Critiques Cinéma

GODZILLA MINUS ONE (Critique)

SYNOPSIS : Le Japon se remet à grand peine de la Seconde Guerre mondiale qu’un péril gigantesque émerge au large de Tokyo. Koichi, un kamikaze déserteur traumatisé par sa première confrontation avec Godzilla, voit là l’occasion de racheter sa conduite pendant la guerre.

Si l’évènement cinéma de cette fin d’année n’est peut-être pas là où on l’imaginait, c’est parce que le chemin que s’est tracé Godzilla Minus One jusqu’à sa diffusion internationale s’est fait sinueux. De l’autre côté du MonsterVerse américain qui rivalise d’imagination pour blockbusteriser le Kaijū lézardesque le plus connu du Japon, c’est sur sa terre natale que Godzilla se refait une beauté sous la caméra du réalisateur Takashi Yamazaki (notamment à l’œuvre dans le cinéma d’animation – on lui doit Doraemon et Moi, et Lupin III The First par exemple). En France, le film se sera doté d’un passage express par les salles, deux jours seulement dans les salles Pathé et Gaumont, de quoi titiller les aficionados de gros monstres et les amateurs de blockbusters locaux sur la nature évènementielle de cette distribution. Et, fort d’une réputation aussi massive que sa créature, fruit d’une réception critique et publique majoritairement très positive, Godzilla Minus One se révèle flamboyant et explosif, une fabrication génialement débridée et brillamment humaine qui réinvente son lézard géant dans un passage au scanner des traumatismes du Japon. Pour raconter son histoire, Yamazaki remonte aux origines de Godzilla. Minus One prend racine à la fin de la Seconde Guerre Mondiale : le Japon, frappé par les bombes atomiques américaines, fait état des destructions massives de ses villes et du nombre astronomique de pertes militaires et civiles. Le film suit Kōichi Shikishima, un pilote kamikaze revenu sur la terre ferme après avoir menti pour déserter sa mission. Alors qu’il atterrit sur l’île d’Odo, Kōichi est témoin de l’impensable : une créature géante à l’allure préhistorique, que les insulaires locaux appellent Godzilla, écrase la base militaire et massacre les soldats sur place. Rare survivant du carnage, Kōichi rentre chez lui où il découvre son village et sa famille anéantis. Il rencontre par un coup du destin une jeune femme, Noriko, et le bébé dont elle s’occupe, Akiko. Il décide de les accueillir chez lui, le temps de trouver une solution. Mais les années passent, et la menace de Godzilla refait surface. Kōichi se retrouve à nouveau face au monstre, et décide de se joindre à une initiative civile visant à le détruire pour de bon…


S’il prend la lignée du cinéma de Kaijū et des innombrables volets de la saga Godzilla qui ont ponctué le paysage filmique nippon depuis l’original de Ishirō Honda en 1954, ce Minus One raccroche avec les classiques du film de guerre, dans une structure qui rappelle même parfois le cinéma de Steven Spielberg (on pioche des références plus ou moins limpides à Jurassic Park ou aux Dents de la Mer), tout en appuyant ses fières origines japonaises par son récit social à cheval sur son histoire cinématographique, mais aussi par son appétit massif pour les séquences de Kaijū aux ambitions visuelles démesurées. Car Godzilla Minus One, dans la construction de sa narration, se découpe par le prisme du récit de son héros, un kamikaze vétéran qui, par peur de mourir, a quitté le front pour retourner chez lui. Sa rencontre avec Godzilla, puis son histoire croisée avec Noriko et Akiko, fabriquent l’une après l’autre les fondations d’un film qui se positionne film de guerre, drame social et questionnement intimiste, alors que ses implications scénaristiques le raccrochent à un impact politique massif. Par la peinture de la destruction massive, du traumatisme atomique et de l’abandon des autorités politiques qui laissent les civils trouver les solutions à leur place, Yamazaki dessine une fresque étonnamment précise au sein de son film de monstres, gardant son échelle au plus près du sol et sa caméra toujours plus avec ses humains. Car si le MonsterVerse américain continue à faire de ses monstres un grand spectacle toujours plus extrême (ce que confirme la première bande-annonce du prochain Godzilla x Kong qui verra le chemin des salles obscures l’année prochaine), son principal défaut se fait dans l’utilisation de ses protagonistes humains, lesquels paraissent furieusement plats et inconséquents au milieu des batailles de Titans massifs – à l’exception de l’actuelle série Monarch qui tente de remédier à ça, œuvre un peu seule au monde au sein de la saga. Godzilla Minus One frappe un grand coup avec la force brillante de ses personnages, source d’une émotion surpuissante aux points clés de son scénario, saisissant par la précision de leur humanité, la complexité de leurs motivations et de leurs traumatismes, mais aussi par la justesse saisissante de leurs interprètes. En première ligne, Ryūnosuke Kamiki incarne le jeune Kōichi et ses démons, dans son parcours de rédemption et sa quête désespérée d’un but à sa vie. Il est accompagné par la figure de Noriko (excellente Minami Hamabe), et par une flopée de frères d’armes qui naviguent à ses côtés (on y retrouve Yuki Yamada, Hidetaka Yoshioka et Kuranosuke Sasaki).


Sous la chapelle de Takashi Yamazaki (à la mise en scène et au scénario) qui réimplante à Godzilla ses lettres de noblesse au service d’un très grand film, Godzilla Minus One fait état d’une classe politique absente et d’une société traversée par ses traumatismes. Avec une inventivité totale dans la fabrication de ses effets spéciaux et dans la photographie globale de Kôzô Shibasaki (qui fait cohabiter l’échelle massive de Godzilla et des séquences de désolation avec les perspectives réduites et spectaculairement intimistes des intérieurs familiaux du récit), la Tōhō se dote, avec ce nouvel opus indépendant de la saga de Kaijū, d’un atout majeur, une force de frappe émotionnelle et visuelle ravageuse, qui déploie son ambition à travers ses aspects de blockbuster à l’ancienne.

Boosté par la bande-originale somptueuse de Naoki Satō, un savant mélange d’épique, de tragique et de cauchemar, Godzilla Minus One fait, dans les prolongations, son entrée surprise et vertigineuse dans les grands noms des meilleurs films de l’année. A la fois plaisir massif de spectateur et création narrative brillante, aux effets visuels canons et à la dimension épique euphorisante, ce Godzilla next gen profite de son monstre géant pour tracer le parcours d’un héros à la recherche de quelque chose pour le raccrocher au monde des vivants, au sein d’un Japon laissé pour compte par ses politiques déconnectés et hantés par les traumatismes d’une guerre ravageuse dont on a pu relire l’autre côté plus tôt dans l’année dans l’Oppenheimer de Christopher Nolan. Godzilla comme figure métaphorique multiple, symbole à tiroirs admirablement adapté par Yamazaki dans un spectacle colossal d’humanité, Minus One est une réussite fulgurante, à tous les niveaux, une montagne russe d’émotions qui fait vibrer son spectateur comme rarement. Pas mal, pour un gros lézard…

Titre original: GODZILLA MINUS ONE

Réalisé par:  Takashi Yamazaki

Casting: Ryûnosuke Kamiki, Minami Hamabe, Yûki Yamada…

Genre: Science fiction, Action, Aventure

Sortie le: 7 décembre 2023

Distribué par : Piece of Magic Entertainment France

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