Critiques Cinéma

L’HORLOGER DE SAINT-PAUL (Critique)


SYNOPSIS : Abandonné par sa femme, Michel Descombes, horloger à Lyon, élève seul son fils, Bernard. Un jour, la police vient faire une perquisition à son domicile. Surpris, le père apprend que son fils est en fuite avec sa compagne car il a tué un des gardiens d’une usine. Michel se rend alors à l’évidence, il ne connaît pas vraiment Bernard. Lorsque ce dernier se fait arrêter, Mr Descombes met tout en œuvre pour créer une véritable relation avec lui.

L’Horloger de Saint-Paul est à l’origine un roman nommé L’Horloger d’Everton (1954) de Georges Simenon et dont l’action se situe dans le Connecticut, aux Etats-Unis, ici donc transposé à Lyon, terre natale de Bertrand Tavernier. Le jeune réalisateur doit faire le pied de grue pendant plusieurs mois devant la demeure de Georges Simenon avant d’obtenir les droits du roman. L’horloger de Saint Paul est de fait un événement déjà car c’est le premier long métrage de Maître Bertrand Tavernier. Le début d’une carrière de cinéaste éclectique, au panthéon du septième art. Il était et restera le premier cinéphile français. Avec lui, dans un cinéma, encore plus à Lyon au Festival Lumière que dans son salon, quand ladite lumière s’éteint et que le film commence, alors tout peut arriver. La preuve en est, ce premier film recevra reçoit le prix Louis Delluc en 1974. « Quand Tavernier est arrivé, j’ai ressenti une vive sympathie pour lui. Il m’a plu tout de suite. J’avais l’impression de trouver un frère ». Cette phrase de Philippe Noiret dit tout de ce que va devenir leur formidable collaboration, qui débute donc avec l’Horloger de Saint-Paul et forte en tout de 8 longs-métrages.

Tout de suite justement, dans le rôle de Michel Descombes, Philippe Noiret irradie d’authenticité : « Avec une pointe d’humour dans l’œil« en évoquant Léon Zitrone avant de se resservir en patates, et comme cette chaleureuse impression d’être à table avec lui et les autres. Et cette façon de filmer Lyon, qui devient un véritable personnage du film, autant dans ses avenues reconnues de tous qu’au cœur de ses vieux quartiers où l’artisanat règne en maître. Tavernier sent Lyon et réciproquement. « La France est un curieux pays : 50 Millions d’habitants, 20 millions de dénonciateurs » dit Rochefort sous les traits du flic Guibout, faisant penser à Lino Ventura dans Garde à vue (1981) affirmant à Michel Serrault : « Les Français ont toujours aimé appeler la police « … La singularité majeure de l’Horloger de Saint-Paul réside dans son attachement à l’humain, à ce qui se joue entre les personnages et donc à la finesse des dialogues, du jeu, de ce qui est dit mais aussi qui ne l’est pas, davantage que l’intrigue policière, pourtant sujet principal du film. Ce n’est finalement que dans la dernière demi-heure que père et fils vont se croiser, et c’est tout autant leurs silences que les rares mots échangés qui vont toucher le spectateur et nous dire tant de l’ancrage de nos pudeurs, des sentiments filiaux trop puissants pour ne pas être refrénés. La dimension empathique à cet égard est particulièrement puissante. Le choix des scénaristes n’y est pas étranger, car si Jean Aurenche et Pierre Bost ont pu être vilipendés par François Truffaut, dans sa détestation du cinéma de papa, c’est surtout pour leur qualités d’analyse autour des personnages que Tavernier leur apporta toute confiance.

La relation entre Descombes et Guibout se dessine sous des même traits qui mettent en premier lieu l’importance du lien. Ils partagent une forme de truculence, échangent sur leurs respectives paternités et dans ce Lyon dont ils sont les deux originaires, auraient tellement pu être amis. C’est aussi tout ce que nous dit le réalisateur, il y a les circonstances, mais il existe surtout des hommes.

Philippe Noiret puise toujours autant sa force dans le naturel d’un jeu qui n’en est plus un. Il crée avec le spectateur cette familiarité, comme si nous étions face à notre oncle, ou cet ami de la famille avec qui on aurait envie de partager une bonne bavette. Dans l’Horloger de Saint-Paul, la simplicité et les valeurs humanistes de son personnage accentuent encore cette impression que plus qu’un acteur, Philippe Noiret est dans nos vies. Si son personnage est de fait moins déployé dans l’intimité, il y a comme ce miroir entre la fausse pudeur de Rochefort et le sens de l’autre de Noiret. Ainsi, quand les deux sont à l’écran, on a comme une envie que jamais la caméra ne s’arrête. Jean Rochefort apporte lui aussi à ce flic toute sa dimension d’authenticité qui capte l’œil du spectateur et crée un lien naturel avec le film.L’Horloger de Saint-Paul permet pour un cinéaste qui pourra ensuite passer d’un genre à l’autre comme qui rigole, de déjà envisager la dimension fabuleusement humaine du réalisateur, mais surtout de l’homme Tavernier, qui au travers d’une sombre histoire criminelle filme surtout la sobriété des hommes qui font bien ce qu’ils peuvent. Une formidable histoire d’humilité, d’humanité et de cinéma.

Titre original: L’HORLOGER DE SAINT-PAUL

Réalisé par:  Bertrand Tavernier

Casting: Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jacques Denis…

Genre: Drame

Sortie le: 16 Janvier 1974

Distribué par : –

EXCELLENT

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