Critiques Cinéma

EMMANUELLE (2024) (Critique)

SYNOPSIS : Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle, elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper.

La nouvelle avait surpris lors de son annonce : une nouvelle itération d’Emmanuelle allait voir le jour avec Léa Seydoux dans le rôle-titre. Sans savoir s’il y avait une réelle attente derrière un tel projet, nous avons toutefois constaté que la curiosité fulminait dans les commentaires et qu’elle au moins était au-rendez-vous. Quelques mois plus tard nous apprenions que Léa Seydoux quittait le projet, à priori évincée par la réalisatrice Audrey Diwan qui n’adhérait pas à son interprétation, trop éloignée de sa vision d’Emmanuelle. C’est l’étoile montante Noémie Merlant qui reprendra le rôle et qui le conservera jusqu’à la sortie cinéma, ce mercredi. Volontairement nous n’avons pas revisionné l’Emmanuelle de 1974, qui reste assez flou dans nos têtes, afin de ne pas faire de comparatif (et aussi parce que nous n’en avions pas forcément envie, surtout après le visionnage du nouveau). Nous n’avons pas davantage lu la version littéraire dont la franchise est inspirée (pour ceux qui l’ignoraient peut-être, Emmanuelle est initialement une série de romans érotiques). C’est donc en terrain presque inconnu que nous avons débarqué, un terrain propice pour s’immerger dans une expérience sur laquelle nous n’avions pas forcément d’avis, la curiosité demeurant y compris pour nous suffisamment forte pour aller l’appréhender dans de bonnes dispositions.

Le film s’ouvre sur une scène bien connue et à priori déjà présente dans le film initial : Emmanuelle est dans un avion, féminine, coquette, sensuelle, et surtout observée par l’un des passagers qui n’est pas insensible à son charme. Voilà bientôt, après avoir fait monter l’excitation, qu’Emmanuelle se déporte dans les toilettes de l’avion, vite rejoint par l’homme en question. Débute alors un coït faisant office d’introduction au film qui se géolocalisera rapidement dans un hôtel de luxe d’Hong Kong où Emmanuelle pose ses bagages. Contrairement aux apparences, Emmanuelle n’est toutefois pas venue faire du tourisme mais bel et bien pour travailler. Engagée pour vérifier la qualité des prestations de l’hôtel elle compte bien tout passer en revue, quitte même à chronométrer les serveurs lorsqu’elle commande un cocktail à boire. Apparemment quelque chose cloche dans cet hôtel, les commanditaires de l’audit en sont persuadés, mais quoi ? On serait déjà tenté de pointer du doigt les clients, tous plus perchés les uns que les autres, mais Emmanuelle n’est pas là pour ça. Ou finalement peut-être que si. Plutôt seule et blasée, ses interactions avec les un(e)s et les autres vont la confronter à sa propre solitude elle qui se met bientôt en quête de quelque chose de nébuleux. Cette recherche débutera par sa rencontre avec Kei (Will Sharpe) un mystérieux client richissime (ce qui semble être un pléonasme vu le standing de l’établissement et de la population qui l’arpente) qui rode de temps en temps dans l’hôtel mais n’y dort jamais. Qui peut-il bien être ? Et quels secrets peut-il bien cacher ? Emmanuelle se met bientôt à penser de façon incontrôlable à lui, homme insaisissable qui apparaît et disparaît de l’hôtel presque comme un fantôme. Heureusement, entre les quelques moments consacrés à son peudo travail et les pérégrinations intellectuelles et sensorielles solitaires qui la confrontent de plus en plus au vide de sa vie, Emmanuelle peut compter sur quelques client(e)s de l’hôtel pour la distraire.
 


