Critiques Cinéma

OCCUPIED CITY (Critique)

SYNOPSIS : Dans Occupied City, une caméra inquisitrice arpente les rues animées d’Amsterdam en 2020, alors que la ville se remet à peine de la pandémie. Dans le même temps, le film convoque les habitants et les souvenirs du passé, disséminés sur la carte de la ville et tissés dans la trame même de ses rues et de ses bâtiments.

Tourné au début de la pandémie, alors qu’Amsterdam se tournait vers les masques et la quarantaine pour endiguer la vague du virus (comme de nombreuses villes du monde), le réalisateur Steve McQueen a filmé les anciens sites de l’occupation nazie et les vestiges de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est la femme du réalisateur qui est à l’origine de ce projet, la cinéaste et auteure Bianca Stigter. En effet, Occupied city est l’adaptation de son livre Atlas of an Occupied City (Amsterdam 1940-1945) qu’elle décrit dans une interview comme « une sorte de guide de voyage sur le passé d’Amsterdam« . Elle a écrit et participé à produire le film et elle a également réalisé Three Minutes : A Lengthening (2022), un documentaire sur un segment d’un film amateur tourné en 1938 par un touriste américain sur une ville juive polonaise avant l’invasion de l’Allemagne.

L’approche de Steve McQueen en termes de longueur et de contenu est différente des autres films vus cette année liés à l’Holocauste comme La zone d’intérêt. Là où Jonathan Glazer jouait sur une conception sonore troublante et sans aucun visuel, il faisait le choix de reconnaître la présence d’horreurs indescriptibles tout en les laissant délibérément hors champ. Dans Occupied City nos oreilles entendent parler des atrocités commises par les nazis tandis que nos yeux voient des gens faire du shopping, faire du patin à glace etc… C’est différent mais tout aussi troublant.


Raconté par la narratrice Mélanie Hyams (dans la version originale), le film est divisé en deux parties, ou plutôt long métrage vu la durée du film (266 minutes). La première moitié compare les difficultés de la pandémie aux difficultés de l’occupation, tandis que la deuxième rappelle les nombreuses formes de résistance menées pendant la guerre. Le tout raconté au travers d’histoires tirées de journaux rédigés et de livres écrits par des survivants qui y vivaient sous l’occupation nazie. Le film aborde des histoires qui ne sont pas nécessairement classées par ordre chronologique, on passe d’une adresse à l’autre et la narration saute de 1940 à 1944 puis inversement. McQueen opte pour une juxtaposition entre la façon dont les habitants passés et présents ont réagi à leurs horribles circonstances respectives. Il veut que nous établissions des parallèles entre les deux périodes. Au total, le film examine un nombre impressionnant d’adresses, le tout sans recourir à des images d’archives. Le réalisateur s’aventure, notamment, dans les espaces publics, les écoles, les hôpitaux et les gares qui formaient le réseau de l’extermination de masse. Des visites d’anciennes maisons, autrefois propriété de la résistance, aujourd’hui possédées par de nouveaux habitants. Des salles de concert et de musées qui nous rappellent la censure de l’art par les nazis. Le film passe à un endroit, puis un autre et encore à un autre. Et c’est ainsi que se déroule cette chronique intense et captivante à l’échelle épique. Tout en explorant le passé de la ville exclusivement à travers des images de la vie quotidienne d’Amsterdam aujourd’hui, il y implique également des clins d’œil animaliers. Alors qu’on entend parler d’officiers allemands qui disparaissent après avoir incendié des casernes, on voit un canard disparaître dans l’eau. On apprend que 50 personnes sont désespérément entrées par effraction dans une boulangerie pour voler des centaines de pains, tandis qu’à l’écran on voit des pigeons qui picorent sans réfléchir un morceau de pain. Toutes ces prouesses techniques et visuelles sont aidées par le directeur de la photographie Lennert Hillege qui dérive au-dessus des rues de la ville tandis que la partition mélancolique du compositeur Oliver Coates nous offre une bande-son incarnant un vide étrange. Ces images parcourent la ville dans un ordre aléatoire, la narration saute dans le temps et les sites évoqués ne correspondent pas toujours aux endroits que nous voyons à l’écran. C’est à nous de faire la corrélation. Tout au long du film Steve McQueen nous rappelle que la ville est occupée à la fois par les vivants et par les morts, c’est un point évident qui prend une résonance profonde à mesure que le film se déroule. Pour son dernier film en date, il arrive à associer l’histoire d’une ville actuelle retracent la lutte à la résistance, la mort et la survie des Juifs pendant la seconde guerre mondiale. Ce film développe une force considérable, un flux incessant de tragédies, atteignant une puissance qui reflète comme le sentiment de terreur qui a dû planer sur la ville. Un véritable film / documentaire abstrait, poignant et tentaculaire.

 

Titre original: OCCUPIED CITY

Réalisé par:  Steve McQueen (III)

Casting: –

Genre: Documentaire

Sortie le: 24 Avril 2024

Distribué par : MK2.alt

EXCELLENT

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