Critiques Cinéma

TERRIFIER 3 (Critique)

SYNOPSIS : Après avoir survécu au massacre d’Halloween perpétré par Art Le Clown, Sienna et son frère tentent de reconstruire leur vie. Alors que les fêtes de fin d’année approchent, ils s’efforcent de laisser derrière eux les horreurs passées. Mais au moment où ils se croyaient enfin à l’abri, Art refait surface, bien décidé à transformer Noël en un véritable cauchemar.

Terrifier 3 aura décidément fait couler beaucoup d’encre avant même sa sortie, et pour cause : le film est le premier en France depuis de nombreuses années à être interdit aux moins de 18 ans (on se souvient amusés de l’époque où, avec nos amis, nous avions copieusement falsifié nos cartes de lycéens afin de pouvoir accéder au précieux sésame que représentait Saw 3, bien enfermé dans la forteresse du cinéma). Il n’en fallait pas moins (à juste cause, car c’est assez inédit) pour lancer le débat sur la justification de cette interdiction et son bien-fondé. Une question à laquelle nous nous garderons bien de répondre tant Terrifier est une franchise à part, extrêmement violente, dans un monde où aller voir des films d’horreur au cinéma, même « basiques », est parfois devenu un enfer d’incivilités, dans un contexte où il faut parfois carrément éviter les séances du soir pour avoir un peu de paix…un environnement où le problème vient dans un sens plus des gens que des films mais ne nous éparpillons pas. Terrifier demeure une franchise d’une violence et d’une immoralité rares et cela nous ne pouvons guère le nier. Paradoxalement elle regagne toutefois en moralité (d’une certaine façon) depuis son deuxième volet en ayant introduit un pendant positif d’Art le Clown, une adversaire à-même de le combattre alors que le premier volet était une avalanche d’exécutions gratuites et inarrêtables. Terrifier c’est donc aussi une évolution singulière : en mettant en scène Art le Clown, initialement dans un court métrage, le protagoniste maléfique a vu son support muer en 2016 pour devenir un premier long métrage douteux et peu convaincant avant de se voir doter d’une première suite en 2022 (qui contribuera à populariser le personnage d’Art et la franchise, y compris auprès de nous) puis d’un nouveau volet tout fraichement sorti du four. Le hiatus entre le premier et le deuxième volet fut d’ailleurs salvateur car indépendamment d’aimer ou non la franchise, il faut reconnaître qu’elle n’a fait que gagner en qualité, et ce n’est pas ce troisième volet qui freinera cette belle évolution.



Il est toujours difficile de parler de Terrifier à des gens qui n’auront pas expérimenté au moins les deux premiers films. Nous disons cela car nous sommes les premiers à trouver le premier volet sans grand intérêt (d’autant plus sans la vision d’ensemble des deux suites), d’une violence sordide et immorale au sein d’un grand tout qui n’a vocation qu’à reposer sur ça et où l’on ne prend pas vraiment de plaisir ; sans compter l’aspect fauché et laid des décors qui ne permettent parfois même plus de savoir si nous sommes dans un bâtiment, en studio ou dans une rue. Le premier film apparaît alors fauché comme les blés sur presque tous ses aspects à l’exception de ses effets gores extrêmement efficaces (la scène où une malheureuse se fait découper en deux reste diablement marquante). Terrifier 2 poursuivait sur cette route autant qu’il endiguait son premier volet en s’enfonçant certes toujours plus loin dans la violence, mais surtout en tissant une mythologie et des personnages qui avaient vocation à rester sur le moyen ou long terme. On s’est surpris à aimer ça, pour ce que cela proposait autour d’Art, mais aussi pour ce que le scénario faisait d’Art. Ce clown au physique aussi effrayant que malsain, qui se balade avec sur les épaules un sac poubelles rempli d’armes et de diverses saloperies, qui ne parle pas et n’esquisse pas non plus le moindre bruit, et surtout qui massacre chaque humain qui a le malheur de le croiser ou de le côtoyer, est initialement une véritable énigme. Pourtant plus le temps passe et plus tout cela prend enfin forme. Un peu comme un Chucky face à un Andy, Art a son Némésis, dans un univers où il n’avait jusqu’à présent aucune limite palpable. Film après film, mort après mort, Art semble destiné à revenir pour se faire laminer par cette nouvelle adversaire, qui prendra malgré tout très cher elle aussi à chaque apparition. Et au-delà même de cet aspect fil rouge et mythologique qui se dessine vis-à-vis de cette adversaire, en se concentrant uniquement sur Art on y trouve, et encore plus dans ce nouvel opus, davantage de sens. Art est le mal personnifié, il mange la chair de ses victimes, il massacre tout le monde, il est sûrement l’image de ce que pourrait être un démon tel qu’on devrait le conceptualiser s’il avait une apparence un peu humaine : sans morale, pas forcément dénué d’émotions puisqu’on assiste parfois à sa vexation et à son énervement, mais qu’il s’agisse d’émotions positives ou négatives elles finissent toujours par aboutir au massacre de multiples individus innocents, en témoigne sa rencontre hilarante avec un Père Noël dans un bar. Et dans ce troisième film (peut-être est-ce aussi cela qui a motivé l’interdiction), les enfants y passent aussi.

