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SYNOPSIS : Dans le Londres d’aujourd’hui. Un coup de téléphone anonyme va mener deux brillants détectives (une jeune femme qui commence sa carrière et un homme bien informé, déterminé à protéger son héritage) à une confrontation autour d’une ancienne affaire de meurtre. La série abordera les sujets du racisme, de l’échec des institutions et de la recherche d’une entente dans une Grande-Bretagne divisée.
En s’aventurant dans les affres du polar avec sa nouvelle création originale conçue par Paul Rutman, AppleTv+ signe un sensationnel duo à la tête de Criminal Record. Dans un Londres contemporain, la détective June Lenker, jeune mère de famille, est mise sur la piste d’une erreur judiciaire lorsqu’un appel d’urgence arrive jusqu’à son téléphone. En enquêtant sur sa mystérieuse interlocutrice, elle croise le chemin de Daniel Hegarty, son supérieur hiérarchique, qui semble couvrir ses arrières…Car Criminal Record est vissé sur son duo de tête, confrontant deux figures aux antipodes l’une de l’autre. June Lenker (incarnée avec force par Cush Jumbo) a des airs de rookie, idéalisant la justice dont son poste est censé être garant, et doit faire avec les stigmatisations dues à son statut d’inspectrice métisse. Daniel Hegarty (implacable Peter Capaldi) est un vieux de la vieille, un inspecteur bourru au passé intense qui voit d’un mauvais œil l’impulsivité et la naïveté de sa jeune collègue. Leur collaboration, sous le signe d’une guerre froide hiérarchique qui fait naître les premières étincelles de leur confrontation, donne à Criminal Record sa raison d’être, sous la forme d’un thriller éperdument nerveux, à cheval sur son sens du mystère et sur le monde qui sépare ces deux protagonistes dont on ne sait pas grand-chose. Et le principal intérêt de la série se situe ici, car s’il est évident que Hegarty cache quelque chose et qu’il est forcément mouillé d’une manière ou d’une autre dans un système de magouilles ou dans une machination bien plus sombre, les 8 épisodes qui composent la saison se plaisent à brouiller les pistes et à réduire la distance entre ses personnages en questionnant la nature de la vérité.

Paul Rutman amène Lenker à enquêter sur un féminicide vieux de 10 ans, pour lequel un certain Errol Matthis a été condamné à une peine de 24 ans de prison. Lorsqu’un appel anonyme lui laisse penser que ce Matthis est innocent, et que son interlocutrice est en danger, un rouage implacable se met en route, et entraîne les deux personnages dans un choc des titans drapé sur un sens aiguisé de la réplique et sur un propos radicalement politique.

Criminal Record fait état des contradictions de la police moderne, en mettant face à face l’ancienne et la nouvelle génération, sur fond de racisme et de sexisme. Les ripoux et les gangsters cohabitent, en peuplant le mystère qui se construit de part en part de cette enquête façon True Detective dans les rues de Londres. Cependant, la réussite formelle indiscutable de la série manque de peu la perfection, en s’écharpant dans ses épisodes finaux qui n’apportent que trop peu de réponses et refusent de conclure les principales interrogations posées par les marches les plus stimulantes de son intrigue.

Criminal Record brille alors par un sens d’inachèvement, tellement dommage qu’on s’éprend très rapidement de ce jeu malsain et machiavélique du chat et de la souris entre Lenker et Hegarty. Leurs joutes verbales, leurs différences clés et l’alchimie évidente du duo Capaldi/Jumbo qui crève l’écran, ne rendent que plus frustrante la retombée timorée qui conclue ce cycle d’épisodes qui jusque-là, pourtant, n’avait pas eu peur de rentrer dans le vif du sujet par son sens atypique de la violence graphique et des dénonciations politiques. En s’épargnant la gratuité sur des sujets d’actualité particulièrement sensibles, Rutman monte un polar urbain aussi efficace qu’il est fragile, une déconstruction de l’influence policière par le prisme d’une confrontation entre la vieillesse désabusée et la jeunesse idéaliste. On reste alors sur notre faim avec un final un brin décharné, pas vraiment à la hauteur du show, mais qui renvoie Criminal Record à l’épure de son spectaculaire au service de son écriture soignée et de sa radiographie saisissante d’une société londonienne qui fait écho au reste du monde. Une très bonne surprise, superbement filmée et finement écrite, peut-être trop lourde pour son propre bien, finalement.
Crédits : Apple TV+








































































































































