Critiques Cinéma

LA BÊTE DANS LA JUNGLE (Critique)


SYNOPSIS : La Bête dans la jungle, librement adapté de la nouvelle de Henry James, est l’histoire d’un huis clos vertigineux : pendant 25 ans, dans une immense boîte de nuit, un homme et une femme guettent ensemble un événement mystérieux. De 1979 à 2004, l’histoire du disco à la techno, l’histoire d’un amour, l’histoire d’une obsession. La « chose » finalement se manifestera, mais sous une forme autrement plus tragique que prévu.

Le film adapte le court roman d’Henry James, La Bête dans la jungle, paru pour la première fois dans le recueil The Better Sort en 1903. Le réalisateur Patric Chiha dit lui-même avoir été hanté longtemps par ce texte. Il définit ainsi son envie : « Dans le roman, c’est limpide et en même temps quelque chose nous échappe. Je mentirais en disant que j’ai entièrement compris le roman. On fait des films justement parce que quelque chose nous frappe, nous émeut et qu’on ne saurait nommer ou expliquer ». C’est un peut tout ça La bête dans la jungle, ne pas tout saisir, mais juste être touché. C’est aussi ça l’art. La bête dans la jungle, c’est tout de suite magnétique et envoutant. C’est aussi très intriguant dans une approche expérimentale très hachée des interactions humaines, au même rythme que l’hypnotisme de la musique, permanente et lancinante dans La bête dans la jungle. On en sort comme après une nuit embrumée en boîte. Une nuit qui va durer 25 ans, c’est rock, pop, avec une génération nocturne intemporelle qui se renouvelle de décennies en décennies, souvent droguée qui exacerbe sa souffrance, celle du monde, dans des danses électros saccades et désarticulées. Métaphore de nos infinies décadences et de l’angoisse de nos incertitudes.


A l’image de l’étrangeté absolue du personnage de John, La bête dans la jungle fourmille de bizarreries et autres étrangetés. Pourtant, cet aspect foutraque déconcertant totalement décousu, comme l’est souvent l’existence, ne parvient pas vraiment à nous lasser, tant l’atmosphère radicale est comme fascinante. La mise en scène peut parfois paraître prétentieuse mais c’est le charme qui prédomine malgré tout. La bête dans la jungle est au cinéma de Kaurismaki ce que le Dafalgan est au Doliprane. Un générique, en théorie pareillement efficace mais qui n’offre jamais la satisfaction initiale. La bête dans la jungle, c’est cette cohorte d’extravagances qui nous touche à l’image de cette réflexion de John, au sommet de l’énigmatique : « L’amour, c’est aussi la fin de l’amour « .Pas complètement faux même si terriblement désespérant. John et May vont errer, se suivre et se fuir, dans une contemporaine parade amoureuse, jusqu’à l’attente ce cette « chose » qui les unit mais dont on redoute qu’elle porte les habits d’un grand désastre.


La bande son est de fait envahissante, tout y passe à travers les âges, rock, disco, pop, éléctro avec le commun de l’exacerbation des corps dans cette lutte nocturne, danser pour vivre ou même pour ne pas mourir. Le casting aurait pu être écrasé par cette mise en scène complètement folle mais le talent des interprètes contourne le piège. A ce jeu-là, la proposition de Tom Mercier dans le rôle de John est assez inoubliable. Sa sensibilité irradie l’écran et c’est bien son aliénation calme qui nous bouleverse et nous prend en permanence à contre-pied. C’est un jeu physique car peu narratif.


Anaïs Demoustier, c’est une histoire de constance dans l’envoutement qu’elle procure à chacune de ses apparitions. Toujours entourée, elle nous touche infiniment dans ce qui est pourtant cette solitude qui ne la quitte jamais. Le duo à l’écran avec Tom Mercier est d’une authenticité de chaque instant. Béatrice Dalle est parfaite dans le rôle de la physionomiste, cette mère symbolique, détentrice du secret originel qui transmet à souhait ses morbides angoisses. Un personnage flottant que le réalisateur a écrit pour elle. Au final, La bête dans la jungle, au-delà de son évident caractère d’OVNI est un parfait symbole de la révolution romantique que nous sommes nombreux, vraie majorité silencieuse, à vouloir voire écraser des lois du marché. Un film fou et fort, qui déconcerte à coup sûr et transportera les plus poètes d’entre nous.

Titre Original: LA BÊTE DANS LA JUNGLE

Réalisé par: Patric Chiha

Casting: Anaïs Demoustier, Tom Mercier, Béatrice Dalle …

Genre: Drame

Sortie le: 16 août 2023

Sortie en DVD le : 5 Décembre 2023 chez Blaq Out

Distribué par: Les Films du Losange

TRÈS BIEN

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