Critiques Cinéma

BUFFALO ’66 (Critique)


SYNOPSIS : Billy Brown sort tout juste de cinq ans de prison. Il souhaite rendre visite à ses parents, à qui il a caché son incarcération pendant toutes ces années. Il kidnappe alors une jeune étudiante, Layla, et l’oblige à se faire passer pour sa femme devant ses parents. Au fil de la journée puis de la nuit d’errance qui va suivre, Billy et Layla parviendront-ils à dépasser la violence de leur rencontre initiale et s’attacher l’un à l’autre ?

Aujourd’hui, plus de vingt-cinq ans après sa sortie, on peut avoir une certaine réticence à se pencher sur le premier film de Vincent Gallo quand on connaît la suite de la carrière du bonhomme : un deuxième opus, The Brown Bunny, hué à Cannes en 2004 pour son côté arty prétentieux et pour une scène de fellation non-simulée en gros plan ; un caractère instable sur les plateaux (dont Christina Ricci faisait déjà les frais lors du tournage de Buffalo ’66) ; et plus récemment des prises de positions franchement réactionnaires ou misogynes qui ont fini de ternir la hype que Gallo avait pu susciter à ses débuts. La première réalisation de l’enfant terrible du cinéma indépendant US avait pourtant été bien reçue à l’époque. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Pour commencer, Buffalo ’66 peut plaire ou agacer (selon la sensibilité de chacun) par son recours à l’ensemble des tics propres aux films indé à la « Sundance » qui pullulaient à la fin des années 1990 et au début des années 2000 : une histoire assez lâche qui fait la part belle aux digressions, des personnages inadaptés au monde qui les entoure, une économie de dialogues, une image volontairement floue et décadrée par moments… Il y a aussi cette propension à caler ça-et-là des séquences bizarres et oniriques qui viennent rompre le ton réaliste du reste de l’œuvre : ici, c’est le personnage de Layla (Christina Ricci) qui se lance dans un étrange et maladroit numéro de claquettes improvisé – une scène sans doute fantasmée par Billy Brown (Vincent Gallo) – dans un bowling glauque de Buffalo.Après une entrée en matière qui peut laisser perplexe (la sortie de prison, la rencontre musclée avec Layla), on appréciera que lors de l’épisode chez les parents de Billy, Buffalo ’66 s’écarte du strict programme romantico-poético-dépressif auquel il semblait nous convier : entre le père (Ben Gazzara) qui se montre très (trop) tactile envers la jeune femme sexy qu’il croit être sa belle-fille, et la mère (Anjelica Huston), complètement pétée du casque, qui multiplie les piques castratrices contre son fils, le film flirte avec bonheur avec la comédie noire.


Plus l’histoire avance, plus le charme du film opère, principalement grâce au personnage de Billy. Alors qu’il est présenté de prime abord comme un sale type, il parvient petit à petit à capter l’attention et susciter l’attachement. Ce revirement passe beaucoup par son look : santiags rouges, fin blouson de cuir, marcel trop petit… Il faut le voir, frigorifié, la tête rentrée dans les épaules, déambuler dans les rues enneigées de Buffalo en plein hiver dans cet attirail de vieux loubard ringard. Saluons à ce propos l’indiscutable charisme du réalisateur-acteur : Vincent Gallo exhale une sorte de classe passée, hors du temps, qui se marie parfaitement avec le côté pin-up pulpeuse des années 50 de Christina Ricci dont c’était l’un des premiers rôles « adultes » après une belle carrière d’enfant star (La Famille Addams, Casper).

L’empathie pour Billy va croître à mesure que son passé tumultueux et ses failles se dévoilent. Derrière sa violence, son impulsivité et son égocentrisme se cache un être en manque d’affection – le déjeuner chez les parents est à cet égard d’une extrême cruauté – qui, sans doute pour cette raison, prend systématiquement les mauvaises décisions, comme s’il était condamné à se saborder lui-même. Les différents soubresauts de l’intrigue révèlent progressivement un personnage plus pathétique que bravache, notamment lors une scène où l’on découvre que lui, le « bad boy  » prétentieux, n’a jamais réussi à surmonter l’état émotionnel qui était le sien lorsque, petit garçon, il avait été rejeté par une fille dont il était amoureux (interprétée, en version adulte, par Rosanna Arquette).

C’est dans ces moments d’introspection que la solitude de Billy Brown rencontre celle de Layla, dans une succession de très belles séquences douces amères qui culminent dans une chambre d’hôtel, la nuit, où les deux êtres se blottissent l’un contre l’autre sur le lit. La fin du métrage approchant, l’errance de Billy Brown se cristallise autour du choix qu’il doit faire entre l’ombre et la lumière, entre la vie et la mort. Laissera-t-il libre cours à sa pulsion autodestructrice en assouvissant une vengeance absurde contre un ancien joueur de baseball qu’il tient pour responsable de sa ruine, ou donnera-t-il une chance à sa relation naissante avec Layla ? Le parti pris de Vincent Gallo pour répondre à cette question, très beau visuellement et particulièrement émouvant, offre au film une fin mémorable. La belle gueule renfrognée de rocker de Billy Brown nous manque déjà.

Titre Original: BUFFALO’66

Réalisé par: Vincent Gallo

Casting: Vincent Gallo, Christina Ricci, Ben Gazzara…

Genre: Comédie dramatique, Romance

Sortie le: 3 février 1999

Distribué par: Metropolitan FilmExport

TRÈS BIEN

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