Critiques Cinéma

LADY VENGEANCE (Critique)

SYNOPSIS : Geum-ja, une belle jeune fille, devient un personnage public lorsqu’elle est accusée de l’enlèvement et du meurtre d’un garçon de 5 ans. Ce crime atroce obsède les médias. Geum-ja passe aux aveux et est condamnée à une longue peine de prison. Elle va consacrer ses 13 ans d’enfermement à la préparation méticuleuse de sa vengeance contre son ancien professeur Mr. Baek…

Pour conclure sa trilogie de la Vengeance, le réalisateur coréen Park Chan-wook change sa démarche du tout au tout. Prenant comme instrument de la vengeance un personnage féminin, optant pour un rythme beaucoup plus lancinant et contemplatif, et faisant lentement infuser le désir d’expiation du péché par le prisme d’une mise en scène largement expérimentale, Lady Vengeance est l’objet le plus singulier et le plus insaisissable de son triptyque. Le film suit Lee Geum-ja, une jeune femme accusée à tort du kidnapping et du meurtre d’un garçon avant d’être envoyée en prison pendant 13 ans. Dans son bloc, elle rencontre différentes femmes, emprisonnées pour diverses raisons, et met au point un plan pour faire abattre sa vengeance sur le véritable coupable.

Si Lady Vengeance s’ouvre sur un sublime générique, blanc par sa pureté esthétique et teinté d’un rouge sanguin et d’un noir maudit, c’est sa première scène qui met le spectateur sur la piste de ce qu’il va se passer par la suite. Geum-ja, jeune femme au visage rond et à l’allure angélique, sort de prison et est accueillie par une troupe de chanteurs chrétiens déguisés en Pères Noël. Elle est surnommée « Geum-ja au grand cœur » malgré les faits atroces pour lesquels elle a été emprisonnée. Alors qu’on l’attend avec un bloc de tofu sur un plateau, censé représenté la pureté de ce nouveau départ, la gentille jeune femme rompt la procession en envoyant valser le plateau sous le regard ébahi de la troupe. Ce démarrage, en quelques plans, pose la couleur du film en faisant instantanément de Geum-ja, dans la tête du spectateur, une figure fantomatique qu’elle embrassera en maquillant son visage de blanc et ses yeux de rouge. L’intégralité du film tient dans cette idée : Geum-ja n’est pas morte, mais c’est tout comme. Elle n’est qu’une âme errante, mue par le désir de vengeance qui l’habite.

Park Chan-wook offre alors, avec Lady Vengeance, un film en complète rupture avec ses deux volets précédents, abandonnant l’idée de la spirale thrilleresque de Sympathy for Mister Vengeance et de l’horreur spectaculaire d’Old Boy pour laisser dominer les démons de cet opus. Le long-métrage s’adonne alors à un rythme de montage particulièrement calme, épuré à l’extrême du sensationnalisme malgré l’omniprésence de strates d’ultraviolence, pour faire poindre un microcosme entre la vie et la mort, dominé par sa Geum-ja, extraordinairement photogénique Lee Young-ae. Par le prisme de cette protagoniste, sorte de croque-mitaine abattant sa froideur au terme d’un très long slowburn, Lady Vengeance constitue la proposition la plus lunaire de son metteur en scène, un objet en constante lévitation aux frontières du surnaturel, faisant défiler ses personnages pour au final s’ancrer à une vengeance commune ponctuant le film. Sa relative froideur, que beaucoup considèrent comme son plus grand défaut, sert alors de colonne vertébrale à un film aux allures de poltergeist, habité par la mort et la violence, un long-métrage maudit tout comme son héroïne.

Par la photographie à la fois éthérée et putride de Chung Chung-hoon et la musique baroque de Jo Yeong-wook et Choi Seung-hyun (ponctuée de morceaux classiques signés Vivaldi), Park Chan-wook signe une conclusion plus qu’étrange à sa trilogie, une apparition fugace et instable qui dérange par son caractère antinomique. A la fois sublime et abominable, beau par sa plastique et ignoble par son humanité ultraviolente soumise à ses pulsions, Lady Vengeance est une œuvre insaisissable et radicale, imprimant une magnifique Lee Young-ae flottant à travers les mécanismes inflexibles de la vengeance, pour laisser in fine une légère teinte d’espoir inscrite dans le blanc pur de la neige.

Titre original: CHINJULHAN GEOMJASSHI

Réalisé par:  Park Chan-Wook

Casting: Yeong-ae Lee, Min-sik Choi, Shi-hoo Kim…

Genre: Thriller

Sortie le: 16 Novembre 2005

Reprise le : 06 mars 2024

Distribué par : Metropolitan FilmExport

EXCELLENT

 

Laisser un commentaire