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SYNOPSIS : Lillian, jeune lycéenne, fugue durant un voyage scolaire. Au fil de ses rencontres, elle découvre un monde insoupçonné. Les fractures mentales, sociales et politiques des États-Unis, filmées comme un conte de fée ou une variation d’Alice au pays des merveilles.
Premier long-métrage en solo pour Sean Price Williams (directeur de la photo sur les films d’Alex Ross Perry, de Nathan Silver ou sur le Good Time des Frères Safdie), The Sweet East a été présenté l’année précédente au sein de la Quinzaine des Réalisateurs – où l’on a également pu découvrir Riddle of Fire, le baptême du feu merveilleusement épuré de Weston Razooli, avec lequel il partage beaucoup. Sur un scénario écrit par Nick Pinkerton, se laissant aller aux incongruités du road movie tiré du Pays des Merveilles, le réalisateur américain signe avec cette ouverture un film aussi absurde et enflammé que ses Etats-Unis d’origine. The Sweet East suit la cavalcade embuée de Lillian (superbe Talia Ryder). Ennuyée par un voyage scolaire, elle décide de saisir l’occasion lorsqu’un évènement détourne l’attention de ses camarades de classe. Lors de sa fugue improvisée, sans téléphone ni argent, Lillian va faire – étape après étape – la rencontre d’une galerie inépuisable de personnages burlesques et improbables en traversant les méandres socio-politiques de l’Amérique moderne.

Capté derrière un grain à la fois délicat et étouffant, conférant à l’entièreté du film un air furieusement volatile, The Sweet East ressemble en réalité à un grand prétexte pour évoquer les codes classiques du Merveilleux et du conte de fée, le tout plongé dans l’aspect chimérique des contradictions américaines contemporaines. Son Alice, voguant au gré des opportunités entre les différents mondes qui se rentrent dedans en pensant tous avoir la solution à leurs maux, sert alors de protagoniste idéale par son apparente innocence et par son regard qui semble ne juger personne en surface. Le parcours de Lillian devient alors intéressant, et presque métaphysique, lorsqu’elle s’inspire de la vie des gens qu’elle rencontre pour se présenter à chaque nouvelle personne croisant sa route.

La curieuse et prolifique galerie de personnages qui vont baliser ce multiple monde labyrinthique fabriquent alors un ensemble copieusement burlesque, chacun saisissant un aspect différent des paradoxes inhérents au monde actuel, le film ne s’interdisant aucun tabou dans son souci de représentation par le miroir déformant de sa satire. S’il n’a aucun mal à peindre ses différentes figures progressives (du prof suprémaciste blanc aux punks militants issus de milieux aisés), le long-métrage s’arrête quasiment systématiquement à ce stade, utilisant son dispositif sarcastique et son humour noir lancinant sans véritablement se reposer sur la portée politique de son récit. Le concept fonctionne diablement bien si tant est qu’on ne demande rien de plus au film qu’une proposition cinématographie incarnée avec fougue. C’est au final ce qu’est The Sweet East, un objet gentiment nihiliste, un conte de fée curieusement désenchanté sur les pérégrinations absurdes d’une jeune adolescente qui traverse les couloirs enfumés de l’Amérique dans un geste scénique particulièrement prometteur.

Aux côtés de Talia Ryder qui porte quasiment à elle seule les folies douces de son script, Sean Price Williams convoque une troupe délicieuse de comédiens et de comédiennes de tous horizons. On y retrouve Simon Rex (le film partage d’ailleurs beaucoup avec le Red Rocket qui le mettait en scène), Ayo Edebiri, Jeremy O. Harris, Earl Cave, Jacob Elordi et Rish Shah, chacun et chacune à la merci d’un scénario à la fois désarticulé et méthodique. The Sweet East accompagne la perte de repère de la génération actuelle en racontant les grandes fractures de sa société à travers une lycéenne qui vagabonde sans peur dans l’inconnu d’un bien étrange Pays des Merveilles. Incarné par le visage de Talia Ryder et par un délicat aspect anti-conformiste qui aime également se moquer de lui-même, The Sweet East est une œuvre gentiment imparfaite, une cavalcade tantôt maladroite et tantôt hypnotisante qui marque l’envie solennelle de cinéma de son metteur en scène. Il ne lui restera plus qu’à suivre le lapin blanc…

Titre Original: THE SWEAT EAST
Réalisé par: Sean Price Williams
Casting: Talia Ryder, Simon Rex, Earl Cave…
Genre: Aventure, Drame, Fantastique
Sortie le: 13 Mars 2024
Distribué par: Potemkine Films
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