Le film débute ainsi sur une immoralité totale puisque Art, habillé en Père Noël (vous aurez compris à qui il a volé le costume), s’introduit dans la maison d’une gentille famille alors que les cadeaux sont déjà au pied du sapin. Art s’en va massacrer à la hache un premier enfant qui dort avant d’aller s’occuper des parents, eux aussi dans leur sommeil, sous le regard médusé du dernier enfant qui peine à appréhender ce qui se passe sous ses yeux mais qui comprend bien la menace. Chaque acte d’Art dans la scène d’ouverture, et pas juste les enfants (déglinguer à la hache des gens qui dorment est sûrement plus grave d’une certaine façon que de le faire alors qu’ils sont réveillés avec la possibilité de se défendre), pose les bases de la nouvelle histoire : on pensait Art sans limite mais on avait mal conceptualisé l’endroit où s’arrêtaient les limites. Bien sûr nous avions déjà compris qu’Art aimait manger de la chair humaine, scalper les gens, couper leurs organes génitaux (il s’en donnera encore à cœur joie ici), détruire chaque bout de corps de toutes les façons possibles, mais on arrive encore à être surpris de ses facéties. Ce qui est bon signe, car on ne s’ennuie pas. On en revient à la difficulté de décrire l’expérience Terrifier pour les non-initiés. Ce n’est pas pour tout le monde mais à compter du deuxième volet il y a une vraie proposition, une marque de fabrique (au-delà des trucages gores), une formule, un savoir-faire, une volonté de montrer le mal à l’état pur sans délaisser l’intention de raconter une histoire (alors qu’on pouvait en douter lors du premier film). On est pris dans une certaine frénésie, on reste curieux des frasques d’Art, on rit parfois parce qu’Art a ce pouvoir, et son look de Père Noël diablement efficace cette année ne fait que renforcer le pouvoir comique dont il dispose en plus de ses mimiques (il faut à ce titre saluer le travail de David Howard Thornton qui est tout de même incroyable dans ce rôle). Oui, Art est un personnage efficace, amusant, effrayant, répugnant, sordide, Art est le mal dans tout ce qu’il peut y avoir de plus mauvais. Chaque chose atroce, Art est en capacité de la faire avant que nous ne l’imaginions. Nul doute sur le fait qu’Art est maintenant un personnage fort et solide, et il le devient un peu plus à chaque opus.



