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CONSTELLATION (Critique Saison 1) Constellation ravira les amateurs de SF et de paradoxes temporels…

SYNOPSIS : Jo revient sur Terre après une catastrophe spatiale et découvre que des éléments clés de sa vie semblent avoir disparu.

Pour sa nouvelle production originale, AppleTV+ continue de tourner la tête vers les étoiles. Après leurs Fondation et autre For All Mankind, c’est au tour de la comédienne Noomi Rapace d’être envoyée en apesanteur dans un thriller paranoïaque gonflé aux paradoxes temporels et à une narration démesurément embuée. Menée par le showrunner britannique Peter Harness (dont on a pu croiser la plume sur Doctor Who et La Guerre des Mondes édition 2019), Constellation rend la tâche du synopsis ardue. Pour rester évasif (afin d’éviter les spoilers et de rendre la lecture de cette critique digeste), ces 8 curieux épisodes racontent l’histoire de l’astronaute suédoise Johanna Ericsson. Alors en mission dans l’ISS, ayant laissé sur Terre son mari Magnus et sa jeune fille Alice, un accident terrible secoue la station et précipite une évacuation. Johanna reste sur place pour sécuriser l’installation, et commence à être témoin d’étranges évènements. Lorsqu’elle finit par revenir sur Terre, Johanna se rend compte petit à petit que certains éléments de sa vie ne sont pas tels qu’elle les a laissés en partant…



Car Constellation démarre sur les chapeaux de roue, conduite par une narration très confuse qui disloque ses personnages sans aucune explication. La série jongle alors entre les genres, passant du drame de science-fiction au thriller complotiste en s’octroyant quelques pauses sur le terrain du film d’horreur, en emmenant le parcours de sa protagoniste, spectaculaire Noomi Rapace qui parvient à parfaitement dissocier pour convaincre de la bonne tenue d’un ensemble pas vraiment évident. Constellation a ce défaut principal de ne pas être vraiment accessible dès son ouverture, rajoutant des couches de complexité et de superpositions quantiques pour narrer le retour à la vie civile de son héroïne, avant de finalement muter en amorce d’épisode 4. Tout finit par s’imbriquer ensemble et à faire sens (en partie, tout au moins). En ne proposant aucun manuel pour expliciter les écarts dans la réalité crées par son scénario, Peter Harness propose une expérience de télévision trop rare, qui s’explore par le prisme de la découverte. A l’instar d’un grand jeu de piste, c’est aussi au spectateur de raccrocher les wagons, épisode par épisode, pour lui aussi comprendre l’implication des multiples histoires racontées autour de Johanna, Magnus et Alice. Si Noomi Rapace excelle, c’est aussi le cas pour les comédiens qui l’accompagnent, à commencer par James D’Arcy et les jeunes Davina et Rosie Coleman qui incarnent Alice sur plusieurs facettes. On y retrouve également William Catlett en astronaute dissocié (au centre d’un superbe épisode 6 qui retourne les acquis pour dévoiler la face cachée de l’iceberg) ou encore Jonathan Banks (le Mike de Breaking Bad et Better Call Saul, ici en ancien astronaute hanté par sa propre création).

Constellation a dans ses apparences tout du mic-mac spatio-temporel intello-compliqué dont on pourrait aisément critiquer la surcharge et les entrelacements narratifs inexpliqués. Mais derrière ses faux-airs, il s’avère que cette première saison (en aura-t-on seulement d’autres ?) réussit totalement son pari expérimental, explorant ses mécanismes de fragmentation et ses monologues sur le Chat de Schrödinger pour s’amuser à retourner la narration classique.

En s’aventurant en hors-piste autour des théories du complot et de la base de l’Effet Mandela pour envoyer sa Johanna dans un kaléidoscope quantique où elle fera l’expérience d’un drame social particulièrement émouvant dans ses derniers épisodes, Constellation ravira les amateurs de SF et de paradoxes temporels, tout en se liant aux codes du conte de fée et du récit fantastique (comme nous évoque le prénom de sa fille, Johanna vit une curieuse transposition d’Alice au Pays des Merveilles). Par sa peinture fantomatique, faisant vibrer ses étranges figures vaporeuses au gré d’une aventure fragmentée entre l’espace, la Terre et les traumas familiaux, ces 8 épisodes réalisent un formidable succès en imposant une atmosphère anxiogène et lancinante qui complexifie les strates classiques du récit de l’astronaute en plein burnout pour la confronter à sa place dans l’univers.

Crédits : Apple TV+

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