Critiques Cinéma

ROQYA (Critique)

SYNOPSIS : Nour vit de contrebande d’animaux exotiques pour des guérisseurs. Lorsqu’une consultation dérape, elle est accusée de sorcellerie. Pourchassée par les habitants du quartier et séparée de son fils, elle se lance alors dans une course effrénée pour le sauver. La traque commence…

Comme le laissait présager la promotion du film, Saïd Belktibia propose avec Roqya, un film intense bourré d’imagination. Le film s’ancre décidément dans une sorte de tendance actuelle à mettre en scène de façon qualitative des personnages situés dans des univers sociaux assez précaires (Vermines ou encore Salem) à qui il arrive des choses extraordinaires. A contrario ici, même si les péripéties sont amenées de façon soutenue et que le personnage principal est traité de sorcière, le film n’a pas de dimension fantastique. Il jongle avec les croyances pour mieux s’amuser du terrain de jeu fertile qui s’offre à lui et y confronter ses personnages. Le film débute d’ailleurs sur une scène d’ouverture assez hallucinante, tant en termes de mise en scène que de musique, posant d’emblée une ambiance particulière et une forme de spectaculaire y compris dans des moments simples sur le papier. On a compris où nous étions et ce n’est certainement pas chez n’importe qui.



Nour (Golshifteh Farahani) est une femme débrouillarde et ambitieuse, du moins à sa façon. Elle se procure illégalement des animaux exotiques pour des guérisseurs et compte bien lancer son application de mise en relation entre guérisseurs et clients (une des nombreuses excellentes idées du film). Toujours épaulée par son jeune fils elle vit comme elle peut de l’argent qu’elle arrive à glaner au cours de ses trafics tout en jonglant avec la relation conflictuelle et tumultueuse qu’elle entretient avec son ex-mari. Précisons d’ailleurs, et le film a le loisir de capitaliser dessus pour sa promotion (ce qui est génial pour lui), que cet ex est interprété par Jeremy Ferrari qui débute ici sa carrière au cinéma. On peut dire que pour son premier film il a eu du flair et qu’il met un pied dans l’étrier avec panache. Lorsqu’une consultation de Nour se termine en drame absolu, elle est accusée de sorcellerie par les habitants du quartier. Traquée par ces derniers elle se retrouve séparée de son fils et se lance alors à sa recherche. Et une chose est sûre c’est qu’il ne fallait pas la mettre en colère. Dylan (Jeremy Ferrari) qui méprise Nour, surtout parce qu’il n’a semble-t-il pas digéré leur séparation, est un individu hautement toxique. On comprend qu’il ne souhaite pas le bien de Nour et n’aura aucune vergogne à la sacrifier, quant à ce qu’il ressent pour son fils c’est plus ambivalent.




C’est d’ailleurs ce qui est très ironique dans le film. Dylan reproche à Nour de faire tremper leur enfant dans des charlataneries alors que lui-même, sous couvert de croyances « acceptables » se retrouve à mettre leurs fils en danger à travers des pratiques lunaires et dangereuses. La traque de Nour prend plusieurs formes. La première en tant que proie puisque Roqya, après le drame survenu dans le quartier et une Nour « limogée » socialement publiquement, transforme le récit en cavale où chaque individu des environs représente un danger palpable. Cette fuite prendra ainsi fin après la mauvaise rencontre de trop et l’enlèvement de l’enfant. S’enclenche alors la seconde partie, la traque avec une Nour chasseuse. C’est une partie encore plus intéressante car Nour, traitée de sorcière, va s’amuser avec les croyances des uns et des autres pour arriver à ses fins et se venger de ceux qui ont détruit sa vie. Nour n’est bien sûr pas une oie blanche puisqu’elle-même jouait avec la vie des gens, notamment en lançant son application de mise en relation. Son fils était en quelque sorte sa caution morale, lui qui lui faisait remarquer que les gens qui les consultaient avaient de vrais problèmes et qu’il ne fallait pas jouer avec eux. Gageons que toutes ces mésaventures auront permis à Nour de se racheter une conscience et une moralité. On ne peut dans tous les cas pas s’empêcher de comprendre Nour, les raisons qui l’animent et de nous rallier à l’envie qu’elle retrouve son enfant par tous les moyens. Le récit, très rythmé, ne faiblit dès lors jamais.



Avec sa mise en scène sauvage, tendue mais sophistiquée, une excellente bande son (décidément en ce moment on est aussi gâtés à ce niveau, surtout dans les films français de genre), un casting exemplaire (on félicitera Jeremy Ferrari et Amine Zariouhi pour leur premier rôle au cinéma mais également Golshifteh Farahani qui est impressionnante) et un récit aux idées superbement malines, Roqya s’impose déjà comme l’une des surprises de l’année. Nous suivrons la carrière de Saïd Belktibia avec la plus grande attention.

Titre original: ROQYA

Réalisé par: Saïd Belktibia

Casting: Golshifteh Farahani, Amine Zariouhi, Jeremy Ferrari…

Genre: Action, Thriller

Sortie le: 15 Mai 2024

Distribué par : The Jokers / Les Bookmakers

EXCELLENT

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