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SYNOPSIS : Ceará, côte nord-est du Brésil. 30 degrés toute l’année. Chaque nuit, au Motel Destino, se jouent à l’ombre des regards de dangereux jeux de désir, de pouvoir et de violence. Un soir, l’arrivée du jeune Heraldo vient troubler les règles du motel.
Le prolifique Karim Aïnouz, dont on doit encore rattraper l’intrigant Le Jeu de la reine, revient ce 25 décembre (une date curieuse pour sortir un tel film…on a du mal à imaginer les gens se ruer en salle pour le voir) avec Motel Destino, un film d’atmosphère comme on les aime. Le synopsis, pas forcément très vendeur (décidément) pose un postulat assez nébuleux qui fait référence au fameux motel du titre dans un cadre pour le moins opaque. Ne vous laissez pas décourager par cela, en réalité le début de l’histoire pourrait se résumer plus limpidement. Les événements prennent place au bord de mer, à Ceará, au Brésil. Heraldo (Iago Xavier) gagne « tranquillement » sa vie en trempant dans du banditisme local jusqu’au jour où tout va dérailler. Après avoir dragué une jeune femme et consommé la nuit à ses côtés, Heraldo se réveille déplumé au sein du Motel Destino, un lieu de passe où la confidentialité et le secret sont les maîtres mots. Ici tout le monde vient s’envoyer en l’air de façon plutôt douteuse ou avec des gens plutôt douteux (ou les deux) et ce qui se passe entre les murs a pour seul destin d’y rester. Fauché comme les blés Heraldo met du temps à convaincre la gestionnaire de l’hôtel de le laisser partir, lui qui est attendu par un comparse pour exécuter une cible désignée par leur cheffe. Heraldo arrive malheureusement (mais heureusement pour sa cible) trop tard sur les lieux et découvre que son binôme s’est fait abattre en pleine rue en essayant d’accomplir seul la mission. Traqué par son clan qui pense qu’il les a plantés, Heraldo retourne au Motel Destino où personne n’ira a priori le chercher. Commence alors un pesant exil au sein de l’établissement mais Heraldo va aussi y trouver de quoi se distraire. Oui, on peut dire qu’il s’en passe des choses au Motel Destino.

Légèrement dubitatifs au début sur la direction qu’allait prendre le film (notamment par rapport au synopsis et aux premières minutes) nous nous sommes rapidement fait happer par son ambiance électrisante, étouffante mais aussi parfois décontractée. Coincé dans le Motel, une nouvelle vie, temporaire certes, mais à durée indéterminée, s’impose à Heraldo dont le monde a soudain rétréci. Contraint de se cacher il ne peut pas interagir avec les clients, de peur que quelqu’un le reconnaisse d’une part, mais aussi surtout parce qu’ici personne ne vient là pour causer. Son univers se résume désormais à Elias (Fábio Assunção) le patron du Motel, et Dayana (Nataly Rocha) la femme de ce dernier pour qui il va rendre divers services dont le nettoyage des chambres après des parties de jambes en l’air aussi éreintantes que salissantes. Ce triangle qui commence à créer des complicités va dangereusement se rapprocher de l’implosion lorsque Heraldo commence à coucher en secret avec Dayana. En parallèle il sent aussi l’étau se resserrer, le Motel Destino étant fréquenté par des gens louches, ceux qui le recherchent y ont donc aussi quasiment un abonnement. Les problèmes pourraient s’arrêter là si Dayana ne révélait pas de surcroît à Heraldo qu’Elias est un pur malade, violent et manipulateur, capable de toutes les atrocités y compris de menacer sa femme de mort si l’envie lui prenait de partir.

Motel Destino arrive à nous embrumer avec panache dans une spirale de ressentis grisants, on discerne presque la chaleur sortir de l’écran tandis qu’on se visualise sans peine, en mode petite souris, aux côtés des personnages à arpenter les couloirs du Motel, tout en sachant qu’à un moment tout va dégénérer ; on voit venir le mur tout en étant ravis de se laisser porter par ce petit nuage à l’odeur estivale, ce qui est plutôt paradoxal. Comme Heraldo et Dayana en somme qui continuent à jouer avec le feu alors qu’ils savent pertinemment ce qu’ils risquent si leur histoire venait à être dévoilée. Le film arrive ainsi à instaurer une véritable ambiance qui renvoie l’hôtel d’Emmanuelle au fond du caniveau dont nous l’avions extirpé il y a de cela quelques mois. La force du film est clairement là, grâce à sa réalisation maîtrisée, sa photographie parfaite mais aussi forcément via son fameux Motel et aux personnages singuliers qui le peuplent. On ne pourra pas vraiment citer Heraldo comme boussole lui qui manque foncièrement de relief et de charisme mais ce n’est pas un reproche car il s’imbrique ainsi parfaitement dans la dynamique dont il se retrouve acteur et victime. On retiendra surtout Elias et Dayana, c’est en effet par leur biais que tout va arriver et le moins que l’on puisse dire c’est que leurs interprètes respectifs marquent l’écran.

Même si on sent que la date de sortie de Motel Destino est un cadeau empoisonné qui lui donnera malheureusement assez peu de visibilité, c’est pourtant un film idéal en cette période hivernale et morose. Troquer la nuit, le froid et la pluie pour la chaleur du Brésil semble ainsi un bon compromis sur le papier. Le film est intéressant car en suivant les aventures d’Heraldo, qui n’est pourtant pas un enfant de chœur, il nous met observateurs d’un personnage assez frêle et sans trop de stature, ce qui nous laisse songeurs sur ses chances de s’en sortir. A contrario on reste assez fascinés par Elias, véritable bombe à retardement malsaine qui crève l’écran à chaque apparition tant il transpire la personnalité borderline. Ces mélanges fonctionnent jusqu’au final sous tension qui à l’image de son film ne se fera pas de façon conventionnelle. On ressort de Motel Destino, peut-être pas en étant hantés par l’atmosphère, mais elle nous suit longtemps après, et c’est l’un des symptômes d’un bon film.

Titre Original: MOTEL DESTINO
Réalisé par: Karim Ainouz
Casting : Iago Xavier, Nataly Rocha, Fábio Assunção …
Genre: Drame, Thriller
Sortie le: 25 décembre 2024
Distribué par : Tandem
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































