Critiques Cinéma

BONJOUR L’ASILE (Critique)

SYNOPSIS ; Jeanne quitte quelques jours le stress de la vie urbaine pour aller voir sa grande amie Elisa, récemment installée à la campagne. Au cœur des bois voisins, un château abandonné devenu tiers-lieu, foisonne d’initiatives collectives. Elisa aimerait s’y investir, mais entre biberons et couches lavables, elle n’en a pas le temps. Jeanne, en militante des villes, n’y voit aucun intérêt. Quant à Amaury, promoteur en hôtellerie de luxe, le château, lui, il veut l’acheter. Tous trois convergent malgré eux vers ce lieu d’entraide et de subversion… Mais combien de temps cet asile d’aujourd’hui pourra-t-il résister à ce monde de fou ?

La réalisatrice Judith Davis, c’est une histoire collective dans la création. Elle voit le collectif comme « une réponse piétinement de la démocratie ». C’est un collectif d’abord théâtral, nommé L’avantage du doute que Judith Davis va fonder avec une troupe dont on retrouve bon nombre d’acteurs présents dans Bonjour l’Asile. Ce qui traverse le collectif est le besoin de partager, de ne pas se sentir seul, face aux vertiges du monde qui ne cessent de s’accumuler dans une escalade bien flippante. Il s’agit de faire Terreau commun.

Bonjour l’Asile, c’est d’abord de la joie ! Ça foisonne de partout, ça illumine la caméra d’affects, de lumières, de scènes, de jeux, de loufoqueries et de flamboyances en tout genre. Mais c’est surtout un débordement de cinéma, où la cinéaste, après avoir questionné l’engagement politique dans son premier film Tout ce qui nous reste de la révolution (2018) vient prolonger la réflexion et croque la société en interrogeant le comment rêver un autre monde avec Bonjour l’asile. Avec cette singularité d’une exigence folle dans l’écriture, tout en demeurant pleinement accessible. Du cinéma d’auteur totalement populaire. Une équation toujours complexe mais qu’ici Judith Davis a le talent de résoudre. Y compris avec la porte d’entrée d’un humour rassembleur et fédérateur, qui ne se moque jamais mais qui croque en toute tendresse. C’est aussi un décryptage des caricatures de nous-mêmes, avec ce miroir tendu de Judith Davis au spectateur pour ensemble rire de nos propres impasses.

Théâtralité de la vie, dialogues au cordeau, et parfois des formes d’assassinats cachés dans nos apéros feutrés. Bienséance et politesse mais un papotage cinglant façon ninja verbal ! « C’est pas en plantant des carottes que tu vas empêcher Total de polluer « . C’est toute la question de la difficulté à pouvoir continuer d’être citoyens et faire société chez soi. Entre faire vivre ses convictions sans tomber dans la dictature moderne et l’organisation de sa propre prise d’otage comme le vivent Elisa et Damien et la crasse inconséquence de l’indifférence d’Amaury, uniquement mû par des aspirations capitalistiques, le spectateur citoyen jubile de cette confrontation totalement existentielle. Va venir tout naturellement se poser la question du couple dans la citoyenneté de l’intime.  » Elisa, elle est où la boîte de pirate attaque ?  » (qui vient après je les mets où les bodys ? et où est rangé la moutarde ?) demande Damien qui veut jouer avec leur fils. Forcément, c’est elle qui sait, car l’homme est comme en observation dans son propre logement. Un peu comme la phrase démoniaque de notre fin des temps, une phrase sous la forme de la condamnation à perpète de nos rêves. Une question l’air de rien très anodine mais qui dit tellement des multiples drames de notre humanité. C’est toute la force du cinéma intelligent, mais jamais chiant et toujours très vif de Judith Davis.


La question qui vient alors tout de suite, c’est comment s’en sortir, car finalement dans Bonjour l’asile, tout est un peu asile, sauf peut-être précisément… l’asile. L’asile, c’est vous, moi, et la réponse à comment survivre dans la jungle contemporaine, si on vous laisse la découvrir dans le film, passera forcément par le collectif. Au niveau du casting, c’est une troupe, on le sait, on le sent. Toutes et tous sont pleinement engagés et véritablement jouent en chorale dans des rôles très écrits et rythmés. La réalisatrice écrit sur mesure pour ses interprètes, car elle connait leur tempo, leur voix, leur façon de finir une phrase. Elle les entend. A ce grand jeu-là, on adore Judith Davis elle-même dans le rôle de Jeanne, Claire Dumas dans l’empathie de sa crise tellement légitime, Maxence Tual, qui essaye d’apaiser mais qui empire tout ! Nadir Legrand dans le rôle d’Amaury le promoteur empêtré dans ses contradictions en devient touchant. Avec une mention toute particulière à Simon Bakhouche, qui apporte une humanité folle au rôle de Cindy, qu’on aimerait tous avoir dans notre proche entourage. On vous laissera enfin découvrir Bernard, dans le rôle de la moquerie du connard mystérieux qui vient mettre à terre l’infantilisme misogyne !  Au total, Bonjour l’asile se regarde avec beaucoup de jubilation, on se marre beaucoup et on réfléchit tout autant ! Un cocktail salvateur dans des moments troublés, qui vient ouvrir des débats autant politiques qu’intimes tant tout est lié. Un film qui invite à sortir de la sidération et du déni, et qui vient même apporter comme une sorte de réconfort !!

Titre Original: BONJOUR L’ASILE

Réalisé par: Judith Davis

Casting : Judith Davis, Claire Dumas, Maxence Tual

Genre: Comédie

Sortie le: 26 février 2025

Distribué par: UFO Distribution

EXCELLENT

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