Critiques

MANHUNT (Critique Mini-Série) Une série intense et nerveuse…

SYNOPSIS : Les conséquences du premier assassinat d’un président américain, Abraham Lincoln et le combat de ses proches pour préserver et protéger les idéaux de ce dernier.

La nouvelle série créée par Monica Beletsky, adaptée du livre Manhunt: The 12-Day Chase for Lincoln’s Killer écrit par James L. Swanson, s’ancre dans un point névralgique de l’Histoire américaine. A la clôture de la Guerre de Sécession, après la reddition progressive des États Confédérés et des nouvelles mesures promises par Abraham Lincoln, l’acteur de théâtre John Wilkes Booth profite du passage du Président au théâtre Ford de Washington pour l’assassiner d’une balle dans la nuque avant de sauter sur la scène depuis le balcon. La mort de Lincoln provoque une suite de réactions à travers tout le pays, alimentant encore plus le conflit rémanent entre la Confédération et l’Union. Edwin Stanton, Secrétaire à la guerre, décide de mener une grande chasse à l’homme pour retrouver Booth et ses complices pour pouvoir les traduire en justice…
Manhunt raconte alors, sous les traits d’un thriller intense et politique, l’intérieur des conflits qui alimentaient les Etats-Unis sous la présidence de Lincoln. Mais là où la série commence à séduire le plus, c’est lorsqu’elle décide de traiter avec attention une galerie chorale de personnages divers qui interviennent tous d’une façon ou d’une autre à un point clé de cette chasse à l’homme.

Ces nombreux personnages, tous nourris par un arc narratif ou par une étude politique et/ou sociale, permettent à Beletsky de parler notamment de la situation des esclaves noirs qui (re)trouvent un premier espace de liberté à travers des états qui leur refusent encore. Manhunt traite à la fois de la dimension politique de l’assassinat de Lincoln, de ses conséquences au sein de son gouvernement, du racisme omniprésent cultivé par une grande partie de la population (notamment parmi les partisans de la Confédération), mais aussi des aspects beaucoup plus personnels des figures historiques qui nous sont présentées. Edwin Stanton (impeccable Tobias Menzies) est placé au centre de cette toile narrative, son amitié avec le Président Lincoln (très bon Hamish Linklater bien qu’un brin sur-maquillé) étant explorée à travers de nombreux voyages temporels par le biais de flashbacks. Sa volonté progressiste, sa soif de justice et sa fragilité médicale (il est atteint d’asthme) en font un protagoniste riche en thématiques, représentant assez justement l’état d’une Amérique en pleine transformation. Car Manhunt est le récit d’une reconstruction, un polar aiguisé qui décline tous ses personnages en s’y intéressant bien plus frontalement et profondément que ce qu’on aurait pu en attendre.

C’est notamment le cas de John Wilkes Booth (brillantissime Anthony Boyle), le tireur du théâtre Ford, qu’on suit étape par étape dans les pérégrinations de sa fuite à travers le pays. Il est présenté dans un paradoxe assez frappant, la jambe cassée et la violence dans la peau, persuadé d’être le sauveur de son pays sur le point d’être acclamé lorsqu’il arrivera à Richmond. La série présente également d’autres figures particulièrement marquantes, comme Mary Simms, excellente Lovie Simone, une jeune femme noire enlevée et maltraitée par le Dr. Samuel Mudd, qu’on suit dans son émancipation de son statut d’esclave et dans sa recherche de liberté. Elle incarne la situation des afro-américains dans les années qui précèdent les gains de leurs droits et l’inscription de leur humanité dans la Constitution américaine promise par le Président Lincoln.


En s’intéressant plus aux mécanismes politiques qui ont suivi la fin de la Guerre de Sécession qu’à la traque du titre qui sert finalement de point de départ à toutes les intrigues, Manhunt s’avère être une redoutable surprise, un portrait dense des conflits historiques des Etats-Unis, évoquant le racisme inhérent, les ruptures politiques entre les différents camps, la volonté de progrès et la reconstruction de la justice. Avec sa série intense et nerveuse, slalomant entre les interprétations complotistes et les faits indubitables avec beaucoup de sens, Monica Beletsky signe une proposition haletante et percutante qui s’infiltre dans certains points de vue trop passés sous silence pour raconter les heures radicales d’un pays sur son point de bascule.

Crédits : AppleTV+

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