Critiques Cinéma

CITY OF DARKNESS (Critique)

SYNOPSIS : Dans les années 80, le seul endroit de Hong Kong où la Loi Britannique ne s’appliquait pas était la redoutable Citadelle de Kowloon, une enclave livrée aux gangs et trafics en tous genres. Fuyant le puissant boss des Triades Mr. Big, le migrant clandestin Chan Lok-kwun se réfugie à Kowloon où il est pris sous la protection de Cyclone, chef de la Citadelle. Avec les autres proscrits de son clan, ils devront faire face à l’invasion du gang de Mr. Big et protéger le refuge qu’est devenue pour eux la cité fortifiée.

Hasard du calendrier (ou pas), City of Darkness est le deuxième film de Soi Cheang à sortir en l’espace de 2 mois sur nos écrans français. Après le morbide Limbo l’année dernière, puis le mystique Mad Fate au début de l’été, le réalisateur hongkongais propose cette fois une grande fresque épique dans un décor comme pas deux, adaptée du manhua (bande-dessinée chinoise) d’Andy Seto. Il était une fois, dans les années 80, la citadelle de Kowloon. Une enclave chinoise exposée à ciel ouvert, le seul endroit de Hong Kong où la loi britannique ne s’applique pas, une succession de blocs empilés sans fin les uns sur les autres, ne laissant que très rarement le soleil percer son sommet. Détruit en 1990, l’image de Kowloon est restée encrée à la fois dans la culture politique et dans ses interprétations artistiques, et pour cause la Citadelle possède un potentiel cinématographique total. C’est cette mission qu’entreprend Soi Cheang en reprenant l’œuvre d’Andy Seto, posant ses caméras dans une reconstitution combinant décors réels et effets numériques pour y monter son récit folklorique de guerre de gangs.

City of Darkness raconte l’histoire de Chan Lok-kwan, un immigré clandestin arpentant les combats de boxe illégaux de la basse-ville afin de s’offrir des documents d’identité pour enfin pouvoir s’installer. Une nuit, le jeune homme passe un accord avec Mr. Big, un boss des Triades, et finit par se faire voler tout son argent. En représailles, Lok-kwan s’enfuit avec un sac de drogues du gang de Mr. Big, et trouve refuse dans la Citadelle de Kowloon, sous la protection d’un certain Cyclone. Ce dernier décide de prendre le jeune homme sous son aile et de l’entraîner à protéger l’enclave, alors qu’à l’extérieur certaines Triades tentent par tous les moyens de faire tomber Cyclone et de prendre le contrôle de la Citadelle… C’est au dernier Festival de Cannes que s’est découvert ce City of Darkness, où Soi Cheang était venu le présenter en Séance Spéciale, dans un grand spectacle qui n’a pu que défriser les festivaliers chanceux ayant eu la possibilité de le découvrir là-bas. Dans les rues sales, moribondes et sombres de Kowloon, avec ces tours de blocs empilés les uns sur les autres dans un chaos généralisé, le réalisateur hongkongais trouve ici un décor de cinéma absolument parfait. Raccrochant avec ses obsessions récurrentes (les mondes décrépis, la mainmise du destin, la déchéance d’une certaine humanité en perdition, …), Soi Cheang signe ici un long-métrage extraordinaire de maîtrise, à l’exécution virtuose qui plante la fin d’une époque mourante et le début du droit à l’espoir.

City of Darkness se découpe comme un récit mythologique autour de ses personnages et de son écriture, se centrant sur son protagoniste Chan Lok-kwan (interprété par un excellent Raymond Lam) et sa découverte de la vie à l’intérieur de la Citadelle. Menace de gang, entraînements aux arts du combat et même superpouvoirs : Soi Cheang emballe un spectacle massif et sans concessions, en forme d’héritage de l’âge d’or du cinéma hongkongais bâti dans l’ère moderne. City of Darkness est une odyssée ébouriffante enchaînant à un rythme fou les expositions scénaristiques en apparence complexes et les séquences d’action redoublant d’inventivité à chaque placement de caméra et à chaque mouvement des amples chorégraphies qui les composent. Au fil du récit, Lok-kwan devient le protégé du puissant Cyclone (l’impressionnant Louis Koo) et se lie d’amitié avec trois jeunes combattants de la ville, face aux menaces de l’extérieur de la Citadelle.

Le travail de Soi Cheang est alors absolument redoutable, exécutant une mise en scène à la précision folle, emballée à la fois par l’extraordinaire photographie de Cheng Siu-keung et par la partition musicale enflammée du compositeur japonais Kenji Kawai. Dans une harmonie joyeusement chaotique qui emmène ce petit monde dans un grand récit dévastateur glissant hors du temps, City of Darkness est une incroyable bombe, parvenant à dépoussiérer son registre un brin vieillissant pour y injecter une électricité moderne et une envie extrêmement tenace de pousser les potards à fond. En résulte une proposition d’action tout bonnement époustouflante, une quête mythique autour de héros ordinaires dans le monde des Triades. Le pari est simplement fou, et pourtant City of Darkness livre non seulement ce qu’on pouvait en espérer, mais il nous donne également ce qu’on avait – en l’ignorant –  désespérément besoin de voir.

Titre Original: JIU LONG CHENG ZHAI -WEI CHENG

Réalisé par: Soi Cheang

Casting :  Louis Koo, Sammo Kam-Bo Hung, Raymond Lam

Genre: Action, Thriller

Sortie le : 14 août 2024

Distribué par: Metropolitan FilmExport

TOP NIVEAU

Laisser un commentaire