Art a pourtant pris une petite retraite dans ce troisième volet qui présente une ellipse de cinq ans par rapport au deuxième Terrifier. On précisera d’ailleurs que même si la mythologie s’enrichit et s’étend, certaines choses demeurent assez obscures, on ne comprend pas forcément toujours la logique de certains évènements. Peut-être que le film sème volontairement des graines ici et là ou peut-être raccrochera-t-il les wagons en temps et en heure comme il le fait après tout film depuis le premier film. En effet après avoir laissé un personnage du volet numéro 1 en sale posture, l’avoir de loin mis en scène dans le volet numéro 2 ainsi que dans sa scène post-générique lunaire, le voilà de retour de façon importante aux côtés d’Art. Un « retour » légitimé par le scénario qui semble attaché à créer une cohérence d’ensemble, sans que l’on ne sache réellement si tout cela était pensé depuis le départ (nous ne pensons pas). Exit toutefois la jeune fille (esprit ou démon on ne sait plus trop) interprétée par Amelie McLain. Accompagné, Art poursuit ainsi ses exactions, armé de divers instruments qui coupent, qui percent, mais aussi des armes à feu qu’il affectionne tant. Mais comme d’habitude il s’essaie aussi à de nouvelles méthodes et à de nouveaux jouets que nous vous laisseront découvrir (on ne peut pas nier un certain sens de la créativité, ou plutôt une certaine remise au goût du jour de vieilles pratiques moyenâgeuses), nous ne nous attendions donc pas à l’exploitation des rats de cette façon. Terrifier 3 exploite aussi à merveille la période de Noël, donnant au spectateur l’opportunité d’assister à des interactions croustillantes mais aussi de capitaliser sur le look incroyable qu’arbore Art dans cet opus et dont il semble extrêmement friand lui aussi.



On ne délaissera pas pour autant la galerie de personnages « positifs » qui sont indispensables quand bien même ils ne sont pas les plus intéressants. Le film capitalise sur la dynamique créée dans le volet précédent, développant la vie de personnages humains secondaires au contact des survivants du premier volet (et dont le traitement de l’un des deux nous a laissé circonspects, sauf si le prochain volet venait à inverser la tendance à son sujet). Sienna (Lauren LaVera) est celle autour de qui la franchise confirme vouloir se développer ; elle bénéficie ainsi de flashbacks qui approfondissent la relation avec son père, créateur de la figure d’archange qu’elle arbore durant la fête d’halloween. Nous sommes diablement curieux de voir de quelle façon Sienna se démarquera à l’avenir afin de ne pas faire de la redite des opus 2 et 3 où elle subit quand même beaucoup les évènements. Telle une Sidney Prescott, elle est vouée à ressortir de chaque film plus traumatisée que dans le précédent et ce de façon exponentielle car dans Terrifier tout est pire qu’ailleurs.



Terrifier 3 est non seulement une réussite mais aussi le film le plus abouti de la saga. Violent et immoral il l’est d’autant plus que son prédécesseur, dérangé il l’est (encore une fois comme son prédécesseur), moins que le tout premier volet car il semble avoir trouvé le bon rythme de croisière et celui-ci passe par une narration qui s’étoffe, une histoire qui souhaite sincèrement asseoir sa propre mythologie par le biais d’une écriture plus ciselée sans faire de compromis sur ce qui est à présent autant son fonds de commerce que le prix de la richesse de son histoire en construction : montrer le mal en action tenter de s’étendre et faire la démonstration de ce qu’il est vraiment, un puits sans fond, un déluge de fléaux dont on doit sans cesse repousser les limites en tentant de conserver son intégrité. C’est fort, difficile à appréhender au départ, pas à mettre devant tous les yeux (vous l’aurez compris c’est très violent) mais vraiment très fort de la part de Damien Leone.

Titre Original: TERRIFIER 3

Réalisé par: Damien Leone

Casting: Lauren LaVera, David Howard Thornton, Jason Patric…

Genre: Epouvante-Horreur

Sortie le: 9 octobre 2024

Distribué par: Factoris Films / ESC Films

TRÈS BIEN

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