Critiques Cinéma

DEAD OR ALIVE (Critique)

SYNOPSIS : Le policier Jojima livre une guerre sans merci au truand Ryuichi, qui essaie de prendre le contrôle de la pègre japonaise dans un quartier de Shinjuku.

Dire que Takashi Miike est un réalisateur prolifique relève du doux euphémisme. En 1999, le metteur en scène japonais, fort du succès de son Audition (avec lequel il traversera les frontières du pays), aura signé pas moins de 6 films – longs-métrages pour le cinéma, téléfilms et direct to VOD à la fois. Parmi sa folle carrière, laquelle aura assis Miike comme un cinéaste profondément barré aux excès cradingues et antimoraux à tour de rôle sensationnels et sensationnalistes, il y a ce curieux objet triptyque. Une trilogie anormale aux contours profondément déroutants, laquelle fera date dans l’imagerie du chaos au sein du cinéma nippon moderne. Avec le premier opus de Dead or Alive – à l’époque pas fabriqué pour être la première pierre de la trilogie, la fin du film le prouve à elle-seule – Takashi Miike teste les limites de son public dans un miroir déformé du cinéma de gangster. Comme un rip-off de Heat suintant d’hémoglobine et autres fluides corporels peu ragoûtants, dans lequel se font face sans pitié Riki Takeuchi et Show Aikawa.

 



Dead or Alive raconte, façon épopée hyperactive, les pérégrinations gangsteriennes de plusieurs organisations mafieuses qui cherchent à se faire la peau. Au centre du tableau, Ryūichi organise un casse avec son gang, alors que le Détective Jojima est chargé par le puissant Aoki de mettre la main sur les coupables du vol. Un jeu du chat et de la souris se met en place, et entraîne Tokyo dans une valse sanguinolente… L’on connaît l’attrait de Takashi Miike pour les propositions barjots et souvent très ambigües moralement et visuellement (Visitor Q ou encore Ichi the Killer en témoignent), ce premier épisode de Dead or Alive se fait continuité d’un cinéma à tendance « psychotropes et déflagrations », voguant gaiment dans un océan de bizarreries amorales et d’anomalies filmiques pour tracer les trajectoires de ses deux protagonistes aux contours cruellement flous. Les deux faces de cette pièce émoussée – Jojima/Shō Aikawa d’un côté en flic modèle et père de famille (mais corrompu jusqu’à la moelle et n’hésitant pas à tuer pour son avantage) puis Ryūichi/Riki Takeuchi en gangster froid et clinique (mais qui tente de protéger son petit frère et se prend d’affection pour une strip-teaseuse) – fabriquent alors les bases d’une trilogie étrangement agencée, reprenant les mêmes deux visages à chaque opus pour les recontextualiser sans lien apparent (du moins jusqu’à l’approche du troisième opus).



Dead or Alive s’agite alors comme un objet démesurément chaotique, et donc foncièrement inégal. En s’ouvrant par l’une des introductions les plus expéditives, cools et trépidantes du cinéma de gangster, le film faiblit forcément un peu lorsqu’il se raccroche à ses personnages – livrant une proposition très divertissante mais évidemment pesée par son accroche sérieusement méchante qui pourrait bien être l’une des ouvertures les plus radicales des 30 dernières années de cinéma international. Le rythme de Dead or Alive tend alors à s’allonger dans son ensemble, son inégalité structurelle faisant du film une œuvre démesurément maladroite et génialement maladive, jusqu’à ce climax déluré qui brise les conventions posées par sa propre intrigue en s’inventant délire fantastique sans explications rationnelles ni justifications narratives. A travers sa galerie extrêmement cool de gangsters charismatiques et de flics corrompus qui s’affrontent à coup de gunfights brillamment too much, Takashi Miike compose un certain sens du chaos cinématographique, brisant les règles et les limites morales pour se poser en proposition hors du cadre, un délire underground foutrement divertissant par sa bêtise surannée qui se mute en intelligence formelle trépidante au fil de son absurde déroulé.



Sous l’égide d’un casting en complète roue libre qui se plaît à se faire sauter la cervelle ou à réciter les dialogues les plus crades possibles dans une valse tarée, ce premier Dead or Alive navigue en hors-pistes dans les ruines d’un cinéma trop sage, passant au papier-ponce les contours du film de gangster pour le faire sauter à la dynamite dans un geste artistique volontairement anarchiste logiquement beaucoup plus massif et chaotique qu’il ne voudrait prétendre l’être. Dead or Alive est une explosion frontalement imparfaite, un rêve fiévreux qui ne se réfléchit pas et qui se vit de l’intérieur de ce gigantesque bordel fabriqué d’une main de maître. Chaos et Miike ne font qu’un, cette trilogie tout entière en est la preuve à elle-seule – avec une entrée en matière sacrément déroutante, aussi impressionnante qu’elle est fascinante de vacuité.

Titre Original: DEAD OR ALIVE HANZAISHA

Réalisé par: Takashi Miike

Casting: Riki Takeuchi, Sho Aikawa, Renji Ishibashi…

Genre: Policier, Drame, Thriller

Sortie le: 14 janvier 2004

Reprise le : 10 juillet 2024

Distribué par: Splendor Films

TRÈS BIEN

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