Ces interactions ont presque toutes la même particularité : elles mettent en scène, face à Emmanuelle, un(e) bonne interprète (le casting est l’un des rares points positifs du film même si ce qu’il a à jouer est indigeste au possible) qui incarne un personnage déconnecté du monde réel, ayant apparemment la mission d’infliger au spectateur quelques tirades de philosophie de comptoir très premier degré et donc extrêmement risibles, achevant de donner à la fin de ce déversoir une apparence d’échanges littéralement claqués au sol. On s’amusera (il faut parfois voir le verre à moitié plein) à écouter le génial Jamie Campbell Bower (c’est sûr que là ce n’est pas la même limonade que son rôle dans Horizon), avec son timbre de voix si particulier qui renforce la stature naturelle dont il dispose, nous raconter des anecdotes dont on se fout royalement, lui qui se plaît à disserter sur la vie d’une façon si sérieuse que l’on se demande parfois si nous n’assistons pas à une incroyable parodie avec caméras cachées. Mais non, nulle parodie ici, tout ce petit monde totalement perché est bien réel même si fort heureusement l’ambiance dans laquelle ils évoluent au-delà des dialogues arrive parfois à instiguer une véritable ambiance. Cette dernière ne fonctionne pas nécessairement tout le temps, n’empêchant pas de nous sentir presque mal à l’aise face à l’envolée lyrique des différents péquins, mais elle est tout de même là et lorsque tout le monde la ferme enfin, et cesse de nous casser les oreilles avec des observations absconses, nous pouvons enfin la palper du bout des doigts. Il y a bien une forme d’atmosphère dans cet hôtel, c’est l’autre point positif du film. Mais cela ne suffit pas.
 
 
Et ce n’est pas non plus la présence de la géniale Naomie Watts, en gestionnaire de palace, qui nous aidera à voir la balance pencher du bon côté malgré tout le cœur qu’elle met à l’ouvrage et le fait que son personnage soit sûrement l’un des moins bizarres du film. Ni la présence de Noémie Merlant, qui incarne tout de même le rôle principal, qui fait du mieux qu’elle peut ici, derrière l’air antipathique et parfois un poil hautain de son personnage, pour proposer de la façon la plus crédible possible les bizarreries concoctées dans un scénario qui se regarde un peu trop le nombril. Son personnage devra jongler entre solitude, plaisirs charnels, une ribambelle de clichés (on n’échappe pas à une scène avec des glaçons) et la gestion d’incidents inopinés telle une inondation dans l’une des ailes de l’hôtel. Tout un programme. Si l’on devait citer une révélation du film ce serait sans aucune hésitation Chacha Huang : quel magnétisme. Nous voyons après vérification qu’elle a joué dans le sympathique Abuela (peut-être dans un personnage très secondaire et éclipsé par sa charismatique protagoniste ? Une bonne raison en tout cas de revoir le film que d’investiguer pour la replacer) et dans la récente version étrangère de Zorro (pas celle avec Jean Dujardin). Espérons pour elle que ces rôles, et surtout les prochains, furent ou seront à la hauteur de ce qu’elle dégage car elle nous a fait forte impression. Nous étions même presque peinés lorsque son personnage quitte l’hôtel. C’est aussi l’un des rares êtres humains un peu humains du film et sûrement le seul avec qui Emmanuelle tisse un lien qui ne sent pas uniquement le brossage philosophique artificiel (même si cette relation n’échappe pas non plus à la moulinette de ce que nous avons mis en avant).
 
 
Emmanuelle débarque donc en se prenant très (trop) au sérieux au sein d’un univers fantaisiste qui frôle l’auto-parodie. Qu’il s’agisse de ses échanges avec une galerie de personnages aussi ridicules que désabusés, de ses aventures au sein de l’hôtel (qui a le mérite nous le rappelons d’avoir au moins pour lui d’arriver à distiller un semblant d’ambiance singulière) ou, presque pire, de son escapade finale dans les tripots des bas-fonds…on reste davantage affligés que happés par cette drôle de proposition. Peut-être le film pourra-t-il se réfugier comme nous l’avons lu ici et là derrière un argumentaire de film féministe (la carte joker en général pour faire passer la pilule lorsque le reste ne suit pas), celle d’un long métrage où Emmanuelle s’émancipe de ce qu’elle a pu être pour coller à un monde qui a changé (de là à savoir si nous avions besoin de ça, ou plutôt si cela s’avérait pertinent à proposer, nous avons notre avis sur la question mais honnêtement nous nous contrefichons de l’analyser davantage). Gageons que peu importe les belles justifications derrière tout cela nous pouvons nous permettre de juger sur pièce : le résultat final est aussi ringard que complètement lunaire.
 

Titre Original: EMMANUELLE

Réalisé par: Audrey Diwan

Casting : Noémie Merlant, Will Sharpe, Naomi Watts …

Genre: Drame, Erotique

Sortie le: 25 Septembre 2024

Distribué par : Pathé

ASSEZ MAUVAIS

 

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