Critiques Cinéma

NOSFERATU (Critique)

SYNOPSIS : Nosferatu est une fable gothique, l’histoire d’une obsession entre une jeune femme tourmentée et le terrifiant vampire qui s’en est épris, avec toute l’horreur qu’elle va répandre dans son sillage. 

C’est le jour de Noël qu’a choisi la relecture du mythique Nosferatu de Murnau par Robert Eggers pour enfin se dévoiler au monde, date ajoutant une dose de mysticisme et d’évènementiel sur un projet qui a sur le papier déjà tout pour convaincre et surprendre. Depuis sa révélation occulte avec The Witch (aussi révélation tonitruante de sa tête d’affiche, une certaine Anya Taylor-Joy qui y tenait son premier rôle principal), Eggers a fait battre un cœur horrifique particulièrement singulier au milieu du cinéma international, chacun de ses films prenant des airs d’expériences radicales et uniques au lieu de s’étendre dans une envie de conformisme. De l’hallucinant duo Robert Pattinson/Willem Dafoe dans son huis-clos dérangé The Lighthouse à son récit épique et vengeresse dans son odyssée shakespearienne en plein décor nordique dans The Northman, le metteur en scène américain est vite devenu – malgré le gentil four de son dernier film (pourtant pas mérité du tout) – l’un des grands noms de l’industrie horrifique moderne et l’une des voix les plus curieuses d’une nouvelle vague bruyante dans son envie de retour aux sources de son genre. Et y a-t-il retour au source plus radical pour un cinéaste dans le registre qu’une massive relecture du mythe Nosferatu ?



Adaptation d’abord officieuse du Dracula de Bram Stoker (puis officielle lorsque le mot « plagiat » fut au centre d’un procès), le Nosferatu de F. W. Murnau est le genre de monument qui donne envie de ne jamais – ô grand jamais – y toucher pour espérer ne jamais l’abîmer. Les images du film se sont imprimées partout à travers le monde, inspirant génération après génération les cinéastes qui auraient envie de filmer du monstre, du fantôme, ou plus simplement du vampire. On ne compte plus les adaptations du mythe de Dracula, Nosferatu lui a connu un remake sous la direction de Werner Herzog en 1979, et remet désormais le pied sur grand écran sous la houlette de Robert Eggers – dans un joli cycle de cinéma. Cette mouture 2024 reprend le récit original : nous sommes dans l’Allemagne de 1838, et Thomas Hutter (assistant d’une grande agence immobilière de la région) vit son tout récent mariage avec sa femme Ellen. Un jour, son patron lui donne un travail de plusieurs semaines : se rendre dans la résidence transylvanienne d’un certain Comte Orlok, un riche malade cloîtré chez lui, pour lui faire signer les papiers de l’acquisition d’une propriété en Allemagne. Mais alors que le jeune homme se retrouve mystérieusement prisonnier du château du Comte, Ellen est à nouveau assaillie de visions cauchemardesques la liant à une créature nocturne qui va vite s’approcher et semer la terreur autour d’elle.



Le premier fantôme qui semble hanter le film dès son démarrage, c’est l’ombre d’Anya Taylor-Joy – originellement attachée au rôle d’Ellen avant de le lâcher pour conflit d’agenda, et qui aurait été absolument parfaite dans un exercice précisément taillé sur mesure – remplacée par une Lily-Rose Depp avec un sacré poids sur les épaules. Ce fantôme, Depp se l’approprie pour se tailler une interprétation enflammée, à la fois surchargée et patibulaire autant qu’elle est sensuelle et horrifiante de subtilité dans ses râles de terreur et dans son conflit interne qui meut le cœur-même du film. Eggers fait le choix de dévier la perspective du film en centrant beaucoup plus le récit sur Ellen et sur ses cauchemars terrifiants, offrant à une Lily-Rose Depp dévastatrice une partition qu’elle prend à bras-le-corps pour livrer une performance impeccable de justesse. Car pour dessiner ce passage par les eaux du puits de Lazare du vampire le plus connu du Cinéma, Robert Eggers fait appel aux esprits des registres expressionnistes, faisant profiter à son formalisme appliqué et à ses racines symboliques pour fabriquer un monstre gothique prodigieusement old-school sans jamais tomber dans le ringard. Ici, le réalisateur américain se retrouve en pleine zone de confort, laissant libre cours à un imaginaire macabre et hallucinatoire qui plonge le spectateur en plein cauchemar les yeux ouverts, dessinant un gros bloc de 2h10 bourré de trouvailles esthétiques sublimes et touché par la grâce d’une horreur aussi délicate et magnétique que sinistre et infernale. Au cœur du maelström, le grand manitou originel, le vampire/Comte Nosferatu s’offre les « traits » indéfinis du gigantesque métamorphe Bill Skarsgård, encore une fois méconnaissable dans la chaire en lambeaux de son hôte carnassier au redesign particulièrement audacieux. Face à lui, le brillant Nicholas Hoult prend la place de Thomas Hutter et de son sort cauchemardesque, Willem Dafoe s’adonne à un affrontement direct avec le monstre dans la peau du Professeur Von Franz, et l’on retrouve également les excellents Aaron Taylor-Johnson et Emma Corrin dans des registres spectaculairement tragiques.



Surélevée par son ambition esthétique sensationnelle et son rêve de cinéma à la fois absurde et logique, cette renaissance de Nosferatu se désiste d’une quelconque couche de poussière pour livrer un vrai mythe gothique moderne dans les règles de l’art, une odyssée perturbante et onirique, plongée radicale et cauchemardesque dans les arcanes d’une emprise à la fois baignée dans le sang et dans les désirs inavoués. Nourri par un casting dirigé à la perfection, touché par la grâce des lumières habiles de Jarin Blashke et par la composition musicale obsédante de Robin Carolan, ce Nosferatu est une magnifique réussite horrifique, à la fois piège terrifiant et exploration fascinante d’un conflit entre l’amour et la mort, une renaissance vampirique qui réinvente l’horreur gothique comme il en manque furieusement aujourd’hui, pour offrir une superbe fable glaçante qui devrait laisser son empreinte aux côtés de ses aînés, sans grand doute.

Titre Original: NOSFERATU

Réalisé par: Robert Eggers

Casting : Lily-Rose Depp, Nicholas Hoult, Bill Skarsgård…

Genre: Epouvante-Horreur

Sortie le: 25 Décembre 2025

Distribué par: Universal Pictures International France

EXCELLENT

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