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SYNOPSIS : Romy, PDG d’une grande entreprise, a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles épanouies et une carrière réussie. Mais un jour, elle rencontre un jeune stagiaire dans la société qu’elle dirige à New York. Elle entame avec lui une liaison torride, quitte à tout risquer pour réaliser ses fantasmes les plus enfouis…
C’est le sulfureux Babygirl qui porte en ce début d’année l’une des attentes les plus vives parmi les propositions indés américaines du moment – la griffe A24 et le duo Nicole Kidman/Harris Dickinson vendant du rêve à à peu près n’importe quel cinéphile possédant l’application Letterboxd sur son téléphone. Mis en scène par la cinéaste néerlandaise Halina Reijn (arrivée sur les grands écrans avec Instinct en 2019, puis avec le très jouissif Bodies Bodies Bodies en 2022), le film pose le personnage de Kidman en PDG visionnaire d’une société de e-commerce, frustrée sexuellement, qui s’abandonne à une exploration extra-conjugale avec l’un de ses stagiaires. Thriller érotique qui, en réalité, n’a rien d’un thriller (et l’aspect érotique reste discutable), Babygirl s’assoit très vite comme une immense déception parfaitement troublante qui laisse pantois. Le film se focalise sur le point de vue de Romy, cette femme d’affaire aux airs de tueuse, scrutée constamment par la profession et par ses employés, enfermée dans un mariage qui ne la satisfait visiblement pas. Le premier plan du film s’ouvre sans détour sur les ébats de Romy et de son mari Jacob, lequel se solde par un orgasme féminin que l’on comprend très vite simulé. La femme quitte la chambre, préférant terminer son affaire en consommant du contenu pornographique mettant en scène des dynamiques de domination et de soumission. En une scène, le film tombe dans son travers le plus étonnant aux vues de l’accueil plutôt chaleureux que les festivaliers de la dernière Mostra puis les premiers spectateurs lui ont réservé : tout manque de relief, laissant tomber la subtilité pour lancer un pavé sur son sujet. La dimension érotique du film s’arrête à ces longues scènes de sexe parfaitement malaisantes par leur voyeurisme total, s’étirant tout au long de l’histoire par une envie mal dosée de raconter cette relation entre Romy et le jeune Samuel qui vient la titiller sur leur lieu de travail dans un jeu du chat et de la souris qui met constamment en avant le « danger de cette situation ». Spoiler : rien dans cette relation n’a jamais de conséquence, la tension dramatique du film ne décolle jamais à un seul instant, les personnages ne sont absolument jamais jugés par qui que ce soit.

Il convient pourtant de saluer la principale réussite du film, à savoir son interprète centrale Nicole Kidman, évidemment spectaculaire dans une performance qui n’est que descendue par la qualité variable de ses dialogues mais qui apporte pourtant les seules onces de nuances que se permet ce Babygirl en quasiment 2h de pas grand-chose. Le scénario de Reijn tourne incompréhensiblement à vide, motivé par rien d’autre que la peinture de cette dynamique de domination et de soumission écrite entre Romy et Jacob, qui ne parvient jamais à être aussi sexy qu’il semble le vendre, jouant très dangereusement avec la notion de consentement. Le personnage de Jacob, dragueur invasif et dérangeant dans les choix des mots qu’il utilise pour parler à sa supérieure de presque 20 ans son aînée, est écrit de manière beaucoup trop floue pour saisir ce qui attire Romy vers lui. De manière générale, les justifications des dynamiques entre les différents personnages sont bien trop étranges et bien trop survolées pour s’attacher à qui que ce soit, donnant au film un intérêt bien moindre – quand il n’est pas carrément ennuyeux à mourir.

Dans 2h de néant où s’engouffrent quelques idées scéniques (la séquence de la rave dans une atmosphère électrique qu’on aurait adoré sur tout le film), une paire de performances notables (Banderas a une excellente scène dans la dernière partie) et un propos qui aurait pu fonctionner sans cette sensation constante de malaise, Babygirl est définitivement une contradiction totale, un film qui prétend explorer la façon dont le monde moderne détourne le regard du désir féminin, pour limiter son étude aux pérégrinations sexuelles d’une riche PDG qui s’éprend d’un stagiaire la draguant à grand coup de harcèlement sur son lieu de travail.

Mais en constatant l’accueil plutôt chaleureux de la critique, de ses premiers publics (dont on a entendu beaucoup de rires pendant la projection, surtout lors de quelques répliques très crispantes qui nous évoquent beaucoup de choses mais pas vraiment du rire), peut-être sommes-nous passé à côté de quelque chose ? Peut-être Babygirl cache-t-il sa force à qui veut bien le voir, et peut-être n’avons-nous pas voulu la découvrir assez fort ? Seul le temps nous amènera la réponse, car pour l’instant il est difficile de voir ce Babygirl autrement qu’un matériau digne d’une fanfiction sans aucune tension dramaturgique, racontant une histoire d’adultère entre une PDG de presque 50 ans et d’un stagiaire dans la vingtaine, qui prétend dépoussiérer le genre pour au final l’enfoncer dans une montagne de banalités et d’interprétations douteuses, perdant son érotisme derrière un voyeurisme porte-étendard d’un malaise distillé avec une précision folle. Si la mission était de nous troubler, c’est accompli avec grand brio. Mais s’il était aussi question de nous donner envie de revoir ce Babygirl une fois le générique de fin arrivé, l’échec est cuisant.

Titre Original: BABYGIRL
Réalisé par: Halina Reijn
Casting : Nicole Kidman, Harris Dickinson, Antonio Banderas …
Genre: Erotique, Thriller
Sortie le: 15 Janvier 2025
Distribué par : SND
ASSEZ MAUVAIS
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































