Critiques Cinéma

JENNIFER’S BODY (Critique)

SYNOPSIS : Lycéenne dans une petite ville américaine, Jennifer est une beauté fatale à qui aucun garçon ne résiste. Cette bombe cache pourtant un petit secret : elle est possédée par un effroyable démon. Mangeuse d’hommes à tous les sens du terme, elle se transforme peu à peu en créature pâle, maladive et meurtrière… Needy, sa discrète amie d’enfance, va désespérément tenter de protéger les jeunes hommes de la ville, à commencer par son petit ami Chip…

Il y a les films qui connaissent un succès immédiat, salués dès leur sortie par la critique comme par le public, ces réussites évidentes qui gagnent directement l’épreuve du temps. Et parfois, derrière des accueils critiques bien plus tièdes, certaines œuvres se voient revitalisées par leurs générations – ou par la suivante. C’est le cas de l’étrange Jennifer’s Body, moyennement reçu à sa sortie, puis devenu avec le temps et avec la passion de ses fans de la première heure un classique total du récit horrifique féministe moderne. Cela fait beaucoup de mots déjà, donc laissons plutôt parler le sang. Signé par la scénariste Diablo Cody (la plume affutée derrière Juno, Tully ou plus récemment Lisa Frankenstein) et mis en scène par la réalisatrice Karyn Kusama (à deux, elles ont probablement les noms les plus rocks possibles pour monter un tel film), Jennifer’s Body pose ses malédictions dans la structure du teen movie américain des années 90-2000 – avant de twister les codes au grès de sa super-héroïne éponyme. Megan Fox (à ce moment-là, elle est particulièrement connue pour ses rôles chez Michael Bay dans sa saga Transformers, films dans lesquels son physique est plus mis en avant que l’écriture de son personnage) incarne Jennifer, une lycéenne du Minesotta à la beauté évidente, qui croise le chemin d’un groupe de rock de passage… Après avoir passé la nuit en leur compagnie (le film révèle dans le dernier acte ce qu’il s’y est vraiment passé), Jennifer refait surface dans la maison de sa meilleure amie Needy (une jeune blonde introvertie à lunettes incarnée par Amanda Seyfried) et témoigne d’une attitude particulièrement étrange. Needy découvre vite que Jennifer est possédée par un démon qui la pousse à s’en prendre aux garçons du lycée, et tente alors de trouver un moyen d’arrêter le massacre pour de bon…



Il y a mille raisons qui tendent à expliquer l’accueil mitigé du film à sa sortie, mais la principale reste sans doute la tournure qu’a prise sa promotion marketing, laquelle mettait surtout en avant l’aspect sulfureux et le physique de Megan Fox (utilisant le statut de « sex symbol » vus par les fans masculins de Transformers pour vendre des entrées). Mais problème : Jennifer’s Body est surtout destiné à un public féminin, et c’est là que le bât blesse. A être trop en avance sur son temps, accompagné par un studio très en retard qui survend le produit d’un duo de cinéastes femmes extrêmement rock, le film s’est vu effectivement mal reçu, incompris, jugé par une critique et un public en décalage avec les intentions véritables de ses conceptrices. Mais une fois n’est pas coutume, Jennifer’s Body a vu justice être rendue grâce au travail du temps et à la libération de la parole des femmes (remis au centre du débat public par la vague post-MeToo). A ce compte, le film de Kusama a été retrouvé de la meilleure façon possible par le public féminin – à la fois pour son propos de réappropriation du corps, pour son féminisme qui n’hésite pas à dévorer les ravages du patriarcat, et même pour ses sous-textes lesbiens très singuliers dans une production populaire datant de 2009.



Construit intégralement sur son duo Amanda Seyfried/Megan Fox (la première joue la Final Girl, la seconde le boogeyman  » with a twist « ), Jennifer’s Body est une éclatante série B complètement désinhibée et redoublant d’inventivité à la fois dans son écriture et dans ses propositions visuelles – en témoigne certaines séquences, notamment le face-à-face final en lévitation. Tout en l’emballant dans une colorisation extrêmement pop et la photographie de M. David Mullen qui joue les contradictions, pulsé par une BO démentiellement dans l’air du temps qui sent les années 2000 à plein nez, Kusama et Cody réussissent l’exploit de proposer un grand divertissement pulp et démoniaque, dans lequel Megan Fox prend un malin plaisir à se réapproprier l’image de son corps (à l’instar de l’intrigue de son personnage).

A la fois curieusement sanguinolent, bourré de punchlines hilarantes, électrisé par la fougue féministe de son époque, Jennifer’s Body se pose en héritier post-moderne et presque méta des classiques qui l’inspirent (Carrie au Bal du Diable et Les Griffes de la Nuit en tête de file). Avec les années, le film a eu la chance de passer de plaisir coupable à classique camp, jouant sur différents tableaux en exhibant sa soif de sang et de justice. Sorti d’entre les morts, d’une époque où être kitsch volontairement n’était pas à la mode et donc naturellement incompris, Jennifer’s Body est un classique populaire gothique aussi plaisant qu’il est pourtant prévisible, un twist vampirique post-Twilight (et tout ce qu’il implique de satire méta), une bombe oubliée devenue étendard de la génération actuelle enfer et contre tous.

Titre Original: JENNIFER’S BODY

Réalisé par: Karyn Kusama

Casting: Megan Fox, Amanda Seyfried, Johnny Simmons…

Genre: Comédie, Fantastique, Epouvante-Horreur

Sortie le: 21 Octobre 2009

Distribué par: Twentieth Century Fox France

EXCELLENT

 

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