Critiques Cinéma

UNE VIE (Critique)

SYNOPSIS : Prague, 1938. Alors que la ville est sur le point de tomber aux mains des nazis, un banquier londonien va tout mettre en œuvre pour sauver des centaines d’enfants promis à une mort certaine dans les camps de concentration. Au péril de sa vie, Nicholas Winton va organiser des convois vers l’Angleterre, où 669 enfants juifs trouveront refuge. Cette histoire vraie, restée méconnue pendant des décennies, est dévoilée au monde entier lorsqu’en 1988, une émission britannique invite Nicholas à témoigner. Celui-ci ne se doute pas que dans le public se trouvent les enfants – désormais adultes – qui ont survécu grâce à lui…

Il y a quelques années, un extrait télévisé avait été déterré avant de (re)faire le tour d’Internet, marquant les gens par l’histoire méconnue qu’il raconte et par son quotient émotionnel évident. Lors d’un enregistrement de l’émission That’s Life sur la BBC en 1988, la présentatrice Esther Rantzen évoquait à la caméra le récit extraordinaire de Sir Nicholas Winton (pas encore Sir à ce moment-là), jeune courtier britannique lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate. Il organisa, par ses propres moyens, le sauvetage de plus de 600 enfants réfugiés tchécoslovaques menacés par l’invasion nazie imminente en organisant leur évacuation jusqu’au Royaume-Uni. Cette histoire sera restée méconnue jusqu’à cette émission télévisée, où Sir Winton sera surpris dans le public par une partie des enfants qu’il a sauvé 40 ans plus tôt. Cette séquence particulièrement émouvante même si forcément mise en scène et larmoyante, aura probablement initiée presque à elle toute seule la production d’un long-métrage biopic, offrant au réalisateur James Hawes et aux scénaristes Nick Drake et Lucinda Coxon un drame à hauteur humaine qui plonge à travers l’humanité se révélant au milieu de la violence.


Le film suit alors deux lignes temporelles, l’une racontant la vie de Winton à l’aube du début de la Guerre en Europe – où il est interprété par Johnny Flynn – et l’autre suivant les vieilles années de l’homme alors qu’il tente de faire la paix avec ses démons – et où il porte le visage et la voix d’Anthony Hopkins. Dans un jeu de miroirs et de performances particulièrement bien pensé, les deux comédiens fusionnent avec un sens de l’équilibre très efficace, se répondant à plusieurs décennies de distance au gré d’un scénario plutôt habilement construit, bien qu’il se permette de rester surtout à la surface de l’émotion. Une Vie, en opposition par exemple à La Liste de Schindler auquel il peut aisément être comparé, est un biopic extrêmement accessible, centré surtout sur la quête de Sir Winton et sur les regrets qu’il porte alors qu’il peine à se replonger dans les souvenirs de tous les enfants qu’il n’a pas réussi à sauver. Mais Une Vie fonctionne par la peinture qu’il fait de son protagoniste, un héros qui s’ignore par modestie et par douleur, portant alors le vrai sens de l’émotion du film. Au final, la fameuse séquence clé de l’émission télé n’est pas réellement celle qui impacte le plus dans le sens où elle est prisonnière de la mise en scène effectuée par la BBC à l’époque. Hawes réussit particulièrement son coup dans tous ces petits riens qui composent les silences et les larmes d’Anthony Hopkins aux points émotionnels clés du film.

Le comédien est l’une des plus grandes forces du film et, comme dans The Father, témoigne d’une véritable puissance sentimentale, à la fois fragile et dévastatrice, qui marque durablement par sa justesse de ton. L’équilibre de l’entièreté du long-métrage fonctionne particulièrement par son absence de larmoyance, évitant les écueils de la prise d’otage émotionnelle d’un film qui essaierait par tous les moyens les plus putassiers possible d’agresser lacrymalement son auditoire. Une Vie parvient parfaitement à dresser le portrait de son protagoniste et le déroulé de son incroyable mission sauvetage, tout en parlant des regrets d’une vie et de l’incroyable tournure que les évènements peuvent prendre après une unique décision. Si le film manque légèrement de densité, quittant très peu son protagoniste et manquant parfois d’un peu de contexte politique et social, il s’affirme pourtant comme une réussite très touchante et notablement humaine, mettant à l’honneur un héros admirable parce qu’ordinaire – pour ce que ce mot peut bien évoquer…


James Hawes signe un film pertinent et habilement nécessaire, qui s’effiloche inévitablement en fin de parcours mais où l’on retrouve les ingrédients des biopics réussis. Le pari émotionnel est relevé avec beaucoup de passion, au service de l’évocation d’une histoire bien trop méconnue qui témoigne d’une humanité se révélant au milieu du pire. Une Vie est un battement de cœur à la fois déchirant et réparateur, qui révèle son protagoniste avec tout ce qu’il portait de remords, de doutes et de générosité.

Titre original: ONE LIFE

Réalisé par: James Hawes

Casting:  Anthony Hopkins, Johnny Flynn, Helena Bonham Carter…

Genre: Biopic, Drame

Sortie le: 21 Janvier 2024

Distribué par : SND

TRÈS BIEN

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