Critiques Cinéma

OH, CANADA (Critique)

SYNOPSIS : Un célèbre documentariste canadien, condamné par la maladie, accorde une ultime interview à l’un de ses anciens élèves, pour dire enfin toute la vérité sur ce qu’a été sa vie. Une confession filmée sous les yeux de sa dernière épouse…

C’est la deuxième fois que Paul Schrader adapte un livre de Russel Banks, décédé en 2023. D’autres retrouvailles car plus de 40 ans après American Gigolo (1980), le réalisateur retrouve Richard Gere, avec quasiment dans le pitch en tout cas une antithèse à leur première collaboration, vu qu’il s’agit ici de savoir quelle trace on va laisser après sa mort, et si l’imminence de cette dernière n’est pas la meilleure des occasions pour balancer quelques bombes !! On est donc loin du glamour jeune premier qui affolait toute une génération !! Une promesse alléchante sur le papier, qui n’est pourtant pas pleinement tenue dans la mesure où le défaut principal de Oh, Canada vient étouffer ce qui semblait pourtant pouvoir être un grand film d’émotion. En effet, le film entretient savamment sa propre confusion, entre les époques, les personnages et perd ainsi par des moments quand même assez récurrents le spectateur. Le propos est pourtant d’ampleur, sur le moment ultime pour la rédemption, que l’on devine terrible à l’insistance que met Léonard à la présence de sa femme Emma pour cette dernière confession.

Mais la structure du film avec une articulation complexe semble faire perde de vue le message initial, pourtant passionnant. Car c’est en effet le besoin de se libérer d’un poids qui ronge Léonard qui va par-là prendre le risque de bruler sa propre effigie, sauf qu’il ne sera plus là pour en contempler les braises. Un soulagement de la conscience que d’aucuns pourrait qualifier d’une forme de lâcheté, même si Oh Canada déplie le mécanisme de ce besoin comme vital avant la mort de larguer le napalm. Ce qui donne d’ailleurs le premier et seul rire du film car il coupe la première question de l’interview et entame tout de suite ce que lui est venu dire !! Mais c’est justement là que le bât blesse, car son récit est perturbé par sa propre maladie et au-delà d’une révélation fracassante, ce qui certes aurait été sans doute un peu trop facile, c’est toute sa vie à travers des choix parfois peu audacieux voire carrément lâches qu’il retrace ainsi. Nous n’en dirons évidemment pas d’avantage. Mais l’on voit bien que la question posée nous invite à la reconsidération tant qu’il est encore temps, ce qui est particulièrement captivant. Mais une fois de plus entravé par un manque d’émotions due à une narration définitivement trop labyrinthique. Dommage et surtout frustrant.

La mise en scène n’est pas toujours non plus très heureuse, en lien avec ce qui est susnommé et martelé mais aussi à cause de cette voix sous forme de narration qui vient alourdir notre propre compréhension des images que nous avons sous les yeux. Car en effet si le fringuant bipède Jacob Elordi joue les Léonard jeune, jouant sur l’effet de transmission de Richard à Jacob, c’est parfois la figure de Richard Gere qui se substitue à celle d’Elordi. Alors oui, c’est aussi un décryptage de la confusion, mais un peu jusqu’au-boutiste semble-t-il. Il n’empêche que si l’émotion n’est pas suffisamment irradiante, elle a le mérite d’être latente, et rien que d’utiliser le corps de Richard Gere presque 45 ans après vient suffisamment nous interroger sur nos propres urgences à juste vivre nos vies.

Le camarade Richard donc. C’est évidemment une curiosité, une attraction et clairement ça fonctionne. Le personnage de Léonard Fife demeure en nous et l’acteur lui apporte sa colère, sa rage, sa détermination à faire jaillir sa vérité. Une interprétation émouvante, qui nous ancre. Jacob Elordi est un beau gosse bien fringuant comme il le faut, mais pas uniquement. Cette interprétation est complexe pour notamment les raisons d’espace-temps avec lequel s’amuse Schrader, et il relève le défi en posant des jalons de complexité qui donnent beaucoup d’envie pour lui pour la suite. Uma Thurman nous transmet l’urgence de son inquiétude quand son artiste de mari commence à ouvrir tous les placards et à en sortir progressivement les ossements. Elle est touchante dans sa gravité et dans l’amour porté à son homme qui s’en va. Oh Canada nous laisse sur notre faim, mais a le mérite d’ouvrir des portes qui ne peuvent pas laisser indifférentes, c’est aussi toute la complexité de nos tourments et si le cinéma nous aide à répondre à nos existentielles questions, alors c’est déjà énorme !


Titre Original: OH, CANADA

Réalisé par: Paul Schrader

Casting:  Richard Gere, Jacob Elordi, Uma Thurman

Genre: Comédie, Drame,

Sortie le: Prochainement

Distribué par: ARP Sélection

BIEN

Laisser un commentaire