Critiques Cinéma

MOTHER LAND (Critique)

SYNOPSIS : Depuis la fin du monde, June protège ses fils Samuel et Nolan, en les confinant dans une maison isolée. Ils chassent et cherchent de quoi survivre dans la forêt voisine, constamment reliés à leur maison par une corde que leur mère leur demande de ne surtout « jamais lâcher. » Car, si l’on en croit June, la vieille cabane est le seul endroit où la famille est à l’abri du « Mal » qui règne sur la Terre. Mais un jour, la corde est rompue, et ils n’ont d’autre choix que de s’engager dans une lutte terrifiante pour leur propre survie…

Une semaine qui marque la sortie d’un nouveau film d’Alexandre Aja est toujours une semaine qui a un p’tit truc en plus (non, pas comme le film d’Artus). Déjà parce qu’il est l’un des rares frenchies à avoir réussi à se faire un trou aux Etats-Unis, ensuite parce qu’il a un savoir-faire indiscutable qui lui permet même avec des budgets ridiculement bas d’accoucher d’œuvres impeccables techniquement, enfin parce qu’indépendamment de la qualité scénaristique de chaque projet mis en scène, chacune de ses créations se démarque un minimum du lot. Alexandre Aja a toujours une vision. Il est toutefois vrai que depuis l’apogée (assez rapide) de sa carrière avec l’incroyable La Colline a des yeux (incontestablement l’un de nos films d’horreur favoris, nous nous souvenons encore avec nostalgie de la séance de cinéma au cours de laquelle nous l’avions découvert étant plus jeunes), aucun de ses projets n’a réussi à emmener aussi haut l’intensité qu’il est capable de fournir, prenant parfois même des virages qui relèvent davantage du plaisir coupable (Piranha 3D ou Crawl) que de claques ou de démarches aux récits plus funestes. En voyant la bande annonce de Mother Land il n’est pas aisé de cerner à quelle vague Aja le film se rattache, lui qui donne l’impression (y compris au début de son visionnage) de se rallier à des films horrifiques à concept un peu commerciaux à la Sans un bruit ou à la M. Night Shyamalan. Heureusement pour nous, Alexandre Aja a toujours plus d’un tour dans son sac.
 
 
Mother Land est découpé en plusieurs parties nommément titrée (comme Furiosa récemment) avec une thématique qui découle à chaque fois assez logiquement du récit en cours ou de points précis que nous avons pu observer et déduire de la partie précédente. Le film s’inscrit d’emblée comme étant assez terre à terre malgré les éléments d’apparence surnaturelle qui peuvent le joncher. Halle Berry joue June, la mère des deux autres personnages (le film en compte très peu) principaux. Nous étions d’ailleurs très contents de la retrouver, elle qui n’hésite pas à surprendre dans ses choix comme lorsque nous l’avons surprenamment vu débarquer dans le troisième volet de John Wick. C’est à travers son personnage que nous découvrons ainsi la mythologie du monde en ruines dépeint dans Mother Land et l’intérêt des fameuses cordes que ne doivent absolument pas lâcher les personnages. A côté de cela il y a la survie pure et dure : se nourrir dans un monde en taille réduite ; en effet les protagonistes sont limités par la longueur de leur corde pour explorer les environs de leur maison. Tous les subterfuges sont alors bons pour couper la faim : infuser de l’eau avec des aiguilles de pins ou ingérer des écorces d’arbre. Une vie qui n’a rien de facile, surtout lorsqu’on est enfants. Le doute s’instaure alors : doivent-ils croire tout ce que leur dit leur mère ?
 
 
Très vite le spectateur se dit qu’il y a deux options, bien poussé par un scénario qui n’a pas prévu de lui cacher le postulat de base : soit la mère est folle et elle maltraite ses enfants depuis des années, soit elle a raison et les petits n’ont vraiment pas intérêt à se mutiner. A chaque fois que le fil narratif se détend et semble choisir d’aller dans l’une des deux directions, quelque chose vient remettre en cause nos certitudes et celle des personnages, qui ne sont déjà pas forcément toujours en phase. En cela le film est très habile même si certains pourront émettre des réserves sur sa conclusion, laissant la part belle à l’allégorie plutôt qu’à une réponse finement tranchée. Habile il l’est également dans la construction de ses personnages. Loin finalement d’être un film conceptuel à la Sans un bruit, Mother Land est plus profond qu’il n’y paraît, il arrive alors à faire exister chacun de ses trois personnages, à les faire se soutenir autant qu’à les faire s’affronter. Il est aussi doué pour renverser certains paradigmes, à nous surprendre lorsqu’il bouscule les acquis vers lesquels il semblait se diriger (et pas seulement vis-à-vis des deux issues scénaristiques possibles que nous mettions en exergue plus haut) puis parfois mettre un gros stop sur le cheminement autour du faisceau d’indices mystérieux et des hypothèses liées pour se focaliser sur un drame qui survient au milieu de tout ça et qui va encore relancer les doutes sur la véracité de la mythologie. Si les personnages lâchent la corde on n’oublie jamais qu’il y a potentiellement l’enfer tout autour d’eux qui va s’abattre sans crier gare. Et pourtant c’est tellement aisé de lâcher une corde.
 
 
Mother Land est une petite surprise que nous n’attendions pas forcément et pourtant nous sommes de fervents admirateurs d’Alexandre Aja. Plus profond et haletant qu’il n’y paraît, le long métrage explore et ratisse un univers géographique certes très localisé et restreint pour mieux se recentrer sur ses personnages et faire monter la tension au fil du temps. Doté des compositions musicales du génial ROB (lorsqu’il est inspiré il peut faire des merveilles, c’était lui sur Gretel et Hansel, on aime le travail de ce monsieur) que nous sommes allés réécouter après la séance cinéma, elles aident fatalement à se sentir impliqués dans la vie de cette famille saisissante, déjà bien portée par scénario malin et un casting convaincant (au-delà d’Halle Berry, les enfants sont aussi supers).  Dans un monde où on nous rabâche les oreilles avec des pétards mouillés à la Knock at the Cabin ou des produits bien emballés niveau bande annonce à la Trap, Mother Land semble rester sur le bord de la route alors qu’il mériterait bien plus le détour. Le film ne semble pas très mis en avant et sa bande annonce ne peut malheureusement pas mieux le vendre afin de ne pas compromettre les surprises distillées ici et là. Quelque part ce Mother Land nous rappelle un peu le Ghostland de Pascal Laugier dans sa démarche ; tiens, encore un réalisateur de génie qui n’est pas suffisamment reconnu à sa juste valeur. Peut-être qu’un jour Alexandre Aja et Pascal Laugier pourront faire les films qu’ils méritent (on rêve qu’Aja retourne sur un La Colline a des yeux 3, surtout après que le studio ait torpillé le 2). En attendant contentons nous de ce que nous avons et surtout, soutenons ces projets bien trop rares.
 

Titre Original: NEVER LET GO

Réalisé par: Alexandre Aja

Casting: Halle Berry, Percy Daggs IV, Anthony B. Jenkins…

Genre: Epouvante-Horreur, Thriller

Sortie le: 25 septembre 2024

Distribué par: Metropolitan FilmExport

TRÈS BIEN

Laisser un commentaire