Critiques Cinéma

SKY DOME 2123 (Critique)

SYNOPSIS : 2123. Dans un futur où la sécheresse a ravagé la Terre, l’humanité est contrainte de sacrifier une partie de la population : toute personne de plus de 50 ans sera transformée en arbre. La société est régie par des règles impitoyables. Le jour où Stefan voit sa femme condamnée prématurément par le système, il décide de prendre les plus grands risques pour changer son destin.

Sky Dome 2123, premier film d’animation de Sarolta Szabó et Tibor Bánóczki, était l’une de nos attentes majeures de cette année. Couronné du Méliès d’Argent en septembre dernier lors du Festival européen du film fantastique de Strasbourg, il a aussi été présenté dans divers autres festivals avant d’arriver enfin jusqu’en salles ce mercredi. Cette coproduction hongro-slovaque aura pris sept longues années de travail. L’une de ses particularités est d’utiliser la rotoscopie ; cette technique qui consiste à redessiner image par image par-dessus des acteurs (et donc des prises de vue en direct) lui confère un rendu à cheval entre les prises de vues réelles et l’animation. Visuellement très beau le film a un autre atout : celui de mettre en scène une dystopie qui il y a quelques années aurait semblé être un pur récit de science-fiction très…fictionnel (on imagine bien que sept ans plus tôt lors lorsque le projet a germé, les créateurs n’imaginaient pas que leur œuvre se rapprocherait à ce point de ce que l’on connaît à présent) tandis qu’aujourd’hui l’histoire ne paraît pas si éloignée de ce qui pourrait nous attendre prochainement. Il faut dire qu’avec un contexte mondial criblé, avec plus ou moins de ferveur suivant les années, d’évènements tels que les pandémies ou les guerres sur fond de réchauffement climatique et de scandales sanitaires on n’a plus aucun mal à imaginer le mur vers lequel on se dirige avec véhémence. La situation décrite dans Sky Dome 2123 pourrait donc tout à fait être le résultat de ce postulat dans un futur à moyen terme. Alors regardons un peu ce qui nous attend.

L’histoire de Sky Dome 2123 semble de prime abord assez rudimentaire, au même titre que son univers, même si énormément de recherches ont été effectuées pour créer ce dernier et qu’en réalité chaque détail est le fruit d’une minutie extrême. L’histoire prend place dans un paysage futuriste où l’humanité a pris du plomb dans l’aile. Condamnée à vivre à l’intérieur d’un dôme pour échapper à un extérieur hostile où plus rien ne vit (ni même les animaux, qui ont disparu), chaque être humain doit, une fois dépassé ses cinquante ans, faire don de son corps au système en place. Une graine y est alors implantée et s’étend jusqu’à ce que le receveur se transforme en arbre et contribue à nourrir la population qui a moins de cinquante ans. Alors que sa femme Nóra qui a perdu le goût de vivre pour des raisons que le spectateur découvrira bien assez tôt vient de se faire implanter volontairement une graine, son mari Stefan décide de l’emmener à travers les territoires dépeuplés et potentiellement hostiles jusqu’à la personne salvatrice qui pourra l’opérer avant qu’elle ne mute définitivement. L’originalité du film, au-delà du parti pris de son animation, commence donc ici en mettant en scène une forme d’avenir transhumain où les individus changent pour faire perdurer leur espèce en voie d’extinction. Une forme de cannibalisme détourné. Un pitch qui promet de belles choses mais qui peine pourtant à décoller (même s’il tient fondamentalement la route). D’une durée d’environ 1h45 le film ressemble à une longue exposition qui mène jusqu’à un final qui laisse, au même titre que l’aventure de ses personnages, un peu de marbre. Difficile de dire exactement d’où vient ce sentiment, il s’agit sûrement d’une accumulation de facteurs un peu camouflés derrière une animation qui réussit quant à elle à convaincre autant qu’à charmer. Peut-être est-ce aussi elle qui participe néanmoins à donner une impression de rigidité globale. Le premier défaut de Sky Dome 2123 vient alors probablement de son incapacité à rendre la mythologie qu’il a inventé pour l’occasion saisissante ou captivante. Là où il aurait pu saisir émotionnellement le spectateur il reste très didactique, tentant on le comprend bien d’insuffler ici et là un minimum de poésie sans réussir pourtant à insuffler les ingrédients nécessaires afin qu’elle prenne vie.


Dans le prolongement de ce ressenti d’ensemble un peu statique, il faut alors bien avouer que nous n’avons rien ressenti devant le film. C’est d’autant plus étonnant que Sky Dome 2123 se donne pourtant la peine d’entrer à minima dans la psychologie de ses personnages afin d’explorer le drame personnel qui a pu les mener là. Et pourtant difficile de s’identifier à eux et à leurs émotions, comme si une barrière permanente restait activée entre eux et nous. Un curieux sentiment qui empêche de rentrer pleinement dans le film. Ce dernier amène donc des idées qu’il ne semble au final pas capable de porter : les humains se transforment en arbres après avoir été implantés, les arbres lorsqu’ils bourgeonnent finissent par devenir toxiques et représentent alors un danger pour les humains qu’ils sont supposés sauver. Bien sûr vous l’aurez compris le film cristallise toutes les craintes qui ne cessent de croître au fil des ans avec les dérèglements climatiques et la responsabilité de l’homme dans ce massacre en règle. Mais on aurait aimé davantage que de se questionner, ressentir des choses, ou du moins faire les deux simultanément. L’absence d’émotion enlise le propos du film qui, indépendamment du fait qu’il peut exister sans, perd alors la propulsion dont il aurait eu besoin pour briller, toucher davantage et finir au creux d’un bouche-à-oreille alors galvanisé.  

Gorgé de bonnes intentions, Sky Dome 2123 n’arrive cependant pas à donner le degré de satisfaction qu’il aurait pourtant pu procurer au spectateur avec une telle ambition de départ ou même les possibilités offertes par son univers. De ses personnages à l’allure rigide sur lesquels il s’attarde pourtant de temps en temps afin d’effleurer, en vain, leur psychologie et ce qui les unit, en passant par le cheminement un peu vide qui les mènera jusqu’au bout de leur quête, aboutissement qui ne fera que donner l’impression que l’histoire manque de consistante et d’émotion, le curseur du film demeure un peu pointé sur un encéphalogramme plat qui aurait gagné à proposer davantage de soubresauts ne serait-ce que d’un point de vue émotionnel. L’émotion est aux abonnés absents et c’est peut-être justement l’absence de cette graine, de ce soupçon de vie, qui nuit au film. 

Titre Original:  MÜANYAG EGBOIT

Réalisé par: Tibor Bánóczki, Sarolta Szabó

Casting: Renátó Olasz, Zsófia Szamosi, Zsolt Nagy…

Genre: Animation, Drame, Romance, Science Fiction

Sortie le: 24 Avril 2024

Distribué par: KMBO

BIEN

Laisser un commentaire