SAINT-EX (Critique)

Par William François le décembre 10, 2024 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : En 1930, Antoine de Saint-Exupéry est pilote de l’Aéropostale en Argentine. Quand Henri Guillaumet, son meilleur ami et le meilleur pilote de l’Aéropostale, disparaît dans la Cordillère des Andes, Saint-Ex décide de partir à sa recherche. Cette quête impossible l’oblige à se dépasser, en faisant de sa capacité à rêver sa plus grande force…

Nouveau retour dans le temps pour le réalisateur franco-argentin Pablo Agüero après ses films remarqués Eva ne dort pas et Les Sorcières d’Akelarre, puisque le cinéaste s’attaque à la figure populaire d’Antoine de Saint-Exupéry et plonge dans une tranche de sa vie dans les années 30. Mais loin de s’attaquer au traditionnel exercice du biopic retraçant vainement la page Wikipédia de sa tête d’affiche, Agüero adapte Terre des Hommes, recueil autobiographique de Saint-Exupéry lors de sa période à l’Aéropostale en Argentine, pour en faire une chronique honnête et mystique sur le récit aventureux d’une amitié indéfectible. Saint-Ex prend place en 1930. Antoine de Saint-Exupéry travaille à l’Aéropostale et pilote autour de la Cordillère des Andes avec son ami Henri Guillaumet. Un jour, leur entreprise est menacée par l’arrivée du train, lequel pourra faire leur trajet en un temps beaucoup plus réduit et rendant obsolète leurs postes. Convaincu que leurs avions peuvent passer au-dessus de la Cordillère des Andes pour prendre de vitesse le futur train, Guillaumet se met en quête de l’impossible. Lorsqu’il disparaît quelque part dans la chaîne de montagne, Saint-Ex se lance à sa recherche, quitte à braver les éléments et les instructions de ses employeurs…

Dans un écrin de film d’aventures à l’atmosphère à la fois doucereuse et épique, filmé comme une fable brumeuse gonflée au symbolisme et aux clins d’œil aux œuvres de son héros (on se rend vite compte que Saint-Ex raconte la naissance du Petit Prince dans la tête de son auteur), Agüero dessine une quête à la dimension presque mystique, justifiant ses quelques lacunes budgétaires grâce à des lumières et des effets visuels aux ambitions surréalistes. Ces propositions donnent au film le champ libre pour tenir son ambition, à savoir raconter l’amitié tenace entre deux pilotes déterminés à survivre et à se retrouver. Façon road-movie aérien, dans lequel Saint-Exupéry part sur les traces de Guillaumet envers et contre tous (à l’exception de Noëlle, femme de Guillaumet, guidant Saint-Ex depuis leur hangar), Saint-Ex se fait récit touchant et délicat d’une bromance qui catalyse l’humanité de ses personnages, lesquels deviennent alors le fuel des œuvres futures de l’écrivain. Le Petit Prince et ses drôles d’acolytes se retrouvent aux quatre coins du long-métrage, emballant le film dans une peinture charmante et sans aucune prétention de la poésie intense de l’art en réponse à la violence de la réalité.

A travers les performances de Louis Garrel, Vincent Cassel et Diane Krüger (respectivement Saint-Exupéry et Guillaumet mari et femme), Saint-Ex raconte avec une jolie proposition filmique, parfois imparfaite mais constamment chargée en subtilité et en charme, l’aventure palpitante de son héros accroché dans son cockpit brinquebalant et redoublant d’inventivité pour dépasser les limites de sa mécanique (la scène où il s’inspire des vols d’oiseaux pour gagner en altitude est une vraie réussite).

Grâce à la jolie photographie de Claire Mathon et à la délicate composition musicale de Christophe Julien en filigrane, Saint-Ex se pose sans prétention comme une belle histoire parsemée d’embuches, gagnant avec l’atmosphère mystique de la mise en scène d’Agüero une sympathique plus-value par rapport aux classiques biopics du genre. Malgré quelques manques d’amplitudes dans les contours de ce récit hors-normes, Saint-Ex est une expression filmique sincère et touchante qui emmène à quelques instants bien par-delà les nuages dans une jolie exploration riche en magie.