Critiques Cinéma

DREAM SCENARIO (Critique)

SYNOPSIS : Paul Matthews, un banal professeur, voit sa vie bouleversée lorsqu’il commence à apparaître dans les rêves de millions de personnes. Paul devient alors une sorte de phénomène médiatique, mais sa toute nouvelle célébrité va rapidement prendre une tournure inattendue… 

Aux abords de son troisième film – le premier en anglais tourné pour le studio A24, habituel réceptacle de high concepts intello-bizarroïdes – le réalisateur norvégien Kristoffer Borgli s’est déjà taillé une belle place au sein du cinéma indépendant international, et ce notamment grâce aux excellents retours cannois de son dernier film en date, la comédie diaboliquement satirique Sick of Myself. Le film mettait en scène Signe, une jeune femme aux ambitions de célébrité réfrénées par la platitude de sa vie et le désintérêt des gens. Alors qu’elle perçoit un jour la possibilité de devenir populaire en ingérant de son propre gré un médicament expérimental provoquant d’intenses réactions épidermiques, Signe s’engouffre dans une malsaine spirale de mensonge et de paraître. Par ce goût implacable et délicieusement malaisant qui vient composer le cinéma de Borgli, Sick of Myself s’est vu bien reçu par la critique et le public, jusqu’à signer avec A24 le très excentrique pitch de Dream Scenario. On y suit un Nicolas Cage métamorphosé en Paul Matthews, un père de famille bedonnant, à la calvitie appuyée et à la carrière professionnelle un brin ennuyante. Il est professeur de biologie, parle à tout le monde de son futur livre dont il n’a pas écrit une seule ligne, et vit une relation somme toute banale avec sa femme et leurs deux filles. En résumé, une vie quelconque ponctuée d’ennui. Un jour, en plein cours magistral, un de ses élèves lui avoue l’avoir aperçu, immobile observateur, dans son rêve la nuit passée. Et très vite, la situation se propage à travers tout le pays : Paul apparaît régulièrement dans les rêves des gens, sans aucune raison apparente, ce qui ne va pas tarder à faire de lui une célébrité instantanée…

Dans ces prémices pour le moins fascinants, Borgli traite une paire d’idées similaires à celles explorées dans son précédent long-métrage, en y inversant les motivations de ses personnages pour faire décoller de nouveaux enjeux. Si dans Sick of Myself, Signe est à la recherche désespérée d’une attention quelconque et d’un quart d’heure de célébrité mémorable, ce malheureux Paul Matthews se voit instantanément et sans qu’il n’ait rien demandé devenir le visage le plus connu du monde. Un coup du sort fulgurant, que Borgli traite étape par étape à travers un scénario piquant et habilement ficelé, décomposant avec humour les mécanismes de la célébrité soudaine, de ses impacts sur les cellules personnelles, des ravages d’une « mid-life crisis » comme aucune autre, de la violence sans fondements d’une absurde représentation de « cancel culture  » et de la recherche de sens à travers les cauchemars. Le réalisateur norvégien retourne la figure de Freddy Krueger pour en faire un Nick Cage mortellement ennuyeux et ridiculement banal, donnant au comédien l’occasion d’exorciser la propre place qu’il tient à travers la pop culture actuelle à l’âge des réseaux sociaux.

Assailli par ses métamorphoses en memes sur Internet, Cage semble de plus en plus assumer son image multi-facettes et nanardesque en signant des projets un brin fucked up, ou des explorations métas de sa propre figure (comme ce qu’il propose dans Un Talent en Or Massif, ou ici dans ce Dream Scenario). Borgli lui offre un script délicieusement gratiné, aux accents satiriques massifs et au déroulé hautement sarcastique, où la liberté de ton vient de son pitch absurde, de son humour caustique et d’une mise en scène balisée par le malaise – on pense notamment à cette scène complètement surréaliste où Cage peine à convaincre Michael Cera de lui éditer son essai scientifique, tout en refusant d’être transformé en encart publicitaire dans les rêves des gens.

Car Dream Scenario est une proposition aussi enflammée qu’elle est obscure, un objet de malaise et de bêtise qui compense le manque d’ampleur de son propos en fin de parcours par un appétit massif pour l’humour noir et les situations ubuesques. En ne prenant jamais la peine de se justifier ni de justifier l’existence de son concept, Kristoff Borgli tend à confirmer ce qu’il avait amorcé avec son Sick of Myself – en manquant simplement de faire mieux là où il y avait probablement un potentiel immense. Le réalisateur et scénariste norvégien propose à travers un délicieux casting (on retrouve derrière Cage Julianne Nicholson, Dylan Gelula et Tim Meadows, ainsi que quelques caméos particulièrement improbables) une exploration métaphorique et métaphysique des contrecoups de la célébrité, de l’unilatéralité de l’opinion publique et de l’absurdité d’un monde calibré sur ses coups marketings. Un vrai pari, à la fois pour le studio A24 et pour Borgli, mais aussi pour sa tête d’affiche, qui réussissent tous à prouver la valeur de leurs idées ravagées en offrant une comédie aussi furieuse que flaccide, tendant comme ultime message qu’il est tout à fait commun de rêver de Nicolas Cage – et ça nous rassure.

Titre original: DREAM SCENARIO

Réalisé par: Kristoffer Borgli

Casting:  Nicolas Cage, Julianne Nicholson, Michael Cera…

Genre: Comédie, Fantastique

Sortie le: 27 décembre 2023

Distribué par : Metropolitan FilmExport

TRÈS BIEN

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