MAD FATE (Critique)

Par William François le juillet 15, 2024 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : Par une nuit d’orage, un maître de feng shui tente de sauver une prostituée d’une mort certaine, mais le destin en a décidé autrement. Arrivé à son domicile, il découvre le corps de la jeune femme, victime d’un abject serial killer. Un livreur déboule à son tour sur la scène de crime, hypnotisé et fasciné par ce qu’il voit. Le maître de feng shui prédit au garçon un avenir sombre et meurtrier. Mais cette fois, il jure de tout faire pour changer le cours des choses. Sauf que l’inspecteur chargé de l’enquête est convaincu que le livreur est un psychopathe-né dont la soif de sang ne peut être arrêtée…

Le cinéma de Soi Cheang reprend des couleurs après le succès de Limbo (et de sa quête d’un tueur en série en noir et blanc). Mad Fate, toujours sous l’augure d’un serial killer, plonge le metteur en scène hongkongais dans un récit aux frontières du fantastique, questionnant le destin dans un chassé-croisé un brin névrosé. Le film suit un maître (Gordon Lam) qui tente de faire vriller le karma de certains de ses clients pour leur éviter des destins funestes. Un jour, alors qu’il tente de sauver une prostituée lors d’un rituel dans un cimetière sous l’orage, l’univers en décidera autrement lorsque sa cliente sera assassinée chez elle par un tueur qui sévit depuis quelques semaines dans le quartier. Un jeune livreur (Lokman Yeung), arrivant sur les lieux du crime par erreur et par hasard, se découvre alors une fascination morbide pour le sang. Le maître décide de venir en aide à ce livreur en tentant l’impossible pour retourner son karma et ainsi l’empêcher de passer à l’acte. Pendant ce temps, un policier (Berg Ng) est lancé aux trousses du meurtrier (Charm Man Chan) …

Mad Fate résonne sur l’écran par un récit entremêlé. Les quatre personnages qui se meuvent au centre de l’intrigue, au gré de cette traque de tueur en série ultra-violent qui s’en prend à des prostituées, sont ici les instruments de ce que le Maître appelle « le destin ». C’est de ça dont il est question dans le film, la mise en scène nerveuse et hyperactive de Soi Cheang permettant de raconter le rapport à la mort de chaque protagoniste pour pouvoir mieux esquisser leurs portraits. Cela passe notamment par un humour omniprésent qui tranche sauvagement avec les excès de brutalité et les images morbides montrées à l’écran, mais aussi par une confusion générale qui habille le dernier acte du long-métrage.

Le scénario de Melvin Li et Nai-Hoi Yau navigue alors entre toutes ses sous-intrigues, commençant comme une traque de tueur en série méthodique à la Se7en, pour en seconde moitié muter en une course contre la montre entre un maître de Feng Shui et un destin divin qui promet à ce livreur obsédé par le sang de finir arrêté pour meurtre dans son futur. En tentant de contrer le fatum, ce Maître s’engage dans une aventure personnelle et spirituelle, laquelle raconte énormément de choses et exploite probablement bien trop d’idées pour se tenir tout du long. On a presque l’impression de voir, dans ce Mad Fate, 3 films qui co-existent dans un chaos général aussi jouissif et divertissant qu’il est confus, bancal et imprécis.

Soi Cheang fabrique, après le succès de son noir et abyssal Limbo, une fresque violente à l’intérieur des pulsions de mort, et traversé par la lumière des sursauts de vie, qui plante toutes les bases idéales pour s’embourber dans un trop plein dont on a un peu de mal à déterminer les tenants et aboutissants. Mad Fate, s’il reste tout à fait honorable et particulièrement bien filmé (la photographie de Siu-keung Cheng redouble de propositions esthétiques très intéressantes, mutant au cours du film pour accompagner la quête de ses personnages), s’empêche parfois de fonctionner, notamment dans son final, en condensant toutes ses envies et ses pulsions en 1h50 trop tassée qui laisse un sentiment un peu lacunaire en fin de parcours. On pourrait en attendre plus de Soi Cheang, dont le talent n’est plus à prouver, qu’un film bourré de bonnes idées mal fagotées.