Critiques Cinéma

L’AN 01 (Critique)

SYNOPSIS : Un beau matin, fatigués de se lever pour nourrir la machine capitaliste et satisfaire les exigences d’une inutile course au progrès, les travailleurs français ont décidé de tout arrêter pour réfléchir sur ce qui est véritablement nécessaire à leur bonheur commun… L’an 01 est une oeuvre emblématique post 68 et reste très représentative de la contestation des années 70 avec des thèmes aussi variés que l’écologie, la négation de l’autorité , l’amour libre, le vie en communauté…

Peut-on dire que cet An 01 ait bien vieilli ? D’un côté, il reste l’objet formel, une farce utopiste libertarienne décapante aux propos bien ancrés à gauche dans un vent de revendications hérité de Mai 68. Et de l’autre côté, il est difficile d’ignorer que parmi les têtes que l’on voit apparaître dans le film, certaines sont décédées quand la majorité de celles qui restent ont vu leurs convictions politiques fuir à l’opposé du spectre en vieillissant, rendant le visionnage du film aujourd’hui particulièrement cocasse si ce n’est tragique. Mais malgré ces rides, L’An 01 – ancré dans son époque et dans les mouvements artistiques socio-politiques des années 70 françaises – reste une œuvre actuelle aussi hilarante qu’elle est limitée par sa propre utopie. Premier film mis en scène par Jacques Doillon (dont, pareil, le nom n’a pas très bien vieilli), adapté de la bande-dessinée du même titre de Gébé à l’époque diffusée dans les pages de Politique-Hebdo puis de Charlie Hebdo, L’An 01 pose un concept très simple : un jour, tout le monde décide d’arrêter. « On arrête tout ». Mardi 15h, les usines s’arrêtent, les chauffeurs arrêtent de conduire, les journalistes ne journalistent plus… On jette ses clefs par la fenêtre, on plante son potager sur les trottoirs parisiens. On fait un pas de côté et on se parle. On s’arrête et on recommence, c’est ça l’an 01.

Par une série de pastilles façon film à sketches, dessinant le peuple français (avec une partie au Sénégal et une autre à New-York) par des moments de vie captés à divers endroits, L’An 01 assume ses aspects cartoonesques par la cocasserie constante de ses dialogues, tantôt absurdes tantôt ironiques, pour raconter implicitement les questionnements socio-politiques de toute une génération. Pourquoi la propriété ? Pourquoi l’agent, pourquoi les banques ? Pourquoi doit-on obéir à son patron pour son propre revenu ? Par son scénario plein d’idées barrées et de saynètes décalées qui racontent chacune à leur façon le concept du film, L’An 01 se la joue comédie grotesque en forme de parodie documentaire, ne se faisant ni tract politique ni clip de campagne mais plutôt réflexion à la fois enjouée et désillusionnée sur le monde qui nous entoure.

Doillon et Gébé, avec trois francs six sous, embarquent un casting ample dans lequel on retrouve beaucoup de noms connus (pêle-mêle : Gérard Depardieu, Coluche, Josiane Balasko, Thierry Lhermitte, Gérard Jugnot, Daniel Auteuil, Cabu, Christian Clavier et même la voix de Stan Lee – oui oui), quasiment tous présents pour une scène unique au sein d’un recueil de sketches. L’An 01 évoque alors les questions écologiques, la fin des obsessions matérialistes, la défiance de l’autorité et plus globalement l’idée du ras-le-bol général.

S’il ne s’engage pas dans une manœuvre démesurément politique – le film n’a ni l’ambition d’être punk ou révolutionnaire – L’An 01 œuvre à représenter une uchronie décalée et absurde, représentant un miroir du monde existant pour en caricaturer les traits dans un jeu de dialogues savoureusement caustique. Le film a probablement très mal vieilli de l’extérieur, mais la force du cinéma se retrouve peut-être dans cette capacité de figer le temps et de pouvoir revisiter ce monde idéaliste où l’abandon du système sert à raconter la reconnexion partielle de l’humanité. Aujourd’hui, tout ce qu’il reste de Mai 68 est peut-être dans ce film : une curiosité utopique perdue dans le temps, restée imprimée sur les écrans malgré tout. Vestige d’une époque où on en avait encore quelque chose à foutre.

Titre Original: L’AN O1

Réalisé par: Jacques Doillon, Alain Resnais, Jean Rouch

Casting : Cabu, François Cavanna, Georges Wolinski …

Genre: Comédie

Sortie le: 22 février 1973

Ressortie le: 1er janvier 2025

Distribué par : Mary-X distribution

TRÈS BIEN

 

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