Critiques Cinéma

LES DERNIERS HOMMES (Critique)

SYNOPSIS : 9 mars 1945. L’armée japonaise lance un assaut foudroyant contre les troupes françaises en Indochine. Traquée par l’ennemi, une colonne de légionnaires déjà affaiblis s’élance au cœur de la jungle pour rallier les bases alliées à plus de 300 km.

Pour écrire et mettre en scène son nouveau long-métrage après Frères Ennemis en 2018, c’est vers le roman Les Chiens Jaunes d’Alain Gandy que se dirige David Oelhoffen, produit entre-autres par Jacques Perrin – disparu en 2022. Sous les contours du film de guerre classique, Les Derniers Hommes replonge en mars 1945 autour d’une troupe française en Indochine. Une petite vingtaine d’hommes, déjà affaiblis par la maladie ou les blessures et séparés par leurs origines différentes, suivent alors le commandement de l’Adjudant Janiçki qui a pour mission de faire passer la frontière à ses soldats. Mais, sous la menace constante d’attaques japonaises et d’un groupe qui se disloque, ces 300 kilomètres en pleine forêt vont devenir une traversée des enfers.

 



En évoquant, grâce à son titre ou par les visuels vaporeux de la photographie bien ficelée de Guillaume Deffontaines, les abords des confins du monde par les yeux de ce groupe qui perd petit à petit l’espoir de leur survie, Les Derniers Hommes tient évidemment des grands classiques américains et français du film de guerre, plongeant à travers une mission désespérée au milieu de la mort omniprésente et de l’approche constante de la folie qui vient frapper à n’importe quel moment. La mise en scène d’Oelhoffen, puissante par à-coups quand elle ne se pose pas dans un calme menaçant qui donne froid dans le dos, convoque un goût particulier pour les atmosphères étouffantes et surchargées, dominées par un mixage des bruitages dément et des scènes d’action transperçantes. Si le film est très peu critiquable esthétiquement, il souffre pourtant d’une écriture un peu trop étirée qui crée souvent des temps morts, tout en se perdant parfois dans la peinture parcellaire qu’il fait de ses trop nombreux personnages. A vouloir dégager encore plus de ce climat de tension insoutenable, Les Derniers Hommes manque globalement le coche émotionnellement, n’embarquant pas tout le temps le spectateur dans la spirale de désespoir intimiste où on aurait aimé se retrouver. Ce manquement narratif n’est pas vraiment aidé par un traitement et un enregistrement étonnamment perfectible des dialogues qui, à cause des forts accents de ses comédiens et d’un mixage étrangement pensé, paraissent souvent difficiles à suivre.


Mais malgré ces imprécisions et ses quelques défauts formels, Les Derniers Hommes reste une expérience de cinéma profondément sensorielle et saisissante, qui envoie une vingtaine d’homme dans un purgatoire habillé en vert, une jungle tueuse et sans pitié qui enlève sans prendre parti. Par le soin conféré au réalisme de l’intrigue et de sa reconstitution historique, ainsi que par un casting investi de sa mission étouffante (on y trouve pêle-mêle Andrzej Chyra, Nuno Lopes, Guido Caprino, Wim Willaert...), David Oelhaffen signe une odyssée masculine gangrenée par la violence gratuite et l’absurdité de la guerre, parfois à la lisière du fantastique et de l’onirique, gonflée par la bande-originale électrique de Superpoze.

Les Derniers Hommes est un récit palpitant, terrifiant et inextinguible, probablement trop nihiliste et trop éloigné de ses personnages pour en faire la peinture parfaite, bien qu’il sache pertinemment imprimer à l’écran la fragilité de la vie, la surpuissance de la nature, l’emprise de la mort et le désespoir à la vue de l’obsolescence programmée de l’existence. Par sa complexité appliquée d’une main de fer et par son approche froide d’une humanité en perdition qui s’autodétruit, Oelhaffen convoque les fantômes de la guerre pour monter une œuvre hantée par sa propre fin imminente.


Titre Original:  LES DERNIERS HOMMES

Réalisé par: David Oelhoffen

Casting: Guido Caprino, Nuno Lopes, Andrzej Chyra

Genre: Drame, Historique

Sortie le: 21 Février 2024

Distribué par:  Tandem

BIEN

 

 

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