Critiques Cinéma

MONSIEUR AZNAVOUR (Critique)

SYNOPSIS : Fils de réfugiés, petit, pauvre, à la voix voilée, on disait de lui qu’il n’avait rien pour réussir. À force de travail, de persévérance et d’une volonté hors norme, Charles Aznavour est devenu un monument de la chanson, et un symbole de la culture française. Avec près de 1200 titres interprétés dans le monde entier et dans toutes les langues, il a inspiré des générations entières. Découvrez le parcours exceptionnel et intemporel de MONSIEUR AZNAVOUR.

Il s’agit là du troisième long-métrage pour le duo Mehdi Idir/Grand Corps Malade, après leurs Patients et La Vie Scolaire qui étaient parvenus à poser les cinéastes dans la case tant convoitée des metteurs en scène émergents particulièrement prometteurs dans la scène francophone. Dans leurs deux premiers films, emprunts à la fois d’un humour lumineux, d’un sens du rythme affuté et de variations thématiques inspirantes autour de l’espoir d’un avenir meilleur, les deux réalisateurs avaient déjà réussi à poser les bases d’un cinéma à la fois accessible et audacieux. Il n’est donc pas vraiment étonnant de les voir d’ores et déjà à la barre d’un long-métrage beaucoup plus ambitieux qui saurait mettre en avant leur envie de Cinéma avec un grand C. C’est à travers la figure démesurée de la légende Aznavour qu’ils trouvent alors le chemin de leur premier grand film (bien que l’on n’enlève aucune valeur à leurs deux premiers), lequel se plonge éperdument dans les contours de son mythe pour en révéler toute la lumière dans un numéro scénique très impressionnant de maîtrise.



Monsieur Aznavour suit le parcours du jeune Charles Aznavourian, de ses origines arméniennes et de son enfance bohémienne peuplée d’artistes en tout genre au cœur de son entourage, jusqu’à son ascension populaire explosive durant laquelle il écrira ses titres les plus connus. Façon biopic classique, Mehdi Idir et Grand Corps Malade signent un script qui répond à l’habituel cahier des charges du genre, pour venir réinventer le modèle grâce à une remarquable inventivité visuelle. Mais si la figure de Charles Aznavour est évidemment au centre de l’attention du début à la fin du récit, la véritable star du film est sans aucun doute possible l’extraordinaire Tahar Rahim, donnant corps, cœur et voix à sa légende éponyme, métamorphosé dans une relecture remarquablement troublante du chanteur qu’elle met à l’honneur. Rahim trouve en 2024 un grand écart artistique absolument vertigineux, entre sa performance massacrée en bad guy catastrophique dans le Madame Web de Sony et son interprétation digne des plus grands biopics musicaux qui fera sans doute pâlir tous les acteurs qui le suivront dans le registre. Le comédien trouve ici un rôle en apparence pas réellement taillé sur mesure – et pourtant, son talent omniprésent et sa capacité surnaturelle à s’abandonner à sa performance toute entière parle pour lui et assure à Monsieur Aznavour un roc inébranlable dans sa valse musicale spectaculaire.



Mehdi Idir et Grand Corps Malade profitent alors de leur comédien principal troublant de fidélité pour réincarner la figure Aznavour dans une fresque magnifiquement découpée, raccrochant à la fois avec les codes habituels du registre – lesquels sont aisément frustrants lorsqu’ils sont vidés d’une quelconque substance – pour venir les agrémenter d’une envie de cinéma omniprésente, notamment garantie par le travail méticuleux de la photographie de Brechts Goyvaerts. Paris et ses scènes sont filmés comme un grand spectacle son et lumière maîtrisé d’une main de maître, dégainant à la fois une mise en scène pudique des points clés de l’intimité de son protagoniste et la flamboyance totale du show Aznavour et de son parcours assurément semé d’embuches. Le film s’intéresse notamment aux personnages forts qui ont partagé au moins une part importante de sa vie, traitant par exemple son duo musical avec Pierre Roche (sensationnel Bastien Bouillon), de la place de mentor occupé par l’excentrique Edith Piaf (hilarante Marie-Julie Baup) ou encore sa relation avec sa sœur Aïda (tout aussi excellente Camille Moutawakil).


Par un sens redoutable du spectacle et par un traitement tout en lumière de son histoire, Mehdi Idir et Grand Corps Malade viennent confirmer leur talent scénique remarquable en signant un grand biopic francophone, jamais ni dans la surenchère ni dans la gratuité, évitant le sensationnalisme élitiste pour laisser parler un sens aigu de l’humanité. A travers les années de galères de la famille Aznavourian, puis les premières scènes de Charles lorsque le monde était contre lui, jusqu’à son ascension, l’écriture de ses plus grandes chansons et les retournements tragiques de sa vie personnelle, Monsieur Aznavour réussit son pari haut-la-main, trouvant un prétendant certain à l’obtention d’un certain trophée aux prochains Césars, mais parvenant surtout à justifier son existence-même par le soin lumineux porté à la reconstitution de la légende Aznavour. Mais, il est vrai, avec une bande-originale comme celle obligée par le film, c’est presque de la triche…

Titre Original: MONSIEUR AZNAVOUR

Réalisé par: Grand Corps Malade & Mehdi Idir

Casting : Tahar Rahim, Bastien Bouillon, Marie-Julie Baup…

Genre: Biopic, Musical

Sortie le: 23 octobre 2024

Distribué par: Pathé

4 STARS EXCELLENTEXCELLENT

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