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SYNOPSIS : A Dublin, un réparateur d’aspirateurs également musicien de rue rencontre une jeune Tchèque vendeuse de fleurs, elle-même pianiste à ses heures. Tous deux sont lestés de situations familiales ou sentimentales complexes, mais l’amour de la musique va les rapprocher.
« On peut vivre sans musique, mais moins bien« , disait Vladimir Jankélévitch. Les deux protagonistes du film Once adoptent complètement cet adage. L’homme (dont le nom ne sera jamais donné) a placé la musique pop-rock au cœur de sa vie. Il se poste tous les jours dans un coin de rue dans le centre de Dublin, sort sa guitare et joue des standards pour quelques euros, en attendant que ses propres compositions trouvent leur public. Cela ne nourrit pas son homme, aussi aide-t-il au magasin de réparation d’aspirateurs tenu par son père. On ne connaît pas précisément son âge, mais il n’est plus si jeune. Il se trouve à ce moment charnière où, s’il veut un jour percer dans la musique, c’est maintenant ou jamais. Plus question de mettre des préalables, des « quand ceci » ou des « une fois que cela » (« once » en anglais), il doit tenter sa chance. Mais la rupture amoureuse dont il sort à peine, si elle lui fait écrire de très belles chansons mélancoliques, n’a pas fini de le faire souffrir. Puis arrive une jolie jeune fille dont on ne connaîtra pas plus le nom. Elle est tchèque et a immigré en Irlande en laissant derrière elle une relation dont elle ne peut se défaire facilement. Elle aussi a dû abandonner son rêve de devenir musicienne, mais profite des heures de fermeture d’un magasin de musique pour faire ses gammes au piano avec la complicité du propriétaire des lieux. Et elle a justement un aspirateur en panne, qu’elle va traîner dans les rues de Dublin comme un chien en laisse (dans une scène génialement burlesque) pour l’amener au musicien-réparateur.

En quelques plans bien troussés, gentiment décalés et drôles, la situation est posée. Pourrait s’ensuivre une comédie romantique classique, avec sa cohorte d’obstacles qui vont se mettre en travers de nos deux jouvenceaux jusqu’à ce que leur amour triomphe dans un happy end salvateur. Mais le réalisateur irlandais John Carney explore une toute autre voie : l’intrigue, très simple, va éviter les grandes envolées, et rien ne dit que les deux personnages finiront ensemble, la jeune femme commençant par repousser les tentatives de rapprochement de son prétendant. Plus que sur les péripéties, c’est sur la musique que repose la vibration du film. Si vous êtes allergique à la folk un peu sirupeuse et plaintive tendance James Blunt ou Ed Sheeran, vous risquez de passer un moment difficile tant les chansons sont au cœur de Once. Mais si ce sont des références qui ne vous font pas fuir, alors vous devriez être emporté par des morceaux tous très soignés et bien interprétés. Le titre phare, Falling Slowly, composé et chanté par les deux acteurs principaux (Glen Hansard et Markéta Irglová) a d’ailleurs obtenu l’Oscar de la meilleure chanson originale, et c’est bien mérité.

Une fois passé la rencontre inaugurale, la musique devient la langue commune entre les deux amis, le terrain sur lequel une connexion s’opère (au fil des bœufs à deux voix, des séances d’enregistrement, etc.) et le révélateur des états d’âme des personnages. Les paroles des chansons jouées live par Glen Hansard, si elles ne collent pas littéralement à ses sentiments comme pourrait le faire une « vraie » comédie musicale, font tout de même écho à ce qu’il vit, que ce soit la douleur encore vivace de son histoire avec son ex (ce qui donne une formidable improvisation à l’arrière d’un bus à impériale) ou la force de son amour naissant pour la jeune Tchèque. La musique acquiert ici un rôle libérateur, elle dit les sentiments que, pour plusieurs raisons qui se dévoileront au fil de l’histoire, les deux protagonistes ne peuvent exprimer. Et, ce faisant, elle touche profondément le cœur du spectateur. L’émotion qui naît de cette histoire d’amour-amitié impossible est rehaussée par l’intensité des deux interprètes. Glen Hansard et Markéta Irglová ne sont pas des acteurs mais des musiciens de profession, et malgré cela, leur expressivité dans l’interprétation des morceaux tout comme leur jeu très précis dans les scènes dialoguées portent littéralement le film. La caméra de John Carney parvient admirablement à capter leurs regards de complicité, leurs sourires, leurs doutes, ce qui crée un attachement très fort à ces personnages et à leur histoire. Il en va de même pour les rôles secondaires, tous incarnés avec énormément de justesse – que ce soit le père du héros, vieil homme taiseux mais qui saura soutenir son fils au moment opportun, ou l’ingénieur du son d’abord goguenard puis franchement impressionné par la qualité des morceaux lors d’une glorieuse séance d’enregistrement en studio.

Une guitare, un piano, deux voix qui se cherchent… Si le scénario de Once est très minimaliste, il en va de même de la forme, le cinéaste adaptant sa mise en scène à l’économie d’un film qui n’a été tourné qu’avec 180 000 € de budget. Les scènes de rue ont été prises sur le vif et sans autorisation, d’où le recours à de longues focales pour que la caméra n’attire pas trop l’œil des badauds filmés à leur insu. Ce style « caméra cachée », bien loin de la » romcom » traditionnelle, est particulièrement marquant dans la scène d’ouverture, hilarante, qui voit un marginal partir en courant avec l’étui à guitare du musicien pour lui voler sa recette. Les intérieurs, situés dans de vrais appartements dont celui de Glen Hansard lui-même, exhalent cette même authenticité. Le grain vidéo un peu crade ajoute encore au réalisme et, partant, à la proximité que l’on peut ressentir vis-à-vis des personnages. Seule entorse à ce côté débrouille : un dernier plan à la grue dont le souffle lyrique et tragique continuera de nous chambouler bien après le générique de fin. Bref, Once est un petit bijou, un miracle de film musical réalisé avec des bouts de ficelle qui, malgré (ou peut-être grâce à) ce manque de moyens, parvient à nous toucher au cœur. On quitte les personnages avec nostalgie, comme on laisse partir des amis, mais avec l’espoir sincère que la suite des événements rendra justice aux choix difficiles qu’ils auront dû faire.

Titre original: ONCE
Réalisé par: John Carneyi
Casting: Glen Hansard, Markéta Irglová, Hugh Walsh…
Genre: Drame, Comédie musicale
Sortie le: 14 Novembre 2007
Distribué par : SND
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Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2000








































































































































