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SYNOPSIS : Quand Priscilla rencontre Elvis, elle est collégienne. Lui, à 24 ans, est déjà une star mondiale. De leur idylle secrète à leur mariage iconique, Sofia Coppola dresse le portrait de Priscilla, une adolescente effacée qui lentement se réveillera de son conte de fées pour prendre sa vie en main.
De son propre aveu, Sofia Coppola ne savait rien de l’histoire de Priscilla Presley. Simplement, comme toute sa filmographie en atteste, la cinéaste au style cool et vaporeux est attirée par les histoires d’enfermement, donc fatalement les histoires de femmes. La claustration est omniprésente dans l’œuvre de Sofia Coppola. Il s’agit pour la femme d’arracher sa liberté. On pensera à cette phrase iconique dans Virgin Suicides (1999) d’une des frangines Lisbon, après une tentative de suicide, à un vieux toubib : « Manifestement docteur, vous n’avez jamais été une fillette de 13 ans « . Avec Priscilla, c’est comme une majoration de cette situation d’enfermement tant le sentiment à l’extérieur est celui d’un conte de fées, d’une fable qui arrange bien l’icône Elvis Presley dans la propre construction de son mythe. Alors qu’aujourd’hui, il s’agirait plutôt d’un détournement de mineur car Priscilla était âgée de 14 ans à leur rencontre. Un particularisme du long métrage qui n’est pas anodin est que Priscilla Presley est la coproductrice du film. Selon Sofia, elle a laissé faire la cinéaste, tout en donnant ses impressions. Après la culotte de Scarlett Johansson dans Lost In Translation (2003), dans Priscilla, c’est le pied vernis de Cailee Spaeny… Magie d’un premier plan. Si la mise en scène tire sur moins sur la virtuosité unique de l’esthétisme propre à la réalisatrice, il demeure la photographie à lumière perçante, l’image feutrée, l’enchainement de plans où tout fait sens : du mouvement des personnages au minimalisme de certains décors. Pas de doutes, on est chez Sofia Coppola, et on y est tellement bien !!

Ce qui est clairement passionnant dans le long-métrage de Sofia Coppola est que sans agressivité ou acrimonie, elle s’en prend sans ambages à l’emprise d’Elvis sur Priscilla. Elle ne cherche pas à démythifier une icône, mais simplement à travers cette histoire, c’est malheureusement tant d’autres histoires. Elvis joue de son statut de star, d’homme qui va fatalement dominer cette jeune et innocente adolescente. Elle lui sera servie comme sur un plateau et forcément de son point de vue à elle, au départ, la fascination sera totale. Au-delà d’une forme de descente aux enfers, ce qui est bouleversant est quand elle regarde en face cette descente aux enfers et son propre renoncement au conte de fées. Très vite, cet enfermement dans la prison dorée se pressent. Un Elvis qui se refuse charnellement à elle, une cour autour du King qui ignore Priscilla, des commentaires toxiques sur son passage. Le parallèle avec Marie-Antoinette (2006) est très souvent saisissant. Tout ce qui compte pour Elvis est que Priscilla soit là pour elle. Habillée comme il veut, présente quand il en a besoin, elle va vite devenir comme un ornement pour celui qui s’aime trop pour être authentiquement amoureux. Très vite Priscilla va devoir abandonner son identité, pour devenir la femme de. Très vite, dans leur relation, il n’est question que de lui. Il va la droguer, puis l’exhiber, ne supportera pas ses velléités émancipatrices, puis il la violentera psychologiquement et même physiquement… Terriblement ordinaire mais forcément extraordinaire quand il s’agit de Priscilla et d’Elvis.

Ce n’est évidemment pas Priscilla qu’Elvis aime, mais le regard qu’elle porte sur lui. Là aussi il y a universalité dans le choc des égos d’une rencontre amoureuse. La bande originale a la première particularité de ne contenir aucun morceau de la discographie d’Elvis Presley, un choix autant habile que totalement délibéré qui vient appuyer qu’il s’agit d’abord de parler de Priscilla. La musique, toujours autant primordiale dans le travail de la cinéaste, est ici composée de morceaux qui alternent entre des grands classiques américains, très importants pour Priscilla elle-même, type Alice Coltrane, à des sons de groupes plus indépendants, aux sonorités très Coppolesques !!

Pour le rôle de Priscilla, Cailee Spaeny est déjà nominée aux Golden Globes, et c’est la moindre des évidences. Sa performance est telle que quand on pensera à Priscilla ou même à Elvis, c’est d’abord son visage, sa présence, son magnétisme qui vont imprimer notre mémoire. On pensera à la candeur juvénile de Keira Knightley dans Orgueils et Préjugés (2005). Mais surtout, elle est elle-même, elle est Priscilla, elle est inoubliable et on ne peut déjà plus s’en passer. Jacob Elordi lui aussi est impressionnant dans le rôle du King. Tout sauf un biopic, il réussit à nous faire passer dès les premiers instants les blessures d’Elvis, qui vont le transformer en monstre qui va tenter de manger tout cru Priscilla. Même quand il est tendre, le danger est partout. Leur duo est déjà iconique. Au final, Priscilla est une grande fresque tout en gardant l’épure qui est celle que l’on adore de sa créatrice. Le film passe comme un souffle, tant on entre dans cette histoire finalement terriblement empathique. C’est tout Coppola, puissamment esthétique, proche de nous et quand même unique.

Titre original: PRISCILLA
Réalisé par: Sofia Coppola
Casting: Cailee Spaeny, Jacob Elordi, Dagmara Dominczyk…
Genre: Biopic, Drame
Sortie le: 03 Janvier 2024
Distribué par : ARP Selection
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































