SYNOPSIS : man vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. À la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement

Les graines du figuier sauvage est le dernier film de Mohammad Rasoulof, l’un des deux cinéastes (avec Jafar Panahi) qui dominent le cinéma iranien sur les forums internationaux depuis plus de dix ans avec des films réalisés de manière illicite et sortis clandestinement du pays vers des festivals étrangers. Leurs films sont des critiques virulentes, parfois indirectes et pleines d’esprit, du système iranien et de tout ce qu’il représente. En 2020, l’Iran a interdit à Mohammad Rasoulof d’assister à la première à Berlin de son film Le diable n’existe pas, lauréat de l’Ours d’or. De même, il a été invité à siéger au jury du festival de Cannes en 2023, mais s’est vu interdire d’y participer. Comme ses autres films, Les graines du figuier sauvage a été tourné en secret, sans autorisation officielle. Mais le gouvernement l’a condamné à huit ans de prison et a tenté de l’empêcher de sortir ce film, en essayant de le retirer du Festival de Cannes 2024. Une épreuve qui s’est terminée lorsqu’il a pris la fuite et pu obtenir l’asile en Allemagne, où il vit avec sa fille et où il a pu terminer la postproduction du film.

Le contexte est crucial pour l’histoire qu’il raconte et le message qu’il veut transmettre au monde. Peu de temps avant que le mouvement « Woman Life Freedom » ne déferle sur l’Iran en septembre 2022, Iman (Missagh Zareh) qui croit sincèrement aux valeurs et aux lois de la République islamique reçoit une promotion. Il a été nommé juge d’instruction au tribunal révolutionnaire islamique et découvre rapidement qu’il est censé signer les condamnations à mort d’accusés sans avoir enquêté sur leurs culpabilités. Une grande partie du film (voire la totalité) se concentre sur sa famille, composée de sa femme Najmeh (Sohelia Golestani) et de ses filles adolescentes Rezvan (Mahsa Rostami) et Sana (Setareh Maleki). Ces dernières ont un point de vue différent de leur père et observent les manifestations contre le gouvernement à travers la fenêtre de leur chambre, mais également via leurs téléphones. Souvent, ce qu’elles voient à la télévision entre en conflit avec ce qu’elles voient de leurs propres yeux. La mère de famille opère en tant qu’’intermédiaire, et son rôle devient plus délicat et important lorsqu’Iman obtient sa promotion. De plus, il a obtenu une arme à son travail pour se protéger ainsi que sa famille. Elle symbolise aussi sa nouvelle place dans une hiérarchie brutale où il a le pouvoir de vie et de mort sur des gens qu’il n’a jamais rencontrés. Quand cette arme disparaît soudainement, Iman plonge dans une panique paranoïaque soupçonnant sa famille. Il va se lancer dans une recherche de plus en plus désespéré et cette suspicion ne fera qu’empirer, sa famille devient alors un miroir fascinant de l’Iran lui-même, car nous voyons désormais un père et un mari qui avait juré de protéger et d’aimer sa famille, les traiter comme des criminels et de la vermine.

L’histoire se déroule lentement et méthodiquement, principalement dans l’appartement familial, ce qui n’est pas étonnant, étant donné que le film a été tourné en secret. À mesure que les membres de la famille deviennent de plus en plus méfiants, ils se retournent les uns contre les autres et la maison commence à ressembler à une prison à part entière. Les graines du figuier sauvage fait référence à un arbre dont les pousses étouffent le tronc plus vieux, le figuier sacré est connu pour s’enrouler autour d’autres arbres et les étrangler. Le titre du film suggère la vie ou l’espoir engendré par des périodes de violence. Le film met en scène des vérités dérangeantes, et dans ce monde, il y a une séparation nette entre la sphère publique et privée, le métrage s’attarde parfois sur les moments simples de la vie familiale : préparer le dîner ou encore écouter de la musique. Ainsi, lorsque les téléphones de la famille deviennent des éléments clés de l’histoire, il est clair qu’ils représentent un type d’intrusion: le monde extérieur qui pénètre dans le monde intérieur confiné. L’omniprésence des smartphones capables de filmer n’importe quoi, n’importe où, a été à la fois une bénédiction et une malédiction pour les gouvernements autocratiques. Ce que nous voyons ici est réel, des images documentaires tournées lors de manifestations dans les rues. Ces images montrent les autorités réprimant les manifestants et des passages à tabac brutaux.

Chacune des performances des acteurs sont formidables, sobres et jamais mélodramatiques. Le travail de Sohelia Golestani dans le rôle de Najmeh est particulièrement remarquable, car elle capture la transition subtile et progressive de la femme, de défenseure de son mari mais aussi alliée de ses filles. Missagh Zareh est également excellent dans le rôle d’Iman, un homme violemment séparé de sa famille. Les performances de nos 4 protagonistes sont fondamentalement courageuses, compte tenu de la façon dont ils ont risqué leur vie pour participer au film. Les graine du figuier sauvage est une véritable réussite, un cri d’angoisse qui sort du cœur de Mohammad Rasoulof, un thriller national brûlant. On découvre la perception cinglante du réalisateur sur l’Iran : un endroit magnifique saboté par la corruption et les mensonges.

Le film sort en DVD et Blu-Ray le 4 Février 2025 chez Pyramide