Critiques Cinéma

CREATION OF THE GODS I : KINGDOM OF STORMS (Critique)

A l’instar du japonais Godzilla Minus One, d’abord distribué en France sur deux jours en décembre de l’année passée, le blockbuster mastodonte chinois Creation of the Gods ne va heurter les écrans français que les 10 et 11 février sur un cycle prévu pour coïncider avec le Nouvel An Chinois. Sa nature évènementielle évoque également l’ampleur d’une production rare, la promesse de naissance d’une saga ultra-produite, la Chine cherchant à travers l’adaptation du roman mythique  L’Investiture des Dieux de Xu Zhonglin à concevoir leur propre univers blockbusteresque – une sorte de MCU fantaisiste en approche… Ce premier volet de la trilogie Creation of the Gods déjà prévue (et tournée), sous-titré Kingdom of Storms, évoque – via le prisme d’une flopée de personnages tous introduits par un carton et un joli plan sur eux – les destins de Yin Jiao et Ji Fa, deux frères d’armes au service du Roi des Shang. Le premier est le fils du Prince Yin Shou, le second est le fils cadet du Duc de l’Ouest, élevé et entraîné en tant qu’otage diplomatique du Roi. Lorsqu’un esprit-renard prend possession du corps de la jeune Su Daji, et qu’il accompagne Yin Shou dans un complot pour récupérer le trône de son père, Jiao et Ji Fa sont alors tiraillés entre leurs engagements au Roi des Shang et la volonté des Dieux…

 


Cet épisode de positionnement, à la fois stratégique, marketing et narratif, mis en scène par le réalisateur Wuershan (qui co-écrit l’ample scénario avec Ran Ping, Ran Jianan et Cao Sheng) se présente avec des airs grandiloquents, sous la forme d’une épopée sans concessions et au budget colossal dépassant les échelles du genre, comme une proposition assurée qui ne lésine pas du tout sur les moyens employés. Doté de gigantesques décors, de personnages qui défilent sans fin, d’effets spéciaux massifs (qui fonctionnent très bien à l’exception de certains passages bien ratés, en particulier la scène à Kunlun ou certaines créatures en CGI) et d’un sens pointu de l’épique et du gigantisme, Creation of the Gods I est un objet brillamment immense, un morceau de bravoure spectaculaire probablement trop imposant dans ses embouchures pour ne pas chanceler sous son propre poids, demandant beaucoup trop à un scénario pas assez fourni et une affluence de personnages secondaires probablement pas si nécessaires. Kingdom of Storms croit dur comme fer en son ambition, lui conférant un air de prise de risque totale, témoignant de la volonté accrue du cinéma chinois de conquérir le reste du monde avec leur expertise en matière de grand spectacle. S’ils viennent chercher les œuvres américaines et néo-zélandaises sur leurs propres terrains (car Creation of the Gods a autant – voire même plus – du Seigneur des Anneaux que de Marvel, malgré ses scènes post-génériques et ses super-méchants intuables), les studios chinois cherchent surtout à populariser à l’international leurs légendes locales, L’Investiture des Dieux faisant écho à l’une de leurs plus grandes histoires, à savoir la chute de la Dynastie Shang au profit de la Dynastie Zhou. Dans un récit mythologique peuplé de magie, de créatures démoniaques, de trahisons sanglantes et de Dieux courroucés, ce premier volet pave la voie à une trilogie riche en batailles et en retournements de situation tragiques, prenant en héros des fils confrontés à leurs pères et à leur propre héritage.

Cette lutte patricide et fraternelle, au milieu d’une grande fresque mythique, donne alors un espace pour la mise en scène spectaculaire de Wuershan, lequel fait voltiger sa caméra dans des séquences visuellement très impressionnantes même si nappées d’effets spéciaux. Pesé par un scénario qui se veut trop complexe pour le récit plutôt accessible qu’il dégaine, Kingdom of Storms est une expérience de cinéma évidemment singulière, une promesse sans détours et sans fioritures qui s’habille de l’épique bande-originale de Mengkezhuolan et Gordy Haab pour dresser son tableau géant à la Tolkien. En pariant sur un casting non-professionnel, entraîné sans relâche aux différents styles de combat représentés dans le film, Wuershan va chercher chez les jeunes Chen Mushi et Yu Shi deux protagonistes aussi attachants qu’investis de leur mission. Ils sont contre-balancés par le contrôle de Fei Xiang, l’antagoniste principal de cet opus, et par la présence menaçante de la magnétique Naran dans la peau de cet esprit-renard pernicieux. Le film se perd d’ailleurs beaucoup dans le traitement des personnages féminins, très rares à l’écran, représentant le seul au centre du récit comme une manipulatrice tentatrice et malveillante, gonflant d’autant plus le long-métrage à la virilité dégagée par la masculinité de ses héros.


S’il est empreint des défauts traditionnels des aussi grosses machines, ce premier Creation of the Gods est finalement une œuvre à l’ambition démesurée, parfois bancale et parfois grandiose, une fresque épique et mythologique qui emporte même dans ses excès de kitsch ou dans ses ruptures narratives grandiloquentes. Évoquant la promesse d’un univers partagé tourné autour de ses mythes, Kingdom of Storms se défait mal de ses traits négatifs mais impressionne aisément par sa maîtrise technique, l’ensemble dément de costumes et l’énergie déployée par le casting très investi et la mise en scène colossale de Wuershan. De sa diffusion évènementielle, Creation of the Gods I s’en sort de manière toute aussi évènementielle, au terme d’un périple dopé à la testostérone et aux malédictions divines, sa singularité et son ambition valant à elles-seules un détour bien mérité par les légendes de la Chine.

Titre Original: FENG SHEN DI YI BU : ZHAO GE FENG YU

Réalisé par: Wuershan

Casting: Bo Huang, Fei Hsiang, Li Xuejian…

Genre: Action, Aventure, Drame, Fantastique, Historique

Sortie le: 10 Février 2024

Distribué par: Heylight Pictures

TRÈS BIEN

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