Ce qui est d’autant plus frustrant, c’est que Millie Bobby Brown n’apporte rien de nouveau à son rôle, comme si elle jouait une version sans grande évolution de son personnage dans Stranger Things. De toute manière ce n’est pas pour rien que nous avions cessé de regarder des programmes où elle jouait.


Le film mise aussi beaucoup sur Chris Pratt pour apporter un peu d’humour à l’histoire, mais là encore, il semble se contenter de rejouer la même partition qu’il a déjà interprétée dans le MCU ou Jurassic World. Son personnage passe son temps à répéter les mêmes traits de caractère : une espèce de bravoure pas assumée, et de fausses décontraction et pudeur qui manquent cruellement de profondeur. Chris Pratt semble juste là pour remplir une fonction, sans avoir à fournir un véritable effort créatif. Son personnage est au final aussi transparent que l’intrigue elle-même, malgré quelques punchlines rigolotes ici et là. Ce syndrome se retrouve dans toutes les interprétations du film qui dispose d’un casting de luxe (d’où certainement le budget) venu là sans trop se fouler : Ke Huy Quan, Stanley Tucci ou encore Giancarlo Esposito (qui avait déjà un rôle au rabais dans le dernier Captain America), jouent ainsi leur partition respective en pilote automatique, sorte de pot-pourri de ce qu’ils font habituellement ailleurs.


Quant à l’histoire, elle suit un schéma que l’on a vu maintes fois. Trop de fois. Tous les clichés du genre sont omniprésents, et la structure du film ne semble jamais chercher à surprendre ou à innover, pire elle semble sortir tout droit d’une banque personnalisable de scripts pour débutants. L’intrigue est d’une prévisibilité affligeante et fait passer l’ensemble pour un produit par défaut plutôt qu’une œuvre ambitieuse. Il n’y a aucune originalité dans le développement des événements, et les dialogues tombent souvent à plat quand ils ne sont pas tout simplement gênants (« on a toujours le choix« , bon sang, nous sommes en 2025). Les échanges entre les personnages sont sans saveur et souvent empreints de banalités tellement scriptées qu’on assiste à tout cela de façon détachée. L’action semble plus importante que la réflexion, et l’on se retrouve à regarder un film qui privilégie les effets visuels à l’émotion. Ce qui est malgré tout ironique dans tout cela c’est qu’hormis les robots, tout est vide, à l’exception de quelques paysages inspirés du livre originel, les décors sont désespérément dénués d’âme et sans atmosphère particulière. Cela pourrait bien sûr aller de pair avec l’univers volontairement épuré de Stålenhag, mais nous ne le pensons pas car ici on ne ressent rien.


The Electric State est un échec cuisant qui montre les limites absolues de l’industrie dans laquelle nous sommes tombés : une œuvre originelle superbe qui aboutit à une adaptation d’une indécence rare initialement bien cachée derrière l’opulence d’un gigantesque budget et des interprètes chics associés à la grandeur, budget et casting qu’on ne voit même pas à l’écran puisque qu’hormis les robots tout est désespérément vide et les acteurs ne démontrent qu’une chose, qu’ils ont été utilisés comme produit d’appel sans n’avoir rien à offrir en retour. Avec les frères Russo aux commandes, supposément orfèvres des blockbusters modernes, le film échoue quand même à proposer une expérience cinématographique mémorable. Si vous cherchez à explorer l’univers de Stålenhag, il est largement préférable de vous tourner vers la série Tales from the Loop. Ce show fait honneur à son travail et, contrairement à The Electric State, parvient à allier les visuels époustouflants à une histoire riche et pleine de sens. Et si vous êtes à la recherche d’un film de science-fiction plus accessible et plus chaleureux nous vous recommandons Finch, avec Tom Hanks. Bien que le ton soit plus léger, et pas lié à l’œuvre de Stålenhag, le film offre une belle exploration des relations humaines et de la solitude dans un monde post-apocalyptique, avec un robot attachant au centre de l’histoire. Finch réussit lui aussi là où The Electric State échoue : une expérience émotive, sincère et, surtout, agréable à suivre. Et bien sûr, même si cela peut sembler logique, il vous reste les livres de Stålenhag, plusieurs ayant été édités en français. Vous savez à présent vers quoi vous tourner après cette terrible purge.

Titre Original: THE ELECTRIC SLATE

Réalisé par: Joe & Anthony Russo

Casting : Millie Bobby Brown, Chris Pratt, Anthony Mackie…

Genre: Aventure, Science Fiction

Sortie le : 14 mars 2025

Distribué par: Netflix France

1 STARS TRES MAUVAISTRÈS MAUVAIS

2 réponses »

  1. Même ressenti de mon côté, et malheureusement, chercher des éléments créatifs ou originaux n’est clairement pas l’objectif de la plateforme, encore moins des frères Russo, ou des membres du casting. La promotion est basée sur des armées de bots profitant des réseaux sociaux pour mettre des émoji positifs par milliers, et il n’en faut pas plus au consommateur moyen pour avoir envie de visionner le produit. Netflix rentrera certainement dans ses frais, comme avec toutes ses autres productions, le côté artistique n’a guère d’importance à ce niveau de financement, et le prochain produit se vendra sur son budget incroyable de 400 millions, avec n’importe quel yes man à la réalisation.

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